« Altios a signé une convention de partenariat avec Business France en juin dernier, nous avions déjà des relations de collaboration dans le domaine de la connaissance des marchés, le pragmatisme est recherché par tout le monde ». De passage à Paris début septembre avant de regagner Montréal, d’où il supervise les activités nord-américaines d’Altios, société d’accompagnement à l’international (SAI) indépendante leader en France (30 millions d’euros de chiffre d’affaires, 180 personnes), Patrick Ferron, directeur associé et cofondateur, évoque les projets de réforme du dispositif public de soutien à l’export avec un certain recul. C’est que depuis 20 ans que sa société se développe sur le marché de l’accompagnement des PME à l’international, il en a vu passer des projets et il assiste, amusé, comme de nombreux observateurs de cet écosystème, à la relance de cette vieille idée du « guichet unique ».
Seul bémol : les chambres de commerce
Avec Business France, principal opérateur national de l’accompagnement à l’export, les sociétés privées comme Altios ont définitivement enterré la hache de guerre en novembre 2016, lorsque leur fédération, l’OSCI, a signé une convention de partenariat global avec lui*. Ce qui a ouvert la voie à des collaborations plus formelles.
Alors que l’agence publique sera davantage dans la préparation et la projection des entreprises à l’international, « nous, nous serons davantage dans la partie développement et pérennisation des courants d’affaires et ce partenariat vise à renforcer tout cela dans l’intérêt des entreprises ». Des opérations communes au Canada se seraient ainsi passées sans anicroches. Altios a aussi développé des collaborations avec Bpifrance.
Seul bémol : les chambres de commerce. Lorsqu’on l’interroge sur le rôle que celles-ci pourraient jouer en France et à l’étranger, Patrick Ferron est peu enclin à commenter. Est-ce le fait d’être, au Canada, déconnecté de sujets qui peuvent apparaître comme des querelles de clochers bien françaises ou le reflet du malaise qui agite sa profession depuis quelques mois ?
De fait, si l’OSCI ne conteste pas la légitimité des CCI en France comme acteurs de proximité dans l’accompagnement des nouveaux exportateurs et celle des CCI françaises à l’étranger sur le terrain de l’animation des réseaux d’affaires localement, la fédération des SAI s’inquiète de la volonté des réseaux consulaires de promouvoir un continuum de services aux entreprises qui pourraient exclure ses membres.
« Nous sommes vigilants, admet prudemment Patrick Ferron. Mais nous recherchons les partenariats quand c’est possible ». Et d’ajouter que de son point de vue, les partenariats, « ce sont souvent des affaires de personnes » et que la priorité reste de « créer un écosystème lisible ».
Des implantations intégrées dans 18 pays
Réforme ou pas, Altios, pour sa part, continue à tisser sa toile. En France, elle a noué des partenariats avec d’autres acteurs comme certaines Régions, mais aussi le Crédit Agricole / LCL et des fonds d’investissements (MBO Partenaires en 2015) pour mailler le territoire français et décrocher de nouveaux clients.
A l’étranger, elle mise sur l’extension de sa présence directe. Avec une nouvelle filiale intégrée en Espagne, opérationnelle depuis le 1er septembre, et une autre en cours de constitution à Dubaï, aux Émirats arabes unis, la SAI compte désormais des implantations intégrées dans 18 pays, France incluse **. « Notre stratégie depuis cinq ans est de nous positionner sur un G20 et d’en devenir des spécialistes, confirme Patrick Ferron. D’ici deux à trois ans, il faudra que nous soyons implantés en Corée du sud et au Japon ».
En Espagne, Altios a créé une filiale en joint-venture avec son partenaire local qui disposera d’un bureau à Madrid et d’un autre à Barcelone, et emploiera quatre personnes. Aux Émirats arabes unis, où la filiale est en cours de création sur fonds propres avec 3 personnes, il s’agira de la première implantation directe d’Altios dans cette zone. En s’installant dans ce hub de commerce et d’échange qu’est Dubaï, son objectif est clair : « déployer notre offre en visant les pays du Golfe et jusqu’à l’Iran », explique Patrick Ferron.
Altios mise sur son internationalisation tout autant que les entreprises qu’elle accompagne. La SAI propose toute une gamme de prestations de services et de conseil en matière de conquête/développement de marchés étrangers, d’implantation (recrutement de RH, hébergement, gestion), et d’investissement (création ou acquisitions). Sa cible principale : les PME et ETI, qui constituent 90 % de sa clientèle. « Nous avons suivi ce parcours d’internationalisation, ce qui nous donne une légitimité particulière dans ce domaine », explique encore le directeur associé. Si 80 % de ses clients sont encore des PME françaises, « offrir nos hubs à des PME non françaises est complètement intégré dans notre plan d’expansion ».
Le contexte international est porteur pour l’Europe avec le repli des États-Unis sous l’impulsion de l’administration Trump. Depuis le Québec, Patrick Ferron voit ainsi de près le regain d’intérêt que suscite le Canada alors que le traité de libre-échange de ce pays avec l’Union européenne (UE) va entrer partiellement en vigueur le 21 septembre. « Beaucoup d’entreprises canadiennes ont mis leurs investissements aux États-Unis en stand-by et s’intéressent à l’Europe », confirme-t-il. Côté français, l’intérêt n’est pas moindre, il en a eu dernièrement confirmation à Nantes, où il a participé le 5 septembre à un événement avec 80 entreprises. « Beaucoup voudraient ouvrir un courant d’affaires ou se renforcer sur le marché canadien ».
De quoi envisager l’avenir avec sérénité, réforme ou pas…
Christine Gilguy
*Export / Accompagnement : Business France et l’OSCI signent un partenariat historique
**Allemagne, Angleterre, Australie, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, France, Hong Kong, Inde, Italie, Mexique, Pologne, République Tchèque, Russie, Singapour, et, désormais, Espagne et Émirats arabes unis.
Pour prolonger :
–Commerce extérieur / Aides : J-Y. Le Drian et Ph. Richert mettent les “guichets uniques” de l’export sur les rails
–Accompagnement à l’international : Altios ne compte pas réduire la voilure dans les pays émergents
–Accompagnement à l’international : le leader des privés français Altios renouvelle son modèle pour devenir mondial