Le « fabriqué en France » a le vent en poupe et pas seulement sur le marché domestique. Les entreprises certifiées par Origine France Garantie en font également un atout à l’international. Julien Vialar, directeur technique et des affaires publiques de cette association de chefs d’entreprise créée en 2010 par Yves Jégo, revient sur les modalités d’obtention de cette certification et sur sa portée à l’international.
Le Moci. La Douane propose un marquage « fabriqué en France » dont la procédure est gratuite. Quelle est la différence avec l’Origine France Garantie ?
Julien Vialar. Le marquage d’origine de la Douane garantie qu’un produit est conforme aux règles d’origine non préférentielle du code des douanes de l’Union européenne. Il indique qu’il a subi la dernière transformation substantielle en France. Il s’agit d’une mention autoattribuée, sans vérification a priori mais que la DGCCRF [la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, ndr] contrôle a posteriori. Cette dernière a mené une étude en 2022 qui a montré une utilisation frauduleuse de la mention « fabriqué en France » dans 15 % des cas. Origine France Garantie repose sur des critères différents. D’abord, elle prend en compte le prix de fabrication dont plus de la moitié doit être réalisée en France, quelle que soit la nationalité de l’entreprise. Le calcul se focalise sur le produit : il prend en compte aussi bien la main d’œuvre, que le coût de l’énergie, la R&D ou le packaging, mais pas le marketing, la communication et la logistique. L’autre différence, c’est le contrôle de l’origine avant la certification par des organismes indépendants comme l’Afnor, Veritas, FCBA et d’autres.
Le Moci. Sur quelle base s’appuie la certification ? Quels types de documents doit fournir l’entreprise ?
Julien Vialar. Elles peuvent fournir tout document prouvant l’origine d’un produit : factures, bons de commande, attestations de fournisseurs, des schémas de fabrication… Une fois qu’ils sont réunis, nous pouvons commencer la phase d’audit. Cette préparation de la certification a des vertus pédagogiques. Elle permet par exemple de s’apercevoir que telle pièce qu’on pensait fabriquée en France est en fait importée ou qu’il peut être judicieux de calculer le prix de revient unitaire d’un produit, ce que ne font pas forcément toutes les entreprises.
« La majorité des entreprises que nous certifions sont des PME de 20 à 100 salariés déjà bien structurées »
Le Moci. Combien de temps dure le processus de certification et combien coûte-t-il ?
Julien Vialar. L’audit documentaire prend entre un mois et un mois et demi. Le cycle complet, qui comprend des audits des sites de production, dure quatre ans en tout. Le prix varie en fonction du nombre de gammes, du nombre de sites et de sous-traitants, mais aussi de de la complexité du produit. Ce n’est pas la même chose de certifier une pomme ou un autobus ! Disons que le coût d’une certification varie entre plusieurs dizaines de milliers d’euros pour plusieurs modèles de Peugeot et entre 1 000 et 1 500 euros pour une entreprise de moins de 10 personnes, ayant deux sites de production et réalisant moins de 500 000 euros de chiffre d’affaires. La majorité des entreprises que nous certifions sont des PME de 20 à 100 salariés déjà bien structurées. Nous comptons peu de grands groupes. La moitié des 591 entreprises certifiées travaillent en BtoC et l’autre en BtoB.
Le Moci. De quels secteurs viennent-elles ?
Julien Vialar. C’est très varié. Nous avons toutes les entreprises de la lunetterie, un secteur dans lequel les savoir-faire n’ont pas disparu et où la certification Origine France Garantie permet de se différencier des grandes marques. Ray Ban revendique des lunettes made in Italy mais seuls les verres y sont fabriqués tandis que les montures viennent de Thaïlande. Les entreprises du textile sont également bien représentées. Celles qui sont labellisées par France Terre Textile bénéficient d’une procédure allégée pour obtenir notre certification.
Il y a en revanche moins d’entreprises agroalimentaires car notre cahier des charges est très strict et elles peinent en général à suivre trois règles spécifiques au secteur. Le ou les ingrédients qui apparaissent dans la dénomination de vente et dans la dénomination légale du produit doivent obligatoirement avoir une origine française. Ensuite, un ingrédient représentant plus de 8 % du poids de la recette doit être obligatoirement français. Enfin, il faut que l’ingrédient principal en poids de la recette soit d’origine France et ceci quel que soit son poids dans la recette. Certaines entreprises parviennent à remplir ces critères, c’est le cas de Léa Nature.
Notre répertoire d’entreprises certifiées comprend également des producteurs de brosses à dents, de fenêtres et de volets, de liquides pour cigarettes électroniques, de papier toilette, d’aiguilles pour liposuccion ou de mobilier médical. Nous avons reçu une demande pour un four crématoire mais nous avons dû refuser la certification car un des sous-ensembles était importé de Chine.
« L’image de la France est un gage de qualité »
Le Moci. A-t-on une idée de l’impact de l’origine France d’un produit sur ses ventes à l’international ?
Julien Vialar. C’est une question que nous nous posons mais qui est très difficile à évaluer et à quantifier. Nous travaillons sur sujet avec les CCI françaises à l’étranger. Il est évident que l’image de la France est un gage de qualité et un atout considérable dans des secteurs comme le luxe ou les cosmétiques. Je rentre d’une semaine en Corée et j’ai été surpris par le nombre de produits affichant des symboles attachés à la France alors qu’ils ne sont pas français du tout. A l’étranger, la France fait vendre.
Le Moci. Sur les marchés lointains l’Europe parle souvent plus que chacun de ses 27 pays. Existe-t-il des projets de certification « fabriqué en Europe » ?
Julien Vialar. C’est vrai que vue de Chine, la France est plus perçue comme une province européenne que comme un pays à part entière ! A ma connaissance, il n’existe pas de tel projet et cela s’explique certainement par le fait que les États membres ont des stratégies très différentes en matière de développement économique.
En France, nous manquons d’une vision et d’une réelle politique d’industrialisation, nous sommes un peu perdus. En Allemagne, on produit et on vend. Les Pays-Bas importent et réexportent ensuite, ils n’ont pas forcément intérêt à plus de transparence. Bref, au niveau politique, c’est compliqué. Pourtant, comme le montre l’exemple d’Airbus, quand les pays européens s’associent, ils peuvent faire de grandes choses.
Propos recueillis par Sophie Creusillet