La démographie nippone pèse sur la productivité d’un pays qui affichait dans les années 1990 la plus forte hausse de son PIB par habitant parmi les pays du G7. Une récente note de la DG Trésor détaille l’impact du phénomène sur l’économie nationale et laisse entrevoir des perspectives de business pour les entreprises étrangères.
Avec un âge moyen de durée de vie de 81 ans chez les hommes et 87 pour les femmes, une moyenne d’âge de 47 ans et des seniors de plus de 65 ans composant 28 % de ses 125 millions d’habitants, la population japonaise est l’une des plus vieillissantes au monde. En 2021, 50,3 % des 65-69 occupaient un emploi. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il commence à peser fortement sur la croissance, en particulier après une pandémie mondiale et dans un contexte géopolitique toujours incertain.
« Initialement soutenue par une hausse rapide du stock de capital, la croissance japonaise ne repose plus depuis 2010 que sur la main d’oeuvre et la productivité globale des facteurs. Or ces leviers sont aujourd’hui défaillants, explique la DG Trésor. La population vieillit et décline, et la productivité horaire du travail croît faiblement, notamment dans les PME, prépondérantes dans le tissu productif et moins productives que les grandes entreprises. Une trop grande partie de l’investissement est destinée à compenser la dépréciation du capital, témoignant d’une mauvaise allocation de ce facteur. La croissance potentielle, d’environ + 4 % en 1990, serait désormais inférieure à + 0,5 %. »
Des besoins dans les nouvelles technologies
Le pays reste néanmoins un des pays les plus riches du monde avec un salaire mensuel moyen de plus de 2 600 euros et un taux de chômage bas (2,8 %). Les entreprises françaises y exportent avec succès, des produits agroalimentaires agroalimentaires (vin, produits laitiers et fromages, viandes, confiseries et chocolat), des articles de luxe, des cosmétiques et du matériel de transport. La CCI française au Japon compte 600 membres dont un tiers d’entreprises nippones et la France était en 2019 le deuxième investisseur étranger avec 21 milliards d’euros.
Mais les entreprises françaises pourraient explorer d’autres secteurs en plein essor.
« La croissance japonaise restera contrainte par les tendances démographiques, ce qui justifie de poursuivre la promotion de l’emploi des séniors, de l’immigration et de la natalité par des réformes structurelles ambitieuses. Le Japon dispose aussi d’une marge de manœuvre dans l’amélioration de l’allocation du capital et le déploiement des nouvelles technologies, un secteur à fort potentiel de croissance », résume la DG Trésor.
Contrairement aux idées reçues, le Japon n’est en effet plus à la pointe de la numérisation et paye un manque d’investissements dans les TIC. Ces derniers stagnent depuis 1995 alors qu’ils ont triplé en France et aux États-Unis entre 1995 et 2017. D’ici à 2025, 60 % des systèmes informatiques des entreprises auront plus de 20 ans… Ce pays a la réputation technophile compte le plus faible nombre de startups des pays de l’OCDE et seulement 10 licornes (contre 29 en France en 2022).
La silver economy, un business florissant
La spécificité de la démographie japonaise a néanmoins permis le développement d’un nouveau secteur d’activité : les produits et services à destination des seniors. « Le Japon est ainsi devenu le laboratoire des nouvelles tendances économiques auxquelles vont être confrontées d’ici peu la plupart des sociétés occidentales avec le vieillissement de leur population », souligne une note de la CCI française au Japon.
Une tendance qui touche à de nombreux secteurs : la santé bien sûr (médecine à distance, objets connectés…), mais aussi la sécurité (téléassistance, détecteurs…), le logement (domotique), les loisirs, les communications ou les transports. Et qui s’est encore développée depuis le début de la crise sanitaire. Les seniors japonais ont en effet mis les confinements à profit pour se mettre aux nouvelles technologies.
Même si la Banque mondiale prévoit une croissance anémique de 1 % cette année et de 0,7 % en 2024, l’archipel saura se relever estime la CCI française au Japon : « La situation géographique privilégiée du Japon pour les échanges commerciaux, son taux d’épargne national très élevé (24% du PIB), le fait que la dette publique japonaise soit détenue à 90% par des investisseurs locaux et la diversification de son secteur industriel sont autant de points forts qui devraient permettre à l’économie nipponne de prospérer. »
Sophie Creusillet