Une erreur de
stratégie « mortelle pour le Made in France » : c’est ce qu’est la
régionalisation du commerce extérieur pour Johann Sponar, un « privé » de
l’accompagnement des entreprises à l’international, qui a remis le 13 septembre
à Nicole Bricq le rapport du mouvement patronal Ethic (Entreprises de taille
humaine indépendantes et de croissance), présidé par Sophie de Menthon, sur
l’ambition à l’export des PME françaises.
« Exporter les Pays de la Loire ou
Rhône-Alpes, çà n’a pas de sens. Ce qui compte, c’est exporter la marque France.
Et il est urgent de la structurer » déclare ainsi le directeur général du groupe
Salveo, société d’accompagnement à l’international (SAI) de 90 personnes basée à
Lyon (Rhône) à la Lettre confidentielle du MOCI. « Déjà qu’à l’étranger les
acheteurs ne comprennent pas ce qu’est Ubifrance, censé signifier You buy
France, mais le logo – la Tour Eiffel avec une petite écharpe – évoque aux yeux
des importateurs et industriels étrangers le tourisme dans l’Hexagone ».
Rien à
voir avec l’Allemagne qui affiche fièrement le Made in Germany, avec sur ses
stands collectifs dans les salons étrangers un beau drapeau allemand ! Pour
Johann Sponar, « il est crucial de marketer à l’international la qualité et
l’innovation françaises autour de la marque France, plutôt que prendre le risque
de régionaliser les savoir-faire français ». En Allemagne, qui est un Etat
fédéral, « chaque land dispose d’un ministre de haut niveau en charge de
l’industrie et du commerce extérieur, qui œuvre sur le terrain pour le soutien
des industriels à l’international », ce qui ne serait pas le cas en France, où,
selon Johann Sponar, les Régions « ne possèdent pas un dispositif de haut vol ».
Selon lui, il faudrait dans les Régions « monter significativement en gamme dans
l’appui concret des entreprises à l’international », ce qu’il ne croit pas
possible.
Un « privé » en colère contre le modèle Erai
Non seulement Johann
Sponar, directeur général de Salveo, ne croit pas aux vertus de la
régionalisation mais en plus il tire à boulets rouges sur un de ses modèles,
Erai, le bras armé à l’international du Conseil régional de Rhône-Alpes,
régulièrement accusé de concurrence déloyale par les consultants privés.
« La
trentaine de bureaux à l’étranger financée par le contribuable rhônalpin non
seulement coûte plus qu’elle rapporte, mais, de surcroît, accueille des
entreprises hors Rhône-Alpes et même hors France », affirme le dirigeant de
Salveo, qui dénonce le fait que « le service public régional d’aide aux premiers
pas à l’export en Rhône-Alpes propose, par exemple, des prestations
subventionnées aux entreprises québécoises ». Et d’ironiser sur le fait
qu’ainsi, la France « finance le développement export de sa propre
concurrence », même si, selon lui, le service offert est un « service
d’entrée de gamme » quand, comme en Inde, le directeur du bureau d’Erai est
remplacé, selon lui, par un junior de 24 ans… Pour que les PME réussissent à
l’export, argumente-t-il, elles doivent s’inscrire dans la durée – « trois ans
de travail au minimum sont nécessaires » – et installer des relais vraiment
opérationnels dans le pays de destination. Ce que peuvent leur offrir, selon
lui, les SAI.
Le ministère du Commerce extérieur « devrait financer 50 000
VIE pour les PME, et non pour les grands groupes », préconise-t-il, ce qui
permettrait « à des jeunes d’acquérir
une expérience sur le terrain et aux
PME de se donner les moyens pendant un an de comprendre un marché étranger, de
se positionner localement et de s’implanter commercialement dans la durée ».
Article paru dans La Lettre confidentielle n° 29 du 11 octobre 2012