Signatures de conventions tripartites entre les Régions, Business France et les Chambres de commerce et d’industrie (CCI), intégration des personnels de l’agence publique d’accompagnement dans les CCI, mise en place progressive des ‘guichets uniques’ en région et des ‘correspondants’ à l’étranger, peu à peu la Team France Export (TFE) – ou Équipe de France à l’export – prend de l’épaisseur. Un processus qui se déroule non sans quelques crispations parfois, notamment entre l’agence et le réseau consulaire. Si les deux opérateurs sont parvenus à établir un catalogue commun de prestations, ils s’opposent sur la répartition des revenus. Revue de détail.
Le bilan des conventions tripartites
S’agissant ainsi des guichets uniques en France, les Régions étant devenues les pilotes du développement économique de leurs territoires de par la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République), l’action conjointe du réseau consulaire et de Business France devait logiquement associer les Régions. D’où la signature d’accord formel de partenariat avec les conseils régionaux ou leurs agences.
C’est pourquoi depuis le début de l’année, une poignée de protocoles d’accord tripartites visant à établir des « Team Export » régionales ont déjà été signés : Hauts-de-France (29 février), Région Sud (ex-Paca, 18 juin), Bourgogne-Franche-Comté (12 juillet), Normandie (17 septembre), Pays de la Loire (19 septembre).
A ces cinq protocoles d’accord, devraient s’ajouter six de plus en décembre 2018 ou début 2019 : Ile-de-France, Grand Est, Nouvelle Aquitaine, Centre Val-de-Loire, Auvergne Rhône-Alpes et Corse. Les projets d’accords, semble-t-il, doivent encore être peaufinés pour la Bretagne et l’Occitanie.
Le point sur l’intégration des conseillers de Business France
Parallèlement à ce cadrage institutionnel, les CCI et Business France ont commencé à travailler sur le terrain à la constitution des guichets uniques. Par souci d’efficacité, il a été décidé de constituer des équipes communes dans chaque région.
C’est ainsi qu’entre septembre et novembre, une trentaine de responsables de Business France ont rejoint les équipes de CCI International, le service international mutualisé des CCI. De façon précise, ils sont une vingtaine de conseillers internationaux et une douze de coordinateurs chargés, sous l’autorité hiérarchique des directeurs de CCI International, d’animer l’action commerciale et la prospection de sociétés.
Il est prévu qu’au cours des six premiers mois de 2019, un nombre équivalent de conseillers internationaux de Business France intègrent CCI International. D’après nos informations, un tour d’horizon des portefeuilles d’entreprises – chaque conseiller devant en prospecter en moyenne 200 – et des objectifs régionaux devrait être réalisé le 11 décembre.
L’offre commune CCI-Business France
Le 1er janvier 2019, l’offre commune Business France-CCI pourrait ainsi être commercialisée. Avec le support de différents instruments informatiques (CRM et plateformes de solutions)*, 23 lignes de produits seraient proposées dans sept domaines :
1/-information et documentation : fiches, éditoriaux, lettres de veille, projets d’appel d’offres;
2/-préparation et stratégie : évènements, diagnostic, plan d’action, formation, études, entretiens avec des experts, préparation à des rendez-vous et déplacements, identification, analyse et sélection de marchés cibles, accompagnement sur les marchés publics internationaux;
3/-Ressources humaines : gestion de la procédure des volontaires internationaux en entreprises (VIE);
4/-Marketing et communication : relations presse et relations publiques hors de l’Hexagone, networking, kit de présentation;
5/-Prospection : accueil d’acheteurs internationaux, accompagnement collectif ou personnalisé à l’étranger, immersion et accélération hors de France;
6/-Sécurisation de flux de marchandises : règlementation internationale;
7/ –Mentoring : contact avec les clubs d’entreprises, clubs pays et groupements sectoriels.
Le partage de revenus à clarifier
Reste un sujet épineux à régler : le partage des revenus. Sur fonds de baisse des subventions publiques, Business France et CCI France, la fédération des CCI dans l’Hexagone, s’écharpent.
D’un côté, les CCI sont confrontées à la baisse programmée de la taxe pour frais de chambre (TFC) qui leur est traditionnellement dévolue. Cette taxe est assise sur le chiffre d’affaires des sociétés. L’État voulant redonner de la marge de manœuvre aux entreprises, les CCI toucheront 100 millions d’euros de moins par an d’ici 2022.
D’un autre côté, elles subissent la pression de Business France. En l’occurrence, la direction du réseau France de Business France, que dirige Henri Baissas, en charge des négociations, estimerait que seul le travail des conseillers internationaux des CCI, qui participent directement au fonctionnement des guichets uniques, devrait être pris en compte dans la clé de répartition des revenus. Ce qui ferait un total de 300 conseillers sur le terrain, dont 50 de Business France et 250 des Chambres. Pour ces dernières, en revanche, il faudrait ajouter à ce chiffre les 150 agents qui contribuent aux missions de soutien aux entreprises, dont l’export : organisation de manifestations, animation de réseaux sociaux, fonctions support. Ce dont Business France ne veut pas en entendre parler.
Les CCI à la recherche de financements
Derrière ces discussions, c’est tout un modèle économique qui est en cause. Les Chambres, qui sont très affaiblies, recherchent de nouvelles sources de revenu. C’est ainsi que le président de CCI France, Pierre Goguet, est devenu vice-président d’ICC France, le Comité français de la Chambre de commerce internationale, en vue de développer des actions en commun.
Les deux organismes ont en effet un intérêt commun. Alors que les nouvelles règles des Incoterms 2020, à l’heure actuelle en cours d’élaboration, doivent être adoptées et publiées dans le courant de 2019, « ICC France veut s’appuyer sur le réseau consulaire pour diffuser la bonne parole », explique un observateur de la TFE. Parallèlement, livre cette source, « des personnels des CCI pourraient être formés, cette formation étant à chaque fois validée ».
Ce partenariat, qui serait logiquement mis en place au deuxième semestre 2019, tomberait à pic pour les Chambres. Dans l’écosystème du commerce extérieur, on parle de quelque 800 formations possibles. Ce qui constituerait au final une belle somme à se partager entre CCI France et ICC France. Et cela expliquerait pourquoi ce dernier a œuvré pour être intégré dans les ‘plateformes de solutions’ qui seront créées dans le cadre du projet TFE*.
L’annonce des CSP à l’étranger attendue en décembre
De son côté, Business France doit aussi trouver des sources de financement. Ses activités, à l’exception des VIE, sont déficitaires. L’agence doit donc compter sur l’État. Mais la réorientation de ses priorités géographiques l’oblige aussi à de nouvelles contorsions.
D’un côté, il lui est demandé de prospecter l’Afrique et d’y étendre son réseau, ce qui a un coût. D’un autre côté, l’agence doit se désengager d’autres zones, notamment d’Europe, où sa présence n’est pas jugée utile, surtout si des Chambres de commerce, voire des opérateurs privés, type sociétés d’accompagnement international (SAI), peuvent prendre le relai. Or, c’est sur l’Europe que les activités de l’agence publique sont les plus rentables.
Rappelons que Business France doit se retirer de dix pays. A ce jour, elle aurait publié huit appels d’offres. A chaque fois, une CCI française à l’étranger aurait soumissionné. Deux modèles ont été retenus : des concessions de service public (CSP) dans six pays – Belgique, Hongrie, Maroc, Norvège, Philippines, Singapour – des délégations de marchés de service public (DSP) dans quatre autres – Japon, Hong Kong, Espagne, Russie.
Les appels d’offres pour l’Espagne et la Russie n’ont pas encore été lancés. Certains professionnels pensent que Business France attendra que les DSP pour le Japon et Hong Kong, dévolues aux CCI françaises de ces deux pays, donnent des résultats pour les lancer. Quant aux six CSP, Business France devrait désigner les six vainqueurs en décembre.
François Pargny
* Lire dans la LC de cette semaine : Accompagnement / Export : le calendrier 2019 des outils de la Team France