A l’heure où la loi Sapin 2 va obliger les entreprises de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et 500 salariés à se doter d’un plan de lutte contre la corruption, le Medef avait choisi de consacrer à l’information stratégique et l’intelligence économique sa 4e Matinale de la mondialisation, le 15 juin, animée par Le MOCI.
Un concept encore mal maîtrisé par les plus petites, PME et TPE. A côté d’une information stratégique, qui peut déjà exister en interne et qu’il faut apprendre à faire partager en décloisonnant les services, « il y a la protection de l’entreprise, de nos employés et voyageurs d’affaires », a pointé Bernard Galea, directeur de la Sûreté et de l’intelligence économique de Danone. Il y a, enfin, la mise en conformité à des législations nationales, internationales, mais aussi à des règles de droit non obligatoires (« soft law ») qui s’imposent de plus en plus au secteur privé, par exemple, « dans l’environnement, les droits de l’homme, la responsabilité sociale en entreprise (RSE) », a cité Dominique Lamoureux, directeur Ethique et responsabilité d’entreprise de Thales et président du comité d’Intelligence économique du Medef.
Bpifrance applique des critères stricts dans l’intérêt des PME
« Dans l’intelligence économique, il y a donc l’idée de risque », a relevé Jean-Baptiste Carpentier, le commissaire à l’Information stratégique et à la sécurité économiques (Cisse), placé sous l’autorité du ministre de l’Économie. Selon le patron du Sisse (Service à l’information stratégique et à la sécurité économiques), les entreprises ont du mal à aborder l’intelligence économique, parce que ce concept « ne rentre pas dans une case habituelle ». « On n’est pas seulement dans l’information, ce n’est pas non plus du juridique complètement, c’est de la soft law et il y a donc une notion de comportement. Il ne faut plus seulement savoir, il faut aussi démontrer qu’on est conforme ».
C’est parce qu’il y a une exigence de transparence dans le monde entier que la soft law devient importante. Ce qui explique les critères de plus en plus stricts appliqués par les banques qui financent des projets d’investissement. Alexandre Ossola dirige ainsi le fonds Automotive de Bpifrance, qui prend des participations dans des sociétés de la filière automobile. Il donnait ainsi l’exemple d’un projet de cession d’une usine auquel Bpifrance a refusé de contribuer. « Nous avions commandité un audit auprès d’un cabinet extérieur qui avait démontré que les futurs actionnaires n’étaient pas fiables », a relaté Alexandre Ossola, par ailleurs, membre du comité de direction Meid & Larg Cap de la banque publique.
C’est pourquoi « nous sommes amenés à poser des questions qui peuvent paraître intrusives aux responsables des entreprises qui font appel à nous », a plaidé Karine Demonet, directeur de la Conformité et du contrôle permanent de Bpifrance. « Il est certain, a-t-elle ajouté, qu’ils peuvent être déçus si nous décidons de pas soutenir leur projet d’investissement. Mais ils doivent aussi comprendre que s’ils s’étaient engagés dans leur projet, le résultat aurait pu être pour eux catastrophique. En outre, en travaillant avec nous sur ces critères de risque, ils apprennent à s’adapter à des règles qui s’appliquent aujourd’hui à tous à l’international ».
Supratec a suivi le programme export de Stratexio
De l’information à la conformité, l’intelligence économique ne peut être un bon investissement sans la participation de l’ensemble de l’entreprise, à commencer par la direction générale. Vice-président du directoire de Supratec, une petite ETI de 60 millions d’euros de chiffre d’affaires qui s’est lancée dans l’export après avoir uniquement importée pour le marché français des pièces techniques et automobiles, Maxime Prieto a ainsi parlé de la mise en place « d’un système de commando à l’export » associant ressources humaines, service juridique, business développement à l’export, qualité, innovation.
Supratec a également fait appel à des experts extérieurs « pour fiabiliser les informations sur les pays potentiels d’export » et son dirigeant a suivi un programme d’excellence à l’export au sein d’un Club Stratexio, une association de formation soutenue par le Medef, le Groupe des fédérations industrielles (GFI), CCI International et l’OSCI (Opérateurs spécialisé du commerce international).
« Nous avons pu ainsi constituer une boîte à outils, à l’occasion de réunions collectives, mais aussi grâce à un accompagnement individuel réalisé par des experts de Stratexio, qui nous ont aidés, par exemple, à mettre en place un business plan sur cinq ans à l’international. Mais aussi ce qui a été très important pour nous, c’est l’échange d’informations et le retour d’expériences de la part de dirigeants d’entreprises qui partagent les mêmes préoccupations et problèmes que nous », s’est félicité Maxime Prieto. Enfin, Supratec a lancé une démarche RSE.
Xifab a recouru à un avocat pour se défendre de la contrefaçon
Selon Sylvie Graumann, conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF), il ne faut pas hésiter à s’entourer d’expertises extérieures, car le retour sur investissement peut être très positif. Dans le cas de la société Xifab (supports iPad & Android, présentoirs et bornes interactives) qu’elle a fondée, ses produits ayant fait l’objet de brevets, elle s’est entourée d’un avocat pour lutter contre la contrefaçon, qui « est beaucoup plus coûteuse que de payer un expert », affirmait-elle.
Pour repérer d’éventuels contrefacteurs, l’entreprise se montre particulièrement attentive. Ses moyens d’information sont les salons, les sites web de ses concurrents, les applications d’alertes Google. Par ailleurs, Sylvie Graumann a élaboré des procédures pour cadrer ses collaborateurs dans ce domaine, leur interdisant par exemple de charger leur portables sur leurs ordinateurs à l’aide d’un câble USB. « Un cahier de procédures a été rédigé pour tous les salariés », a également indiqué la présidente de Xifab, par ailleurs, membre de la commission Intelligence économique du Comité national des CCEF (CNCCEF). Les CCE ont coutume d’aider les PME dans leurs démarches à l’international, notamment en leur proposant des bonnes pratiques. Le CNCCEF sortira ainsi en automne la troisième édition de son guide « Veiller futé à l’international ».
François Pargny