Le principe de la liberté du commerce est bien établi au Japon. La préservation de la libre concurrence conduit à restreindre la liberté des opérateurs et la loi réglemente les techniques de vente (remises de prix, ventes avec primes, cadeaux, concours et loteries, etc.) trop agressives voire contraires à la loyauté et à la morale des affaires. Éclairage à travers neuf exemples concrets.
Neuf exemples de techniques de vente promotionnelle
1/ Soldes et campagnes promotionnelles
Accompagnées de publicité et visant par une réduction de prix à écouler les marchandises en stock, les soldes et campagnes promotionnelles peuvent être réalisées à tout moment. Pas de périodes de soldes encadrées mais en pratique ces opérations sont réalisées à des périodes régulières coïncidant avec les périodes de promo des autres enseignes.
2/ Réductions de prix
• Indication du prix : par exemple, vente d’articles auxquels est appliqué un pourcentage de réduction, indiquant un prix barré et un prix réduit. Les annonces de rabais sont parfois à l’origine de pratiques déloyales consistant à majorer artificiellement le prix de référence pour annoncer un rabais fictif.
La loi interdit la double tarification trompeuse. Les deux textes de référence sont la Loi sur la prévention des primes et déclarations abusives ou LPPDA et une directive de l’Autorité de la concurrence japonaise (Fair Trade Commission ou FTC). Le prix de référence sur l’étiquette doit être véritable et avoir été en vigueur pendant au moins quatre semaines au cours des huit semaines précédant l’offre et pas plus de deux semaines avant le début de l’offre.
• Ventes avec primes pour attirer le client en lui permettant d’obtenir, avec un produit ou service acquis à titre onéreux, un autre objet ou service gratuit ou à des conditions avantageuses. En principe, une réduction de prix n’est pas une prime, mais elle peut recevoir cette qualification si l’une des conditions suivantes n’est pas satisfaite :
• la réduction n’est pas soumise à une loterie ou un concours ;
• aucun produit supplémentaire, similaire ou non, n’est offert en prime (pas de choix entre un produit supplémentaire et une remise) ;
• l’utilisation du montant de la réduction n’est pas indiquée.
• Revente à perte : vente à un prix inférieur au coût de revient pour attirer la clientèle. Le prix prédateur peut éliminer les concurrents ou les empêcher d’accéder à un marché.
Pratique commerciale déloyale sanctionnée par une amende administrative, les ventes régulières à un prix nettement inférieur au coût de revient sans raison valable et pouvant mettre les concurrents en difficulté sont prohibées. Les ventes à prix abusivement bas sont également une pratique illicite.
3/ Primes auto-payantes
Pour un minimum d’achats de 3 000 yens, vous recevez un produit à prix réduit. L’avantage que peut tirer un consommateur de l’achat d’un produit à prix réduit est considéré comme une prime soumise à la LPPDA. L’indication de la réduction doit être conforme aux règles applicables aux réductions.
4/ Ventes avec primes gratuites sous condition d’achat
Un objet gratuit pour 8 000 yens d’achats ! La valeur de l’objet en prime doit être inférieure à un montant conforme aux usages du commerce et rester dans les limites de montants fixés en fonction du prix d’achat du produit. Elle est plafonnée à 20 % du prix du produit avec un minimum autorisé de 200 yens (la définition du prix d’achat varie en fonction d’hypothèses multiples). La prime sera un produit ou un service, y compris un bon d’achat, une remise en espèces, un divertissement ou tout autre avantage défini comme tel. Les restrictions ne s’appliquent pas si le produit gratuit est nécessaire à la vente, l’usage du produit ou la fourniture du service, est un échantillon, un coupon de réduction, offert à l’occasion d’une inauguration ou d’un anniversaire d’ouverture, et si sa remise est conforme aux usages du commerce.
Dans certains cas, la prime est traitée comme une réduction de prix : ces restrictions ne s’appliquent pas, mais celles sur les réductions doivent être observées. Il s’agit :
• des réductions de prix conformes aux usages du commerce (y compris les remises sous réserve d’achat) : par exemple, 500 yens de réduction si vous achetez plus de quatre articles ; une réduction de 15 % sur le prix d’un ordinateur si vous achetez une machine à laver ; ou encore une réduction de 300 yens sur votre prochain achat si vous achetez aujourd’hui pour plus de 3 000 yens ;
• d’un remboursement en espèces conforme aux usages du commerce (y compris un remboursement différé sous réserve d’achat). Par exemple, le remboursement de 1 500 yens si vous achetez pour 20 000 yens ;
• du cadeau identique (ou quasi-identique) au produit : un téléviseur offert à qui en prend trois.
5/ Cadeaux
Ils sont offerts au consommateur ayant acheté ou non un produit. Même lorsque la prime est un cadeau sans condition, sa valeur est plafonnée à 20 % du prix du produit avec un minimum autorisé de 200 yens.
6/ Concours et loteries
Ils donnent lieu à l’attribution d’un prix ou d’une prime. La valeur maximale de la prime offerte est fixée par la réglementation : par exemple, pour plus de 5 000 yens d’achats, la valeur maximale de la prime est de 100 000 yens. Les règles relatives au prix d’achat (cf. ci-dessus) s’appliquent aux primes offertes dans ce cadre. Par ailleurs, la valeur globale des primes attribuées par concours à prix ne doit pas excéder 2 % du montant total prévisionnel des ventes (total des ventes de produits concernés pendant la durée du concours). Dans certaines conditions, le montant de la prime attribuée par concours peut être porté à 300 000 yens et la valeur totale des primes représenter jusqu’à 3 % des ventes, lorsque le concours est organisé avec d’autres vendeurs dans une région donnée. La valeur de la prime est calculée sur la base du prix d’achat normal du même produit par des consommateurs et ne correspond pas obligatoirement au coût effectif du vendeur.
7/ Concours à prix libres
Offrir un cadeau par voie de concours ou loterie au public sans passage en magasin ni obligation d’achat. La pratique n’est pas réglementée par la LPPDA. Quand une entreprise organise un jeu sous forme de quiz dans la presse, n’importe quel lecteur peut répondre et les gagnants sont choisis par tirage au sort parmi les lecteurs ayant envoyé la bonne réponse. Un cadeau offert dans ces conditions n’est pas une prime et leur valeur n’est pas plafonnée.
8/ Ventes par lots de produits identiques
Plusieurs produits vendus ensemble à prix réduit. Ces ventes ne sont en principe pas réglementées par la LPPDA mais doivent respecter les règles relatives aux primes.
9/ Cartes de fidélité
Permettant de bénéficier d’une des offres ci-dessus. Les règles applicables dépendent du mode opératoire choisi (le bénéfice est une réduction de prix ou une prime et il convient de se reporter aux règles correspondantes). Si le bénéfice est un coupon de réduction, les règles relatives aux exemptions applicables aux ventes avec primes doivent être considérées.
Recours et sanctions
La FTC peut, par voie d’injonction, ordonner à une entreprise de cesser la pratique incriminée et de prendre des mesures pour empêcher qu’elle ne se poursuive. Si une entreprise est soupçonnée de ne pas respecter la LPPDA, la FTC mène son enquête et l’entreprise a un droit de réponse. Si la pratique illicite perdure, la FTC émet une injonction, publiée au Journal officiel, interdisant la pratique et obligeant l’entreprise à annoncer des mesures correctives dans la presse. Il s’agit d’une procédure accélérée et l’entreprise peut exiger de la FTC qu’elle engage une procédure judiciaire.
Avant finalisation de l’injonction, le contrevenant risque une amende administrative. L’inobservation d’une injonction peut donner lieu à une peine d’emprisonnement plafonnée à deux ans et à une amende dont le taux maximum ne peut excéder 3 millions de yens. Si un de ses dirigeants, employés ou agents ne respecte pas l’injonction, une entreprise peut encourir une amende pouvant atteindre 300 millions de yens (en sus de la peine individuelle). La vente continue à un prix nettement inférieur au coût de revient sans justification et qui peut mettre en difficulté les concurrents peut faire l’objet d’une amende administrative de 2 % (pour un détaillant) et 1 % (pour un grossiste) du chiffre d’affaires réalisé pendant la durée de l’infraction en cas de récidive au cours d’une période de 10 ans. Enfin, le consommateur pourra aussi réclamer réparation de son préjudice contre l’entreprise.
Landry Guesdon, avocat aux barreaux de Paris et Tokyo (GJB), Clifford Chance (Tokyo)