Robert Parker
À 64 ans, il est l’inventeur du métier, même si les Britanniques Anthony Hanson, Clive Coates ou Michael Broadbent peuvent justifier d’antécédents sérieux sur cet Américain débarqué un jour de Baltimore. L’homme, buveur invétéré de Coca-Cola, a découvert la passion du vin en 1967 à Strasbourg. Porté par la vague consumériste inspirée par Ralph Nader dans les années 1970, il lance The Wine Advocate, une lettre destinée aux acheteurs de vins. Il s’invite aux dégustations en primeur des bordeaux millésimés 1982 et, innovation, note les vins sur une échelle de 60 à 100. Le critique s’est fait oracle infaillible : « Au-dessous de 90, on ne vend rien et au-delà, on n’a plus rien à vendre », soutiennent les propriétaires bordelais. Persona non grata en Bourgogne, Parker délègue à quelques dégustateurs de confiance, se réservant le Bordelais et la vallée du Rhône.
Stephen Tanzer
Un sourire éternel accroché au visage barré d’une moustache avantageuse, Tanzer est érigé par la profession en véritable challenger de Robert Parker. Sa carrière a commencé en 1985 par la publication du bimensuel International Wine Cellar (passé depuis sur l’Internet). Il a collaboré à Food & Wine Magazine avant de tenir une chronique dans Forbes et de revenir à ses origines et de se consacrer à ses propres affaires. International Wine Cellar s’est doublé d’un blog (Winophilia.com) depuis février 2010. Moins péremptoire que Robert Parker, notant sur 100 comme lui, le style de Tanzer se veut moins emphatique, imprégnant ses commentaires d’une sobriété, voire de cette modestie dont ne s’embarrasse pas le plus célèbre des gourous du vin. Dégustant une dizaine de milliers de vins par an, sa palette de prédilection comprend aussi bien la Bourgogne que le Piémont, la Californie, et évidemment, le Bordelais.
Michel Bettane
S’il est un Français qui constitue une autorité et puisse se faire entendre à l’étranger, c’est bien Michel Bettane. Helléniste, enseignant converti à l’œnophilie, il en a fait profession. À la Revue du Vin de France, d’abord et jusqu’en 2004. Parti pour une aventure en duo avec son compère Thierry Desseauve, le tandem a repris à son compte l’édition d’un guide à l’image de celui qu’ils réalisaient pour leur ancien titre. À la différence des Américains, on y note les vins “à la française”, c’est-à-dire sur 20, avec en valeur ajoutée des notes sur la propriété comprenant un bref historique. On prête à Michel Bettane la création du terme “vins de garage”,
ces vins de la rive droite de la Gironde, produits en micro-cuvées, vendus à des prix astronomiques.
À lui aussi “la fin des vins de garage”. Un gage d’honnêteté professionnelle.
Neal Martin
Ce quadragénaire aux allures d’adolescent impénitent est l’une des dernières recrues de Robert Parker. Le vin ? Il se souvient de ces verres de château-latour ou d’yquem proposés par un père épicurien à son frère aîné. Lui, a poursuivi des études en sciences de la gestion arrosées de mixtures improbables. Il « fait semblant »,
de son propre aveu, de travailler pour les Lloyds avant de s’envoler au Japon pour y enseigner l’anglais.
La révélation du vin lui est venue avec un Château Montrose 1982 et une vocation avec lui. Il s’offre des tournées dans les châteaux du bordelais et lance, un jour pluvieux de 2003, un site Internet (wine-journal.com),
qui recueille 100 000 lecteurs, dont un certain Robert Parker qui l’embauche. Un Anglais dans l’équipe Parker, certes, mais ajusté aux paramètres des vins de la nouvelle génération. Il n’a aucune affectation précise de région à couvrir et donc est susceptible de débarquer à peu près partout. En s’annonçant, évidemment.
Jancis Robinson
Elle est l’élément de douceur dans un monde rugueux. Cette jeune sexagénaire anglaise, diplômée de philosophie et de mathématiques de l’université d’Oxford, a plongé en 1975 dans l’univers du vin entrant à Wine & Spirit.
En 1984, elle est la première étrangère au monde du négoce à décrocher le titre prestigieux Master of Wine.
Forte de cette reconnaissance, elle démultiplie les activités. On la retrouve conseillant la constitution des caves du Queen Elizabeth II et celles de British Airways, additionne les ouvrages de référence, les émissions de télévision d’initiation au vin et tient une chronique dans le Financial Times. La consécration est acquise avec le titre de “femme de l’année” que lui accorde en 1999 le magazine Decanter.
Question style, la polémique mémorable qui l’a opposée en 2003 à Robert Parker à propos d’une dégustation du Château Pavie est révélatrice de son palais typiquement britannique, sensible à la finesse et à l’élégance.
Antonio Galloni
Né de parents cavistes spécialisés en vins italiens, la vocation était tracée. Mais doté d’un grand-père amoureux des bordeaux et des vins de la vallée du Rhône, elle se complique un peu. Tombé dans le vin très jeune, il s’informe, se passionne et rédige – encore adolescent – ses premiers articles à destination de son école sur les vins français. Il se consacre aux affaires de la restauration pendant quelques années, s’installe à Milan et découvre l’univers des vins italiens. Il retourne aux États-Unis, y publie un ouvrage de référence sur les vins du Piémont et se fait embaucher en 2006 par Robert Parker. Ce New-Yorkais est désormais, au Wine Advocate, l’homme chargé de la Champagne et de la Bourgogne, en plus de l’Italie et de la Californie que lui a abandonnée le Maître au début de cette année.
James Suckling
Un diplôme de journalisme et de sciences politiques de l’université de l’Utah en poche, il intègre, à 23 ans,
la rédaction de Wine Spectator qui n’était alors – en 1981 – qu’une modeste revue livrée à 800 abonnés.
Sa carrière s’emballe à la mesure du développement du journal. Il s’initie en 1983 à la dégustation à l’aveugle des bordeaux avec le grand négociant Alexis Lichine, découvre le vignoble européen en général et italien en particulier en 1984 avant d’ouvrir le bureau européen de Wine Spectator en 1985. Installé en Toscane,
on lui connaît une triple passion pour les vins italiens, le bordeaux et les portos.
Il a quitté Wine Spectator en 2010, et anime depuis l’automne dernier un site Internet (jamessuckling.com).
Notant les vins sur 100, comme la plupart de ses collègues américains, il est sensible à la finesse et marque sa différence en qualifiant de « jus de confiture » les vins du Nouveau Monde.