Ce n’est pas une surprise, mais cela met définitivement fin aux derniers espoirs des Européens de voir leurs entreprises obtenir auprès des autorités américaines l’autorisation de poursuivre leurs activités après le 6 août, date prévue pour le rétablissement des sanctions américaines annoncé le 8 mai par Donald Trump, suite à sa décision de retirer les États-Unis de l’accord de 2015 sur le nucléaire. Bruno Le Maire a confirmé, dans un entretien au Figaro le 13 juillet, que la demande d’exemption commune adressée le 4 juin par plusieurs pays européens pour les entreprises européennes avait reçue une fin de non recevoir de la part de son homologue américain : « J’ai écrit au printemps à Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor américain, pour lui demander des exemptions pour les entreprises européennes installées légalement en Iran ou des délais supplémentaires dans l’application des sanctions. Nous venons de recevoir sa réponse: elle est négative ».
Outre par le ministre français de l’Économie et des finances, cette lettre datée du 4 juin avait été cosignée par Federica Mogherini, la commissaire européenne au Commerce, mais aussi par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ainsi que, côté allemand, par les ministres de l’Économie (Peter Altmaier), des Finances (Olaf Scholz), et des Affaires étrangères (Heiko Maas), et, côté britannique, par les ministres des Finances, Philip Hammond, et son collègue des Affaires étrangères, alors Boris Johnson.
De la même manière, début juillet, les Européens, mais aussi la Russie et la Chine, ont plaidé en vain pour la poursuite des exportations de gaz et de pétrole iraniens alors que les États-Unis ont demandé à tous les pays d’arrêter complètement leurs importations de pétrole iranien d’ici au 4 novembre.
Rappelons que le 6 août, seront notamment rétablies les fameuses sanctions dites « secondaires » (les sanctions dites « primaires » concernent les entreprises américaines et n’ont jamais été levées), qui s’appliquent aux entreprises non américaines, et peuvent donner lieu à des sanctions de la part des administrations de contrôle (type OFAC) ou de la justice américaines dès lors qu’elles ont un lien, même ténu (présence de composants américains dans les produits, usage du dollar américain dans la transaction…), avec les États-Unis.
C’est pour protéger les entreprises européennes contre cette « extraterritorialité » que l’Union européenne a récemment mis à jour sa loi de blocage, qui permet aux entreprises et aux tribunaux européens de ne pas se soumettre à des sanctions prises par des pays tiers. Celle-ci devrait entrer en vigueur pratiquement le même jour que le rétablissement des sanctions américaines. Mais la protection est jugée insuffisante par la plupart des entreprises européennes*, dont certaines ont déjà annoncé qu’elles cesseraient leurs activités en Iran, la dernière en date étant, pour la France, l’armateur CMA CGM.
Des importations en recul de 3,4 % au premier semestre 2018
Le marché iranien souffre déjà d’une conjoncture économique difficile et de la dévaluation du rial : les importations de biens ont chuté de 3,4 % au premier semestre 2018 par rapport à la même période de l’année dernière, à 20,5 milliards d’euros, selon les statistiques de la base HS Markit Global Trade Atlas. Les importations automobiles, 5ème poste à l’importation, sont notamment en recul de 38,4 %. Récemment, Téhéran a décidé d’interdire l’importation de quelque 1 300 produits pour économiser ses réserves de change.
Dans le top 20 des pays fournisseurs pour cette période, la moitié des pays connaissent déjà de forts reculs : Émirats arabes unis –3,2 %), Corée du Sud (-8,9 %), Allemagne (-1,1 %), Turquie (-14,3 %), Inde (-12,9 %), Italie (-24,4 %), Pays-Bas (-8,7 %), Brésil (-26,2 %), Japon (-10 %), Taiwan (-20,5 %), Malaisie (-29,6 %). L’autre moitié enregistre encore de fortes progressions, y compris parmi les Européens, dont la France : Chine +7,32 %, Suisse + 44,6 %, France +36,5 %, Russie +37,2 %, Royaume-Uni +16,3 %, Singapour + 90,2 %, Suède + 19,3 %, Belgique + 3,4 %, Espagne + 14,7 %. Plus pour très longtemps.
Christine Gilguy
*Relire à ce sujet : Iran / Sanctions : les entreprises françaises attendent une protection plus forte de l’Europe