A l’occasion de la présentation, le 20 avril à Paris, de l’ouvrage à paraître dans un mois « Où va l’Iran ? (Regards croisés sur le régime et ses enjeux d’influence) »* et en présence de deux des douze auteurs du livre, le Français François Colcombet, président de la Femo (Fondation d’études pour le Moyen-Orient), et l’Espagnol Alejo Vidal-Quadras, président du Comité international pour la recherche de la justice, l’opposant en exil Afchine Alavi, membre de la Commission des Affaires étrangères du CNRI (Conseil national de résistance d’Iran), a exposé sa vision du régime. Et selon lui, ce dernier n’est pas serein à moins d’un mois, le 19 mai exactement, de l’élection présidentielle, et à deux mois de la décision que devra prendre le président américain Donald Trump de renouveler ou pas les sanctions multilatérales décidées par son prédécesseur Barack Obama.
Dans ce contexte, pour Afchine Alavi, le pouvoir iranien va devoir passer trois obstacles : « la menace de nouvelles sanctions, qui seraient voulues par le président Trump, avec notamment l’inscription des Gardiens de la révolution sur les listes de terroristes, alors que beaucoup de contrats et d’investissements sont déjà en attente, y compris pour Total ; la faillite du secteur bancaire, des pans entiers de la population ayant tout perdu, ce qui entraîne des manifestations ; et l’absence d’État de droit et la main mise des fondations liées au régime et des Gardiens de la révolution sur l’économie et la vie politique ».
Le Guide Suprême affaibli
Afchine Alevi a ainsi minimisé l’importance des prochaines élections dans son pays, alors même que Donald Trump devra décider en juin du renouvellement ou non des sanctions multilatérales décidées par son prédécesseur. « On est à la veille de l’élection d’un président qui n’a pas de vrais pouvoirs » et « aucun président de la République, a-t-il rappelé, n’est pas tombé en disgrâce à la fin de son mandat ».
Le « véritable » président est le Guide Suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, et « le président de la République, c’est un Premier ministre type Fillon avec Sarkozy », a ainsi précisé François Colcombet, selon lequel « ce système n’est pas un choix politique, idéologique, mais organisationnel, qui permet au Guide Suprême d’influer ». A l’heure actuelle, cependant, « le Guide Suprême, est affaibli, car l’accord de démantèlement conclu n’a pas donné les résultats escomptés sur le plan économique ». Certes, l’Iran n’est plus étranglé par les sanctions internationales, mais la guerre en Syrie, l’entretien de troupes et de milices (Hezbollah…) coûtent chers en hommes et en argent.
Un conservateur en pole position
Téhéran a repris ses ventes d’or noir. Tous les jours, l’Iran livrerait 2,1 millions de barils de pétrole et en produirait 3,9 millions, l’inflation, officiellement, aurait chuté de 40 à 10 %. Pour autant, la croissance économique, passée de 1,5 % en 2015-2016 à 6,6 % en 2016-2017, ne permet pas de réduire le chômage (3,2 millions des 78 millions d’Iraniens seraient touchés) et la population ne bénéficierait pas des bienfaits de la croissance. Parmi les six candidats autorisés par le Conseil des gardiens de la révolution à concourir aux présidentielles, le premier vice-président, Es-Hagh Jahanguiri, 60 ans, proche de l’actuel président réformateur, Hassan Rohani, qui a été autorisé à se représenter, a estimé à 45 % la part de la population touchée par la faim. Un défi de taille à relever pour la survie du régime.
Les quatre autres candidats au scrutin du 19 mai sont l’ancien ministre de l’Industrie, Mostafa Hashemitaba, et les conservateurs Mohammad Bagher Ghalibaf, maire de Téhéran, Mostafa Mirsalim, ex-ministre de la Culture et de l’orientation islamique, et le religieux Ebrahim Raïssi, que l’on dit proche du Guide Suprême. De fait, Ali Khamenei l’a nommé l’an dernier à la tête de Astan Qods Razavi, une puissante fondation, basée à Machhad, qui « contrôle au moins 200 milliards de dollars de fonds », indiquait Alejo Vidal-Quadras, le 18 avril. Le retour d’un conservateur comme chef de l’État pourrait être le signe que le Guide Suprême entend ne pas relâcher son emprise sur les libertés.
François Pargny
* « Où va l’Iran ? (Regards croisés sur le régime et ses enjeux d’influence) », à paraître aux éditions Autrement
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