Les entreprises qui ont des courants d’affaires avec la Chine mais n’ont pas encore réfléchi à l’utilisation du renminbi (RMB) ne devraient pas trop tarder : l’utilisation de la monnaie chinoise dans les transactions franco-chinoises, à l’import comme à l’export, ne cesse de croître.
Deux annonces ont marqué en effet la visite à Paris, mi-septembre dernier, du vice-premier ministre chinois Ma Kai, dans le cadre de la deuxième édition du “dialogue économique et financier de haut niveau” entre la France et la Chine.
La première annonce concerne les investisseurs institutionnels : les deux premiers établissements financiers français – BNP Paribas et Carmignac – ont ainsi été autorisés à investir directement en Chine en RMB sur les marchés d’actions et d’obligations dans le cadre d’un quota supérieur aux 80 milliards de RMB (10 milliards d’euros environ) accordé en mars dernier par les autorités chinoises dans le cadre de la visite en France du président Xi Jinping.
La deuxième annonce concerne le renforcement de l’installation de Bank of China à Paris, qui a été désignée comme “banque de règlement” en RMB en France. La succursale parisienne de la banque chinoise va pouvoir compter sur quelque 2 milliards de RMB (250 millions d’euros environ) d’emprunt obligataire levé sur le marché Euronext cet été par sa maison mère. Ces développements confirment la bonne place occupée par la France dans la zone euro pour l’internationalisation de la monnaie chinoise : selon Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, la place de Paris serait devant les Luxembourg et Francfort comme centre de traitement financier du RMB. Mais cette expansion internationale touche également le commerce bilatéral.
Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, qui a co-présidé le 15 septembre avec Ka Mai les travaux du dialogue de haut niveau à Bercy, a indiqué que la part des paiements en RMB dans le total des transactions commerciales franco-chinoises est passée de 20 % en 2012 à 44 % aujourd’hui. Autrement dit, elle a doublé en moins de deux ans, dans des échanges qui atteignent aujourd’hui 55 milliards d’euros et progressent à un rythme de 10 % par an !
Les hommes d’affaires français sont d’ailleurs en avance sur leurs homologues européens : ils seraient devant les Britanniques, les Luxembourgeois et les Allemands pour la part de leurs transactions avec la Chine libellée en RMB, selon le ministre français. Une performance qui s’accompagne d’une augmentation des dépôts bancaires en RMB, pour lesquels la France est au deuxième rang européen, derrière le Luxembourg.
Les grandes banques françaises dont certaines, comme HSBC France et Société Générale, font activement la promotion de l’usage du RMB auprès des entreprises françaises, offrent depuis déjà deux ans des services de trade finance en RMB. Toutefois, si la grande distribution – en particulier les centrales d’achat – et certains importateurs utilisent désormais fréquemment la monnaie chinoise dans leurs transactions avec la Chine, source de marge supplémentaire, des progrès doivent être encore faits par les PME et ETI.
Christine Gilguy
Les entreprises européennes encore attentistes
Selon une enquête européenne réalisée par HSBC en avril-mai 2014 auprès de 1 304 entreprises de 11 pays (50 % de PME et 40 % d’ETI), dont 100 pour la France, seules 22 % utilisaient la monnaie chinoise. Avec 26 %, les entreprises françaises étaient toutefois les plus nombreuses à l’utiliser, devant les allemandes, par exemple. Mais la marge de progrès est importante. « Tous ceux qui y avaient intérêt sont passés au RMB, les autres sont plus en attente, avait estimé Régis Bardiac, directeur international de HSBC France, en commentant les résultats de cette enquête, le 9 juillet. Les autres sont encore en attente ». Toutefois, le responsable avait indiqué qu’il y avait « une attente forte de nos clients » pour s’initier à la monnaie chinoise, dont les fluctuations sont étroitement encadrées mais en voie d’assouplissement, relevant que « 30 % des non-utilisateurs ont dit vouloir s’y mettre » lors de l’enquête. L’internationalisation de la monnaie chinoise, voulue progressive par Pékin, suit en effet son cours depuis trois à quatre ans, au fur et à mesure des ouvertures réglementaires. Dernières en date importantes pour les entreprises ayant des liens d’affaires avec la Chine : l’autorisation donnée en juillet 2013 aux maisons mères étrangères de faire des prêts à leurs filiales chinoises en RMB, qui a contribué à augmenter les flux en RMB. Le déploiement de la zone de libre-échange de Shanghai en septembre 2013, où les transactions commerciales en RMB sont plus libres, a quant à elle confirmé la volonté de Pékin de poursuivre le déploiement de sa monnaie.