Après le referendum qui a décidé de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, peu d’entreprises, a fortiori les PME et les ETI, ont parié sur le marché anglais. Trop d’incertitudes, peur des obstacles douaniers et fiscaux… Ce n’est pas le cas de Klubb, spécialiste de la nacelle élévatrice basé en Seine-et-Marne (110 millions d’euros de chiffre d’affaires prévus en 2020), qui a profité de cette période pour réaliser sa première acquisition outre-Manche. Et qui ne le regrette pas !
« Les banquiers nous ont pris pour des fous », se souvient Julien Bourrellis, P-dg de Klubb. En 2018, deux ans après le referendum, le dirigeant apprend que son distributeur en Angleterre, CPL, est sur le point d’être revendu. Cette petite entreprise de 45 personnes, créée en 2011 et installée à Kettering (notre photo), dans le Northampshire, distribue les nacelles de Klubb depuis 2016 et se positionne comme un acteur majeur du marché de la nacelle sur pick-up en Europe. L’idée est d’envoyer les bras élévateurs produits dans l’usine de Ferrières-en-Brie en Angleterre afin d’être soudés aux véhicules dans les ateliers de CPL.
Un rachat destiné à se renforcé sur le marché britannique
C’est un peu l’occasion qui a fait le larron. « Lorsque Paul Murphy, le patron de CPL, m’a dit qu’il allait être vendu à des Sud-Africains, je me suis dit qu’il s’agissait d’une opportunité pour conquérir le marché anglais, très important dans notre secteur », explique Julien Bourrellis. Alors que les banquiers tentent de dissuader le dirigeant de tenter l’aventure, le dirigeant d’entête, persuader de la pertinence économique de l’opération : « On n’a pas écouté les financiers ! » Il ne s’agit pas pour autant d’un coup de tête : « Il faut différencier les aspects macro et microéconomiques en ce sens que ce qui se passe au niveau d’un pays ne vaut pas forcément pour la PME industrielle d’une petite ville du centre de l’Angleterre ».
Julien Bourrellis part du principe que Brexit ou non, les Anglais auront toujours besoin d’élaguer des arbres, de changer les ampoules de l’éclairage publique, de réparer des lignes électriques et donc de nacelles élévatrices. Quid de la concurrence et du retour des taxes douanières ? Concernant la concurrence (principalement américaine avec des acteurs comme Versalist, Terex ou Altec), le dirigeant se montre confiant et compte sur la qualité de ses produits et sa réputation de leader européen. Pari gagnant puisque l’entreprise qui fournit notamment British Telecom et des loueurs comme Access Higher est aujourd’hui numéro un de son secteur outre-Manche.
Le problème de la frontière irlandaise
Pour autant, le retour d’une frontière avec le Royaume-Uni n’a pas été sans conséquence sur l’activité de Klubb. Notamment en ce qui concerne les taxes douanières, grande inconnue tant qu’on ne sait pas si un accord sera finalement ou non signé avec l’Union européenne. « Les prix de nos nacelles vont certainement être impactés et nous le stipulons dans les contrats que nous signons en Angleterre », précise Julien Bourrellis. Prévoyant, l’entrepreneur a par ailleurs stocké des bras élévateurs destinés à ce marché dans l’idée de les expédier à CPL fin décembre pour éviter de rompre la chaîne d’approvisionnement.
« Mais le vrai problème pour nous, c’est la frontière avec l’Irlande », affirme le P-dg. En effet, l’accord de sortie du Royaume-Uni de l’UE, entré en vigueur le 1er février dernier, prévoit que l’Irlande du Nord continue à appliquer une partie de la réglementation européenne sauf si, d’ici là, un nouvel accord est trouvé. Le gouvernement britannique a en effet présenté en septembre dernier une « loi sur le marché intérieur ». Si l’accord s’applique, les biens produits en Irlande du Nord pourront continuer d’entrer dans l’UE sans contrôle, tandis que les marchandises importées en Irlande du Nord depuis le reste du Royaume-Uni (ou de pays tiers) et ayant vocation à être vendus sur le marché européen, seront contrôlés aux points d’entrée de l’Irlande du Nord, et non pas à la frontière avec la République d’Irlande. Vous avez dit « compliqué » ?
Pour faire simple, Klubb, qui a vendu quarante machines à Free Irlande a décidé de ne pas passer par sa filiale anglaise, CPL, mais de travailler depuis la France pour éviter tout imbroglio douanier et tout risque d’engorgement à la frontière, grand sujet d’inquiétude actuellement chez les acteurs de la logistique. L’exemple de cette entreprise montre que si le Brexit va évidemment bousculer les échanges commerciaux avec nos voisins britanniques, cet événement n’a pas autant tétanisé toutes les PME et ETI tricolores. « Et puis, en 2020, nous avons bien d’autre soucis que le Brexit », tempère Julien Bourrellis.
Sophie Creusillet