La France entend pousser son concept de ville durable à l’occasion d’Expo Astana 2017, l’exposition universelle sur les énergies du futur, qui doit se tenir du 10 juin au 10 septembre dans la capitale administrative du Kazakhstan.
A cette occasion, après avoir lancé un appel d’offres, l’État français a confié un projet pionnier de ville de demain, intitulé Astanable, à un groupement, composé d’Egis, d’Eiffage et de GDF Suez. L’objectif est triple. D’abord, diagnostiquer les besoins en développement urbain durable d’Astana et, « à cet égard, nous avons adopté une approche systémique, ne nous limitant ainsi pas aux bâtiments, mais traitant aussi des éco mobilités, de la constitution d’un bouquet énergétique local, de la construction durable et de l’écosystème urbain (eau, déchets, restauration des milieux) », a précisé Valérie David.
Le projet consiste, ensuite, à identifier et proposer en réponse les solutions techniques et technologiques françaises et, enfin, « non pas de produire un démonstrateur 3D, comme cela a souvent été dit, mettant en images toutes ces solutions, mais une plateforme numérique interactive, manipulée par une commande manuelle », a expliqué Valérie David (notre photo), directrice du Développement durable d’Eiffage, lors des Rencontres Kazakhstan, organisées, à Paris le 16 avril, par Business France. Un peu comme un jeu vidéo.
Santé : plus de coopération avec la famille de produits « mieux se soigner »
Le développement urbain durable figure parmi les nombreux secteurs que la France voudrait pousser au Kazakhstan. Globalement, en 2014, la France y était déjà à la fois le 3e investisseur étranger (1,3 milliard de dollars) et le 6e fournisseur (666 millions d’euros d’exportations), mais « 57 % de nos ventes dépendaient de grands contrats, une part parfois plus grande que chez nos concurrents. Et donc pour maintenir ce chiffre il va falloir en décrocher de nouveaux », expliquait Jean-François Dathie, le chef des Services économiques d’Asie centrale, citant notamment comme axes de recherche l’agroalimentaire, la santé, le tourisme, les services urbains, l’efficacité énergétique, les énergies du futur, le luxe.
Dans la santé, a-t-il exposé, « tout le dispositif kazakh est en construction. Les compagnies pharmaceutiques Sanofi, Servier ou Ipsen sont implantées à Almaty, il y a à la fois de l’activité commerciale et de la coopération dans certains domaines comme l’oncologie et le diabète, mais la difficulté, c’est d’investir en raison des règlementations ».
A Astana, l’institut Gustave Roussy y développe une coopération dans l’oncologie, plusieurs réunions ont été organisées avec le fédérateur de la famille de produits prioritaire « mieux se soigner », David Sourdive. Toutefois, regrettait Jean-François Dathie, « on a été bloqué par une restructuration ministérielle et un changement de maire à Astana » et aujourd’hui, précisait-t-il, « les autorités françaises préparent un arrangement avec le ministère de la Santé pour trouver un cadre de coopération». Parallèlement, sont menées des discussions pour approfondir la coopération avec la ville d’Astana. Des hôpitaux, mais aussi un axe efficacité énergétique ou encore un volet formation peuvent figurer dans les partenariats bilatéraux.
Pousser le commerce courant des PME
L’ambassadeur de France, Francis Étienne, conseille aussi aux sociétés de l’Hexagone de se pencher sur deux dossiers faisant l’objet de tensions politiques dans la région. D’abord, l’accès et l’utilisation de l’eau, domaine d’excellence de la France, « les spécialités françaises faisant déjà l’objet d’un enjeu pour Astana 2017 », a-t-il rappelé. Ensuite, l’accentuation des migrations en Asie centrale peut offrir une fenêtre de tir à des spécialistes de la gestion documentaire, du contrôle routier ou encore de la sécurisation des aéroports, y compris avec des radars. « De nombreux travailleurs reviennent de Russie. Rien que 4,5 millions d’Ouïghours transitent par le Kazakhstan, auxquels il faut ajouter les Tadjiks et d’autres voisins », a rapporté Francis Étienne.
« Il nous faut encore pousser le commerce courant des PME, mais ce n’est pas toujours facile dans la mesure où l’économie est très centralisée – le secteur public représente 50 % de l’activité», selon le chef des Services économiques. Spécialiste du vélo en libre service, Smoove a été contacté l’an dernier, par les autorités du Kazakhstan alors que la société développait un projet de 2 750 vélos à Moscou. « Fin mars, on nous a demandé de livrer le 6 juillet, jour anniversaire du président kazakh Nazarbaïev, ce qui était très court. Nous avons donné alors notre accord, parce que le donneur d’ordre kazakh a accepté de prendre en charge le corpus règlementaire », a relaté Guillaume Le Berre, chef de projet de la PME pour la Communauté des États indépendants (CEI).
Implanté dans la zone en Russie (Saint-Pétersbourg) et au Kazakhstan (Aktau, sur la mer Caspienne), PCM fabrique des pompes pour les produits visqueux. « Malgré la concurrence chinoise, américaine et allemande, nous avons décidé d’installer une filiale au Kazakhstan. Ensuite, il faut construire un réseau pour travailler en amont et préparer les appels d’offres, l’aspect administratif, documentaire et règlementaire étant très fort », a raconté Alban Pierchon, manager d’équipe de vente chez PCM dans le pétrole et le gaz.
« Comme le pays est très fortement administré, il ne faut surtout pas s’écarter de la bonne interprétation du corpus règlementaire », a prévenu Pierre Offant, ancien directeur du holding Ncoc (North Caspian Operating Company), le consortium avec Total chargé de développer le champ gazier de Kachagan. Toutefois, il estime que la première économie d’Asie centrale (75 % du produit intérieur brut régional) est arrivée à un « tournant » à la fois dans sa modernisation et l’émergence de sa classe moyenne. « Le développement de la classe moyenne est résilient à la conjoncture économique, de même que les industries extractives qui sont son assurance tout risque pour l’avenir, quelque soient les vicissitudes de l’actualité », a-t-il affirmé. Ils seraient ainsi trois millions de personnes à la recherche de nouveautés et de produits de qualité dans la mode et la beauté ou vendus sous franchise. Selon des experts joints par Business France, plus de 200 franchiseurs étrangers cherchent activement des partenaires dans le pays.
François Pargny