Le président du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev était en visite officielle à Paris les 4 et 5 novembre. L’occasion pour les deux pays de renforcer leur partenariat stratégique, conclu en 2008, et de préciser les secteurs dans lesquels ils comptent intensifier leur coopération. Quelque 36 accords de coopération et 14 accords commerciaux ont été signés. Revue de détail.
Un an après la visite d’Emmanuel Macron au Kazakhstan, la venue à Paris de son homologue Kassym-Jomart Tokaïev a permis de confirmer, selon leur déclaration commune, « leur aspiration commune à approfondir, étendre et diversifier les relations privilégiées existant entre les deux pays en vue de les porter au niveau d’un partenariat stratégique renforcé ». Si ce géant d’Asie centrale n’est pas forcément dans les radars des PME et ETI françaises, de grandes entreprises y sont déjà solidement implantées.
C’est le cas d’Alstom, présent depuis 2010 et qui produit sur place des locomotives pour le réseau ferré kazakh. A l’occasion de cette visite officielle, le groupe a d’ailleurs signé un nouvel accord de partenariat avec les Chemins de fer du Kazakhstan (KTZ) en vue de mettre en place des solutions innovantes pour soutenir le développement du fret par conteneurs le long du Middle Corridor, la route commerciale reliant le Sud-Est de la Chine à l’Europe, également appelée Trans-Caspian International Transport Route.
Accord dans le nucléaire civil
Orano, le spécialiste français de l’uranium, dont le Kazakhstan est le premier producteur mondial, est également présent depuis 1996 via Katco, sa coentreprise avec Kazatomprom qui exploite les gisements d’uranium de Muyunkum et de Tortkuduk dans le sud du pays. Le groupe a signé pendant la visite officielle du président kazakh un protocole d’entente portant sur la formation nucléaire. « Cette annonce vient renforcer la coopération entre les deux partenaires dans le domaine de l’énergie nucléaire dans la continuité de la signature d’un protocole de coopération signé en 2022 dans l’industrie de l’uranium », a précisé Orano.
Un mois après un référendum par lequel les citoyens du Kazakhstan se sont prononcés en faveur de la construction d’une centrale nucléaire pour pallier les problèmes d’approvisionnement en électricité du pays, Emmanuel Macron a proposé l’aide de la France « en matière de développement d’une filière nucléaire civile ». Les deux présidents ont par ailleurs signé une feuille de route sur un partenariat stratégique sur les minerais critiques pour la période 2024-2026, dont l’initiative avait été lancée l’an dernier à Astana lors de la visite du président français.
Coopération tous azimuts
En outre, les deux présidents ont rappelé leur volonté commune de développer leur coopération « notamment en matière d’énergies, y compris nucléaire, de minerais critiques, d’industrie, de transports et d’aérospatiale, et de sceller de nouveaux partenariats d’avenir dans des domaines tels que l’agriculture, la santé et la ville durable ». Ils ont également évoqué « le renforcement de la coopération bilatérale en matière de numérique et d’intelligence artificielle, soulignant le potentiel fort d’élaboration conjointe de solutions innovantes dans ce domaine ».
L’ouverture d’un bureau de représentation de l’Agence française de développement (Afd) au Kazakhstan ouvre des perspectives de projets et de financements, notamment dans les secteurs de l’eau, de l’agriculture, de la santé, du numérique, de la ville durable et de la transition énergétique. Concernant la gestion de l’eau, les deux pays coorganisent avec la Banque mondiale un One Water Summit qui se tiendra le 3 décembre à Riyad.
Accélération de la coopération dans la santé
Enfin, des accords ont été signé dans le domaine de la santé, en particulier dans les domaines de la protonthérapie, de l’imagerie médicale, de l’intelligence artificielle et de l’équipement hospitalier renforceront l’élan de la coopération dans ce secteur essentiel. Lors de la 13e réunion du Conseil des affaires franco-kazakhstanais (CAFK) qui s’est tenu au Medef la veille de l’arrivée du président du Kazakhstan à Paris, une séquence dédiée à la santé a été organisée avec la French Healthcare Association en partenariat avec le ministère kazakhstanais de la Santé, mettant en avant l’accélération de la coopération bilatérale dans ce secteur ces dernières années.
Au total, selon la Gazette du Caucase, les deux pays ont signé 36 nouveaux accords de coopération lors de cette visite d’Etat, dont 14 contrats commerciaux d’une valeur de 2,2 milliards de dollars.
La géopolitique largement évoquée
Mais il a sans surprise été aussi largement question de géopolitique, sujet brûlant auquel est consacré une bonne partie de leur déclaration commune. Allié économique de la Russie, le Kazakhstan partage 7 500 kilomètres de frontières avec ce pays et un passé commun du temps de l’URSS. Les deux présidents ont évoqué « leur sérieuse préoccupation concernant la situation en Ukraine, ses conséquences humanitaires et ses répercussions sur l’économie mondiale et la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables ». Le Kazakhstan a publiquement condamné l’invasion russe et refusé de reconnaitre les républiques autoproclamées du Donbass.
Au menu également de leur discussion, ils ont exprimé leur soutien à la normalisation des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et « à la signature au plus vite d’un traité qui permette l’établissement d’une paix juste et durable dans la région, dans le respect de l’intégrité territoriale des deux États et sur le fondement de la Déclaration d’Alma-Ata de 1991 ». Les deux pays se sont par ailleurs engagés « à approfondir leur concertation sur l’ensemble des questions régionales et internationales, notamment la situation en Afghanistan et au Proche-Orient, ainsi que sur les opérations de maintien de la paix dans le cadre des Nations Unies ».
Coincé entre la Russie et la Chine, le Kazakhstan se cherche une porte de sortie pour assurer son développement dans un contexte géopolitique plus que délicat. Outre la signature d’accords et de contrats, la visite d’Etat de son président a nettement illustré sa volonté de développer des relations commerciales en dehors des zones d’influences de ces deux voisins.
Sophie Creusillet