Bonne nouvelle, le 15 décembre – le jour même où Business France organisait à Paris son premier atelier sur la réouverture du marché iranien- l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) indiquait sa décision de clore l’enquête qui visait à vérifier que l’Iran ne cherchait pas à se doter de l’arme nucléaire.
Cette décision de l’AIEA devrait ouvrir la voie à la levée des sanctions qui frappent l’Iran. Avant même de la connaître, à Paris, le franco-iranien Ramin Hariri, avocat associé chez Dentons, parlait de son « espoir » que « çà se fasse très bientôt… à partir du 15 janvier 2016 », soit avant les élections iraniennes du 26 février à Téhéran. Ce début fragile de la normalisation pourrait peut-être avoir un impact sur la répartition des forces politiques entre conservateurs et réformateurs au sein de l’Assemblée consultative islamique (Majlis) et du Conseil des experts, l’instance qui nomme le Guide suprême, en cas de décès.
La relance de l’économie « passera par les marchés publics »
En 2016, la République islamique pourrait relancer son économie, avec un taux de croissance de 4,3 % d’après le Fonds monétaire international, 5,8 % pour la Banque mondiale. « Ce se sera une année de transition », estimait à Paris Mathieu Bruchon, chef du Service économique à Téhéran. « On pense qu’avec la levée des sanctions la production pétrolière va remonter à 2 millions de barils jour dans les neuf mois et que dans les fonds gelés à l’étranger les Iraniens vont récupérer assez rapidement entre 50 et 50 milliards de dollars », soulignait le vice-président de la section Iran des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), Arnaud Chevalier. Selon lui, « cette relance passera par les marchés publics, portant, en premier, sur les infrastructures, en raison des problèmes du financement privé ».
Du côté des entreprises françaises, on attend avec impatience le rétablissement des outils publics (garanties, fonds d’étude, etc.). Mais le recours aux grandes banques françaises leur semble aujourd’hui fermé, ces établissements n’étant pas prêts à courir le moindre risque, un peu plus d’un an après l’énorme amende infligée par les États-Unis à BNP Paribas. Les entreprises françaises font grise mine alors que le débouché iranien en voie d’ouverture est convoité par les Asiatiques comme les Européens : Allemands, Italiens, Espagnols, etc.
La nécessité du partenariat et de l’intégration locale
« Les appels d’offres sont en préparation. Et dans des secteurs comme le ferroviaire, ils devraient sortir avant la fin de l’été pour des adjudications avant fin mars 2017 », détaillait Arnaud Chevalier, par ailleurs, représentant en Iran de Noor Group, cabinet de conseil en stratégie et lobbying.
Parmi les partenaires possibles des entreprises françaises, figure le secteur parapublic, composé des fondations et fonds de pension nés des privatisations réalisées dans l’amont pétrolier (raffinerie, pétrochimie), les mines, les assurances, les banques (en majorité), les télécommunications (les trois opérateurs), les chemins de fer (les deux principaux opérateurs). D’après Téhéran, si l’Iran pouvait être réintégré dans le système international de paiement électronique Swift, non seulement les circuits financiers avec les investisseurs internationaux seraient à nouveau activés, mais ceux-ci, en l’occurrence, pourraient participer à des privatisations à venir.
A Paris, Nigel Coulthard, le président du Cercle Iran économie (CIE), précisait que si un « sponsor » n’est pas obligatoire en Iran, en revanche, un partenaire est conseillé « sur un marché aussi complexe (notamment sa règlementation) » et que « le premier critère » devait être « un choix industriel ou commercial ou technologique ». En outre, ajoutait-il, « il y a un vivier local d’emplois dynamique » et donc le président du CIE conseille sur place aux Français d’embaucher des jeunes, « de les former ensuite aux pratiques de l’entreprise ».
Trouver de bons partenaires est aussi indispensable dans la mesure où « l’intégration locale est devenue critique », relevait Arnaud Chevalier. « Le niveau est de l’ordre de 50 % pour les gros dossiers d’investissement et les interlocuteurs locaux sérieux ne sont pas si nombreux et sont très courus », pointait-il encore.
La possibilité offerte d’investir seul ou non
« L’Iran est à la fois un marché protectionniste et libéral », faisait valoir Romain Kéraval, directeur de Business France à Téhéran. Si les tarifs douaniers oscillent entre 4 et 75 % auxquels s’ajoute une TVA de 9 %, devant passer l’an prochain à 10 %, le pays s’est doté en 2002 d’une loi d’attraction des investissements étrangers (Fippa), qui autorise, par exemple, la propriété du capital à 100 % par des étrangers ou encore le rapatriement du capital et des dividendes. « La Fippa est un régime de faveur et de protection (contre l’expropriation, la nationalisation…) pour des investissements en capital, en équipement, en matières premières, dans la propriété intellectuelle, qui donne aussi la possibilité de prendre des participations dans des sociétés iraniennes et de créer des joint-ventures », a complété Mahasti Razavi, avocate associée au cabinet August et Debouzy.
La loi de 2002 sera indispensable aux investisseurs étrangers intéressés par les nombreuses opportunités dans les infrastructures, l’industrie, la consommation ou les services. Ainsi, s’agissant des infrastructures, on parle souvent de la rénovation des routes, des besoins d’agrandissement ou de modernisation du métro et des ports, mais moins du transport aérien. « Or, soutenait Romain Kéraval, la flotte d’avions possède un âge moyen de 25 ans et les seize compagnies aériennes représentent un potentiel de 300 à 400 appareils à rénover ».
Des opportunités tous azimuts : mines, pharmacie ou distribution
Dans les hydrocarbures, Téhéran a prévu d’injecter « 253 milliards de dollars de plus sur dix ans », selon le directeur de Business France en Iran, et aux neuf raffineries existantes, traitant 1,81 million de barils par jour, de nouvelles raffineries devraient s’ajouter. Fin novembre, un nouveau type de contrat a également été adopté : l’Iran Petroleum Contract (IPC), un contrat global pour les licences d’huiles et de gaz, la rénovation, l’exploitation des nouvelles phases et les concessions pétrolières. Dans les mines, 68 types de minerais ont été répertoriés. Dans l’automobile, Téhéran vise une production de 2 millions de véhicules en 2020.
Dans la pharmacie, l’Iran achète de nombreux dispositifs médicaux, parce que la population se méfie des productions locales. Dans la parfumerie, il compose le 7e marché mondial, avec 35 millions de consommateurs. Dans la distribution, 400 centres commerciaux sont programmés. S’agissant du luxe, le nombre de riches devrait tripler, voire passer à 10 millions. L’Iran est un gros marché de 80 millions d’habitants… de quoi faire rêver.
François Pargny