Business as usual ? Malgré l‘instabilité politique et militaire en Irak et dans la région (Syrie…), le Centre français d’affaires (CFA) à Bagdad continue de promouvoir ce pays de 32 millions d’habitants. « Beaucoup d’argent y circule et les Irakiens aspirent à consommer. Mais attention, comme les hommes d’affaires veulent également être associés au développement des activités, il n’est pas possible de faire du business sur place sans développer un esprit de partenariat », expliquait le 17 juin, à Paris, Jean-Pierre Vuillerme (notre photo), directeur du CFA, lors d’une réunion restreinte organisée par l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (Adit), à laquelle Le Moci était le seul journal présent.
Situé à quelques encablures du Tibre, le CFA est géré par l’Adit, société anonyme à 100 % détenue par l’État qui a installé le centre dans la zone rouge de Bagdad, ce qui permet aux hommes d’affaires français de ne pas subir les multiples contrôles imposés aux Américains ou aux Britanniques qui sont établis en zone verte, en face de l’autre côté du fleuve. Des contrôles qui leur rendraient difficiles les déplacements d’affaires. « Or, même si le danger existe, les étrangers ne sont jamais la cible des attaques terroristes », affirme Jean-Pierre Vuillerme.
Intégré au périmètre de protection de l’ambassade de France, le CFA, qui offre bureaux et hébergements, accueille à l’heure actuelle sept grandes entreprises. Et le nombre de PME attiré par l’Irak ne cesse de croître. Elles peuvent ainsi s’appuyer sur ses services pour trouver des partenaires ou participer au Pavillon France, organisé tous les ans à la Foire internationale de Bagdad. « On peut y faire des affaires. Mais c’est surtout l’occasion de trouver un distributeur, un partenaire », confiait un homme d’affaires français dans l’équipement, lors de la réunion organisée par l’Adit.
La reconstruction représente un marché de 600 milliards de dollars
L’Irak produit environ 2,7 millions de barils de pétrole tous les jours, soit l’équivalent des sorties du sous-sol de l’Iran. Et l’Agence internationale de l’énergie estime que l’ancienne Mésopotamie détiendra d’ici trois ans les deux réserves mondiales d’hydrocarbures.
L’ambition de Bagdad est de dépasser l’Arabie saoudite en 2025 avec une production de 9 millions de barils par jour. Un objectif qui paraît trop ambitieux, le territoire manquant d’infrastructures adaptées. Certes, les puits situés dans le sud du pays, qui concentrent 90 % de la production d’or noir, ne sont pas menacés par l’offensive armée du mouvement sunnite État islamique en Irak et au Levant (EILL), mais l’insuffisance de moyens de stockage ou de transport demeure un handicap certain.
La reconstruction de l’Irak, avant l’avancée d’EILL jusqu’à Bagdad, était évaluée à 600 milliards de dollars, touchant à tous les secteurs, des hydrocarbures à la formation technique, en passant par l’ingénierie, l’eau, l’électricité, les routes, le fer, l’équipement des bases de vie, la défense et la sécurité, le matériel médical ou encore l’informatique.
Les risques : sécurité, corruption, longueur des délais de paiement
Pour autant, toute une série de risques existe. Assurer la sécurité n’est pas le seul, le niveau de corruption est élevé, « ce qui rend impératif de prendre un partenaire local, même si on dispose d’une filiale ou d’un bureau de représentation », précise le directeur du CFA. Parfois la corruption explique la durée des délais de paiement. « Le risque qu’ils s’étirent en longueur est réel. En revanche, il n’y a pas de sinistralité », nuance Jean-Pierre Vuillerme.
Il est devenu coutume locale qu’un marché public ne soit pas payé intégralement. Sous le prétexte de s’assurer de la conformité de l’exécution au cahier des charges, les autorités retiennent systématiquement entre 10 et 15 % du montant du contrat. Les entreprises ont, cependant, trouvé la parade en remontant de 20 % leurs devis. Et si jamais, trois ans après avoir emporté le marché, les 15 % leur sont enfin versés, alors le gain est considérable.
Pour sa part, il y a plusieurs années, Eurocopter a gagné un gros contrat, mais n’est pas toujours payé. D’après certains interlocuteurs présents dans le pays, il manquerait une ou plusieurs signatures au bas du contrat, le ou les responsables craignant d’être accusés de compromission pour un mot et une virgule oubliés
Autre préoccupation pour les entreprises, les établissements financiers. La carte bancaire n’est pas utilisée et il n’y a pas de banque européenne pour être un interlocuteur crédible auprès de la Trade Bank of Iraq (TBI), la banque publique chargée fin 2003 de faciliter les échanges et la reconstruction du pays au terme du programme onusien Pétrole contre nourriture.
François Pargny