On en sait un peu plus sur la rencontre à huis clos que Medef International a organisée le 3 février autour du ministre irakien des Transports Baqir Jaber Al Zubeidi. Cette matinée, en présence également du vice-ministre des Transports Bangen Rekani, du directeur général d’Iraqi Airways Saad Al Khafaji et du directeur général d’Iraqi Républic Railways Company Salam Saloum, était présidée par Philippe Matière, directeur général de Matière SAS, entreprise qui doit inaugurer le 12 mars prochain un pont à haubans de 200 mètres à Nasiriya, en présence de l’ambassadeur de France à Bagdad Marc Baréty et du chef du Service économique Philipe Galli.
Selon un participant français à cette réunion de Medef International, Baqir Jaber Al Zubeidi a cité les grandes priorités du gouvernement : développement des hydrocarbures et maintenance, défense et transports. Sur la base d’un baril de pétrole à 56 dollars en moyenne, le budget 2015 pourrait ainsi compter sur des recettes de l’ordre de 80 milliards de dollars pour des dépenses s’élevant à 102 milliards, dont 36 milliards pour l’investissement. « Soit, a précisé l’interlocuteur de la Lettre confidentielle, une baisse de 20 % par rapport à 2014, due à la baisse du prix du baril ».
Joint par la LC le 10 février à Bagdad, Pierre Fournol, secrétaire général de l’Initiative France-Irak, qui rassemble des représentants des administrations (Affaires étrangères…), des groupes français (Total, Alstom, Société Générale…) et des parlementaires français, a précisé, s’agissant du budget 2015, que, «dans les semaines à venir », les ministres allaient recevoir leurs dotations, tout comme les gouverneurs, qui, dans le cadre de la nouvelle décentralisation, deviennent gestionnaires de fonds dans les infrastructures ou la santé.
Développer le tourisme religieux
A Paris, le ministre des Transports a pointé les besoins de son pays en matière d’installations aéroportuaires – « le nombre de vols et de compagnies aériennes en Irak s’est accru », a-t-il insisté – et portuaires, notamment à Umm Qasr, cité de la province de Bassora située à la frontière avec le Koweït, et Al Fao, petite ville près du Shat al-Arab et du Golfe persique.
Baqir Jaber Al Zubeidi s’est étendu plus largement sur la modernisation des ports et le transport des voyageurs, l’ambition étant de développer le tourisme religieux. D’après les estimations, quelque 20 millions de personnes se déplaceraient tous les ans dans les villes saintes de Nadjaf et Kerbala, notamment pour la commémoration de l’Arbaïn, qui marque la fin des 40 jours de deuil après l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet.
Le vice-ministre des Transports a, pour sa part, qualifié le port d’Umm Qasr de « porte pour les importations ». Bangen Rekani a également souligné que le port d’Al Fao « est en construction par un consortium entre la Chine, le Royaume-Uni et l’Iran ».
Des opportunités dans le ferroviaire et l’aérien
Salam Saloum a, de son côté, indiqué que l’objectif en matière ferroviaire est de porter le réseau national de 2 000 à 5 000 kilomètres. Le directeur général d’Iraqi Républic Railways Company a cité l’importance des liaisons avec l’Iran, la Jordanie et la Turquie et la priorité que constitue la ligne Bagdad-Bassora au sud. Autant d’opportunités, selon lui, pour les entreprises françaises dans l’aiguillage ou la signalisation. Plus étonnant, il a mentionné le souhait du gouvernement de doter le territoire national de 100 à 150 kilomètres de voies à grande vitesse, sans, pour autant, donner plus de détails.
Son homologue d’Iraqi Airways a indiqué que son entreprise « envisage de se diversifier » avec Airbus et Bombardier, alors que ce sont surtout des Boeing qui volent en Irak. Saad Al Khafaji a, par ailleurs, affirmé que la coopération est « meilleure » avec le constructeur européen qu’avec son concurrent des États-Unis.
La sécurité est assurée au sud à Bassora
Globalement, les grandes priorités sont la défense et l’intérieur, la santé et l’électricité. Pierre Fournol est relativement optimiste. « L’État islamique est maintenant contenu. Depuis le départ de l’ancien Premier ministre Nouri Kamal al-Maliki, la situation s’est améliorée entre chiites, sunnites et kurdes et, si des attentats subsistent dans la capitale, ils ne visent pas les entreprises et sont commis plutôt sur des marchés ou des restaurants de la périphérie où ne vont pas les hommes d’affaires ». Enfin, ajoute-t-il, « à Bassora, il n’y a pas de problème de sécurité ». Comme au nord-est, au Kurdistan (capitale Erbil, qui accueille le salon Medicare : voir rubrique « demain dans vos agendas »).
Pierre Fournol se félicite aussi de la très bonne image en Irak de la France, l’État le plus impliqué, après les États-Unis, dans le soutien militaire contre Daech. François Hollande s’est rendu à la mi-septembre dans « le pays aux deux fleuves ». Le moment est donc opportun pour les entreprises de l’Hexagone, d’autant que l’euro a fortement baissé par rapport au dollar.
« Mais, prévient Pierre Fournol, pour les grands contrats, il faut apporter une offre de financement partiel ou total ». Et « pour les PME, un partenaire local est grandement conseillé pour des raisons de ressources, financières et humaines, de durée et de sécurité ». Un partenaire local peut monter un projet et l’entreprise française se déplacer ensuite sur place pour, enfin, s’impliquer financièrement. Les PME tricolores ont aussi intérêt à travailler ensemble pour partager les coûts.
François Pargny
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