Le nom de Sophie Hallette est indissociable de la dentelle de Calais. Et l’effet « Kate Middleton » a encore renforcé sa notoriété de fournisseur emblématique des grands créateurs de la haute couture et de la lingerie haut de gamme. Un secteur du luxe qui continue de bien se porter malgré la crise, même si la santé financière de certains incite à la prudence (voir les récents déboires de Lejaby). « Il faut toujours faire attention aux comptes clients, mais il est vrai que l’orientation de la mode est favorable à la dentelle, les derniers salons professionnels l’ont confirmé », assure Romain Lescroart.
Détenue à 100 % par la famille Lescroart, Sophie Hallette peut développer une vision à long terme. Construit patiemment durant 70 ans, le groupe familial n’attend pas forcément de retour sur investissement immédiat. Tant mieux, car le besoin en fonds de roulement est énorme : il s’écoule souvent 18 mois entre la création d’un dessin et sa commande par un client ! La trésorerie est aussi mise à mal par les fluctuations de l’activité, qui varie au gré de la mode. Avec parfois de sérieux coups de frein, comme au milieu des années 1960, lorsque le concile Vatican II autorise les femmes à entrer dans les églises tête nue. Un drame pour les dentelliers, que Sophie Hallette a surmonté, comme les autres.
John Leavers a mis au point un métier pour tisser de la dentelle au début du XIXe siècle. La fabrication de ces monstres en acier de 10 tonnes qui entremêlent jusqu’à 20 000 fils a cessé après la seconde guerre mondiale. La possession de ces métiers constitue donc un réel avantage concurrentiel, même si la chasse aux pièces détachées sévit. La richesse de Sophie Hallette réside dans son parc exceptionnel de plus d’une centaine de métiers variés, lui permettant toutes les audaces en matières de création de nouveaux dessins, mais aussi de pouvoir reproduire des motifs de dentelles centenaires.
De la création à la teinture, le groupe Sophie Hallette maîtrise toute la chaîne de production de la dentelle. Un gage d’indépendance et de liberté. Propriétaire de plusieurs ateliers de production à Caudry et Calais, le holding Holesco possède également diverses entreprises de finition et de broderie sur dentelle. Surtout, il possède 78 % des parts de la Caudrésienne, une unité de teinture spécialisée. Travaillant pour moitié pour Sophie Hallette et pour moitié pour d’autres dentelliers de la place, cette teinture traite environ 300 tonnes de dentelle par an, pour un chiffre d’affaires d’environ 4 millions d’euros.