Le monde entier se passionne pour les aventures des espions de The Bureau, titre anglais du Bureau des légendes. Cette série made in France, lauréate 2020 du Prix export fiction de TV France Internationale, est diffusée dans pas moins de 112 pays. Son succès en fait le fer de lance de la production audiovisuelle française à l’internationale. Cette dernière, après une très bonne année 2019 à l’export, doit aujourd’hui adapter ses stratégies à l’international et négocier son financement avec les plateformes de vidéo à la demande.
L’essor des plateformes VAD régionales : une aubaine ?
Grand gagnant du confinement, Netflix a totalisé 26 millions de nouveaux abonnements au cours du premier semestre 2020, contre 12 millions sur la même période en 2019, et compte désormais 193 millions d’abonnés dans le monde.
Sorties du confinement gorgées de nouveaux abonnés, les plateformes de vidéo à distance (VAD), en particulier les plateformes régionales comme iflix en Asie, Viaplay en Scandinavie ou Showmax en Afrique du Sud, permettent de pénétrer de nouveaux territoires, traditionnellement hermétiques aux programmes non-anglophones.
Une aubaine pour les créations françaises ?
Oui, en termes de visibilité, moins en ce qui concerne le financement de l’audiovisuel. Ces plateformes sont en effet au cœur de la réforme de l’audiovisuel français (retardée pour cause de crise sanitaire) qui doit transposer dans le droit français la directive européenne des services de médias audiovisuels (SMA) avec deux objectifs : leur imposer un quota d’œuvres européennes et les contraindre à consacrer une part de leur chiffre d’affaires à la création européenne (la base de la négociation est de 25 %). Ce qui allégerait les obligations des chaînes françaises, fragilisées par la baisse des recettes publicitaires.
Le secteur a certes fait l’objet de mesures exceptionnelles comme le crédit d’impôt création et un abondement de 70 millions d’euros à l’audiovisuel publique, mais la manne que représentent les plateformes serait évidemment la bienvenue pour continuer à produire des œuvres et à rayonner à l’international, où il a cartonné en 2019.
325,3 millions d’exportations en 2019
Animations, fictions, documentaires, reportages… L’audiovisuel français a en effet enregistré l’an dernier un flux export de 325,3 millions d’euros, selon les données de TV France International et du CNC (voir le rapport attaché à cet article), soit son troisième plus haut niveau en 25 ans.
Ce flux englobe les ventes et les préventes, mais aussi les apports en coproduction. A elles seules, les ventes ont atteint 195,6 millions d’euros, soit une progression de +12,8 % par rapport à 2018. Un record.
Genre qui marche le mieux à l’international avec 39,6 % des ventes, l’animation française a su séduire les États-Unis qui constituent depuis 2017 son premier marché à l’export hors UE, devant l’Allemagne et la Chine où les ventes sont portées par des plateformes locales (Tencent Video, iQIYI et Youku). Par ailleurs, l’animation est devenue en 2019 le genre le plus vendu en Europe de l’Ouest où elle truste 29,1 % des ventes, devant la fiction.
Les ventes de la fiction se tassent depuis 2017 en raison d’une concurrence exacerbée et que devrait encore accroître la crise actuelle. A noter : l’Europe de l’Ouest représente désormais 50,6 % des ventes, contre 60,3 % en moyenne sur les dix dernières années. L’Italie, avec 5,6 millions d’euros de ventes, demeure le premier marché export.
Quant au documentaire, il a explosé en 2019 avec une augmentation de + 44,1 % de ses ventes en un an. Un succès qui s’explique par un savoir-faire reconnu à l’étranger et une grande diversité des acheteurs partout dans le monde (chaînes publiques et privées, généralistes et thématiques, plateformes…).
L’Europe en tête des ventes
Tous genres confondus, la répartition des ventes par zone géographique est la suivante :
– Europe de l’Ouest : 46,2 %
– Droits mondiaux : 21,6 %
– Amérique du Nord : 12,6 %
– Asie et Océanie : 7,5 %
– Europe centrale et orientale : 5 %
– Afrique : 3,7 %
– Amérique latine : 1,8 %
– Moyen-Orient : 1,5 %
Des atouts face à la concurrence
Quid de 2021 ?
Comme dans tous les secteurs, il est évidemment difficile de faire des prévisions. Néanmoins, la France, où les tournages ont recommencé très tôt, dispose d’atouts non négligeables pour affronter une concurrence internationale exacerbée.
« Nous disposons d’un gros catalogue très diversifié y compris au sein de chaque genre, ce qui nous permet de nous différencier par rapport aux concurrents américains sur le marché chinois dans l’animation, par exemple, souligne Sarah Hemar déléguée générale de TV France International, organisme en charge de la promotion des programmes français à l’international. De plus la qualité des productions françaises, du décor en passant par les effets spéciaux, est mondialement reconnue ».
En outre, l’arrêt des tournages dans le monde puis leur report ont provoqué une crise de l’offre, un appel d’air dont pourraient profiter les acteurs français de l’audiovisuel pour aller tailler des croupières à leurs concurrents internationaux.
Sophie Creusillet