Les PME et ETI de la filière agroalimentaire et des agroéquipements font partie des cibles prioritaires du plan de relance à l’export du gouvernement. Les « Journées export agro » en format digital, co-organisées par Business France et la Team France Export tout au long de cette semaine (29 mars-2 avril)* visent à rappeler les mesures d’aides mises en place spécialement pour elles et à les sensibiliser aux opportunités export. Objectif : remobiliser les acteurs de cette filière pour repartir à la conquête des marchés étrangers.
La crise sanitaire n’a pas épargné le secteur agroalimentaire français : ses exportations ont reculé pour la première fois de 3,4 % en 2020, tirées vers le bas par les vins et spiritueux, qui ont particulièrement souffert des restrictions sanitaires alors qu’ils subissaient déjà les taxes additionnelles américaines dans le cadre du contentieux Airbus / Boeing. Son excédent a perdu près de 1,5 milliard d’euros (Md EUR), pour s’établir à +6,3 Md EUR.
Au-delà de cette conjoncture, la filière est caractérisée par des faiblesses structurelles dont la principale est qu’au-delà de grands acteurs très structurés, 95 % du tissu économique est composé de très petites et moyennes entreprises, un problème de taille et de capacité qui peut être un frein à l’export. De fait, seulement 25 % des entreprises agroalimentaires exportent alors que les marchés étrangers permettent d’écouler 30 % des vins, 40 % du lait et 50 % du blé tendre produits en France.
Un plan de relance spécifique et un engagement diplomatique
De quoi justifier la mise en place par le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation d’un « plan de relance du commerce agricole et agroalimentaire français à l’international » spécifique pour cette filière dès octobre 2020, concocté avec le concours de la Commission commerce international de France Agrimer et de Business France pour la mise en oeuvre, qui utilise toutes les mesures prévues par le volet export du Plan de relance et en prévoient de spécifiques pour la filière.
« Parce que l’export agricole et agroalimentaire contribue de façon significative à la performance du commerce extérieur et apporte une valeur ajoutée essentielle à nos entreprises dans nos territoires, je souhaite que l’ensemble des forces vives de l’export se rassemble autour d’un objectif fédérateur : relancer nos exportations agricoles et agroalimentaires et reconquérir des parts de marché au niveau européen et mondial » a notamment souligné Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, en ouverture de ces journées le 29 mars.
Sans compter qu’aux yeux de ce ministre passé par le cabinet de la ministre du Commerce extérieur feu Nicole Bricq en 2012 – 2013, « la souveraineté alimentaire passe par une filière agroalimentaire forte à l’export ». Il s’est dit également engagé, avec le gouvernement, à assurer le « portage politique » des grands sujets de diplomatie économique sur les problèmes d’ouverture des marchés étrangers.
A la suite de négociations menées au plus haut niveau de l’Etat, la France pourrait être ainsi le premier pays à signer avec la Chine un « accord de zonage » facilitant les exportations de viande porcine issues des régions exemptes de peste porcine africaine, a-t-il annoncé. Autre exemple, le moratoire de 4 mois obtenu par l’Union européenne sur les sanctions douanières dans le cadre du conflit Airbus/Boeing, le temps de résoudre définitivement ce différents, et sur lequel la France à beaucoup poussé.
Enfin, la préparation au Brexit et à ses conséquences en termes de rétablissement des contrôles phytosanitaires, pour laquelle les services de l’Etat se sont mis au service des entreprises. Objectif : les tenir prêtes lorsque les certificats phytosanitaires seront exigibles sur l’ensemble des denrées alimentaires pour entrer sur le sol britannique, à partir d’octobre prochain (pour le moment, seules quelques catégories de denrées jugées sensibles ont besoin de certificat), et que les contrôles physiques sur les marchandises seront systématiques en mars 2022.
Afin de mieux coller aux besoins des territoires, la mise en œuvre de ce plan se fait en étroite coordination avec les Régions, pilotes des stratégies de soutien au développement international des entreprises, dont deux représentants ont partagé leur stratégie lors de cette séquence d’ouverture des journées export, dont Alexandra Dublanche, vice-président de la Région Île de France, et Benoit Savouré, responsable du développement international des entreprises et de l’attractivité des Hauts de France.
Cette ouverture des journées export a été, à cet égard, une bonne occasion de rappeler les mesures du plan relance dédiées à cette filière et d’en dresser un premier bilan quatre mois après le lancement avec notamment les intervention de Christophe Lecourtier, directeur général de Business france, de Frédéric Rossi, directeur général adjoint en charge de l’export, et de Frédéric Lambert, chef du Service Europe et international du ministère de l’Agriculture.
Des « chèques » supplémentaires
La première mesure phare de ce plan est une subvention spéciale pour les entreprises de l’agroalimentaires, le chèque « relance export agro » qui complète les chèques relance export** déjà distribué par Business France.
Son objectif est de doubler la subvention du chèque relance export afin de permettre aux entreprises bénéficiaires d’aboutir à la « quasi-gratuité » de leurs efforts de prospection, notamment dans le cadre des opérations collectives organisées par le dispositif Team France Export (participation à des salons, organisation de rencontres BtoB).
L’accès à cette aide est d’autant plus simple que l’octroi de ce « chèque » par Business France est automatique dès qu’une demande émanant d’une PME ou ETI de l’agroalimentaire est validée par ses soins.
Ce financement peut être complété par des aides des Régions, nombreuses depuis la crise, et par les financements de Bpifrance, notamment une avance de trésorerie dans le cadre d’une assurance prospection accompagnement. Cette dernière est une nouveauté mise en place début 2021 pour des petits budgets de prospection de 10 000 à 40 000 euros, avec la prise en charge d’un consultant pour établir une stratégie. Seulement 10 % des bénéficiaires de l’assurance prospection sont du secteur agroalimentaire, il y a donc une marge de progression dans ce domaine.
A ce jour, 30 % des chèques relance export ont bénéficié à des entreprises de l’agroalimentaires dont 15 % dans les vins & spiritueux, 10 % dans l’alimentation et 5 % dans les équipements agroalimentaires.
Et pour 2021, près de 150 opérations collectives sont prévues dans le cadre du programme Francexport, en format digital ou physique, dont 40 salons et 110 rencontres BtoB. Business France a également développé des « e-vitrine » BtoB pour les vins & spiritueux et l’alimentation qui permettent de toucher des acheteurs étrangers malgré les restrictions sanitaires.
Informations gratuites, Taste France, exportation collaborative
La deuxième mesure phare est la mise à disposition des entreprises de ce secteur d’un accès gratuit aux informations sur les marchés internationaux, par secteur et par pays, produites par le réseau de Business France à l’étranger ou par le ministère de l’Agriculture et ses agences ou prestataires par l’intermédiaire de webinaires, de mise à disposition d’études et d’accès à des flux d’information.
Business France a ainsi mise en place le 5 février sur les plateformes teamfrance-export un service dénommé « mes infos marchés » qui permet à chaque entreprise de se créer un compte pour recevoir un fil d’information personnalisé selon les pays et les secteurs qu’elles vise.
Onze ateliers d’information sur des marchés considérés comme stratégiques par le ministère de l’Agriculture étaient par ailleurs proposés lors des Journées export agro (Allemagne, Royaume-Uni, Chine, Etats-Unis, Japon, Pays du Golfe, Belgique, Suisse, Espagne, Italie) ainsi qu’une journée de rencontre individuels en visioconférence avec les conseillers agricoles des amabassades de France et de Business France à l’étranger le 31 mars.
Troisième mesure phare, le « déploiement massif » à l’international de la marque ombrelle « Taste France » via des campagnes dans les pays étrangers ciblés. Il s’agit, au-delà de la marque, de transmettre aux consommateurs étrangers les valeurs qui font l’excellence de l’agroalimentaire français et positionnent ses produits à la fois sur le haut de gamme mais en restant accessibles aux consommateurs : excellence, plaisir, responsabilité, authenticité et innovation.
Un « magazine Taste France » en ligne a été créé en plusieurs langues sous l’égide du ministère de l’Agriculture : il compte déjà 150 000 fans et 700 000 sessions, selon Frédéric Lambert, chef du Service Europe et international du ministère.
Enfin dernière mesure phare : le soutien à l’exportation collaborative, une méthode qui permet à des entrepreneurs de mutualiser certains moyens à l’export comme le partage d’un salarié ou d’un jeune VIE (volontaire international en entreprise) ou une action de promotion ou de prospection (stand commun sur un salon étranger par exemple). Elle a déjà été mise en œuvre avec succès par l’Adepta, le Medef et l’OSCI dans le domaine des équipements agroalimentaires, et le ministère de l’Agriculture la soutient pour les petites structures et les exportateurs débutants.
Christine Gilguy
*Programme et incriptions des Journées export agro 2021 : cliquez ICI
**Le chèque Relance export distribué par Business France finance à hauteur de 50 %, et selon des plafonds, la participation d’une entreprise à une opération de prospection collective ou individuelle