A quoi ressemblera le commerce international dans dix ans ? C’est la question à laquelle tente de répondre une étude du Boston Consulting Group (BCG). Les experts du cabinet de conseil américain tablent sur une hausse des échanges de la Chine et des pays de l’Asean.
Certains, lors de la pandémie de Covid-19, la vouaient à la disparition, tandis que d’autres estimaient qu’elle nous avait aidé à traverser la crise sanitaire. Trois ans plus tard, force est de constater que la mondialisation, même contestée, constitue toujours le modèle des échanges internationaux. En revanche, sa physionomie évolue.
Les analystes du BCG ont en effet projeté à 10 ans les principaux flux d’échanges mondiaux entre grands blocs géographiques. Un exercice dont ils ont tiré cinq conclusions.
Tout d’abord, les échanges des États-Unis avec ses deux voisins, le Canada et le Mexique, devraient augmenter de 466 milliards de dollars (Md USD) entre 2022 et 2032. Les trois pays bénéficient d’un accord de libre-échange, l’accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA) qui s’est substitué en 2018 à l’Alena (accord de libre-échange nord-américain).
Les pays de l’Asean montent en puissance
Partisane du friendshoring, notamment en raison des tensions avec la Chine au sujet de Taiwan, l’administration Biden a mis l’accent sur des politiques industrielles protectionnistes qui favorise la production sur le sol national, mais aussi au Canada et au Mexique voisins (Infrastructure Investment and Jobs Act, CHIPS Act et Inflation Reduction Act). Deuxième tendance, et non des moindres : la baisse annoncée des flux commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine devrait atteindre 197 Md USD en 10 ans. Soit une contraction trois fois supérieure à celle estimée il y a encore un an par le BCG (63 Md USD).
A contrario, les échanges entre la Chine et l’Europe devraient continuer à augmenter mais à un rythme inférieur à celui de la moyenne mondiale. Toujours en Asie, les véritables gagnants de cette nouvelle mondialisation seront les pays d’Asie du Sud-Est, destinations clés des entreprises étrangères ayant adopté une stratégie Chine + 1. Selon les estimations du BCG, le commerce cumulé des pays de l’Asean devrait augmenter de pas moins de 1 200 Md USD d’ici à 2032.
L’Inde dans le viseur des industriels
Le quatrième axe de développement concerne l’Inde, qui est en train de prendre la même voie que les pays de l’Asean.
Bénéficiant d’une main d’œuvre qualifiée à faible coût, le pays est également dans le viseur de l’industrie manufacturière mondiale, en particulier la chimie, la pharmacie et l’électronique grand public. Autre avantage, ce gigantesque pays offre un vaste marché intérieur et une classe moyenne montante. Ses échanges avec le reste du monde devraient bondir de 180 Md USD avec les États-Unis et l’Union européenne et de 124 Md USD avec la Chine.
Enfin, le commerce extérieur de la Russie continuera de se réorienter, pour pallier les effets des sanctions européennes et américaines, vers des nouveaux partenaires, en particulier les BRIC. Selon les projections du BCG, les échanges avec l’UE diminueront de 222 Md USD par rapport à 2022, alors que, sur la même période, ceux avec la Chine et l’Inde augmenteront respectivement de 134 Md USD et de 26 milliards Md USD.
Si les tensions géopolitiques devraient continuer de peser sur la physionomie du commerce international et porter leur part d’incertitude, une chose est sûre pour les analystes du BCG : l’une des caractéristiques du nouvel ordre commercial mondial sera l’importance croissante des blocs commerciaux. Ils permettent en effet d’éviter les frictions géopolitiques en commerçant avec des pays amis.
Sophie Creusillet