A rebours des discours pessimistes sur le déclin de la Chine et la menace qu’elle fait peser sur les entreprises européennes, le président de VVR International Camille Verchery soutient que les PME et ETI tricolores ont tout à gagner à travailler en partenariat avec des entreprises chinoises innovantes. Pour le fondateur de ce cabinet qui accompagne en Chine des entreprises françaises depuis 25 ans, il s’agit là d’une nécessité pour maintenir la production industrielle sur le Vieux Continent.
Depuis la crise sanitaire, le « China bashing » a le vent en poupe. D’autant que les perturbations de la production et des chaînes d’approvisionnement pendant la pandémie ont pénalisé toutes les autres économies et sérieusement remis en question la mondialisation. Pourtant Camille Verchery, qui s’est exprimé sur le sujet lors d’un webinaire de l’Académie de l’export de Bpifrance, n’en démord pas : l’ex-Empire du Milieu ne va pas si mal. Il confirme ainsi une analyse qu’il a déjà défendu dans nos colonnes*.
La croissance du PIB prévue cette année à 4,6 %, loin des 7 % réalisés en moyenne dans les années 2000 ? « Il s’agit en fait d’une décroissance de la croissance, corrige le dirigeant. En 2023, le PIB chinois a progressé de 5,2 % pour atteindre 1 767 milliards de dollars tandis que celui des Etats-Unis a atteint 2 544 milliards de dollars. La Chine est de loin le plus gros contributeur au PIB mondial en valeur absolue en 2023 avec 1 000 milliards de dollars, soit l’équivalent de la Turquie. Alors que le secteur immobilier est en crise ce sont les exportations qui tirent la croissance. »
La mollesse de la consommation et la montée du chômage en particulier chez les jeunes ? « En 2023, on a écoulé les stocks, mais l’activité revient. En raison de la crise sanitaire, 80 % des Français de Shanghai étaient partis mais ils commencent à revenir. Quant au pouvoir d’achat il augmente. Plus de 400 millions de Chinois ont un niveau de vie équivalent à celui des Européens. Les salaires du top management ont considérablement augmenté ces dernières années. Nous venons de recruter une directrice générale pour une entreprise française avec un salaire annuel de 350 000 dollars ! »
Les technologies chinoises ont monté en gamme
Pour Camille Verchery, surtout, la Chine n’est plus l’usine du monde, ni l’énorme marché d’importation qu’elle est devenue dans les années 2010, mais un centre d’innovation de rang mondial. Ses lignes de production sont parmi les plus automatisées au monde, elle compte 278 licornes (des start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars) et elle fait la course en tête avec les Etats-Unis dans le domaine de l’intelligence artificielle. En 2019, elle est devenue le premier déposant de brevets internationaux. Alors que la valorisation cumulée des GAFA est de 7 661 milliards de dollars (Md USD), celle des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) atteint 4 874 Md USD.
Dans des secteurs stratégiques pour la transition énergétique sur laquelle l’Europe s’appuie pour se réindustrialiser, elle dépasse de très loin la concurrence. A l’instar des cellules de batteries au lithium dont elle dispose de 77 % de la capacité de production mondiale. La Chine héberge six des dix plus grands fabricants de batteries au monde et dispose d’une chaîne d’approvisionnement intégrée verticalement. Une spécificité irremplaçable, du moins dans l’immédiat, estime le dirigeant de VVR International. « La réindustrialisation de la France se fait lentement et les gigafactories ont besoin des équipements, des composants et de la formation des entreprises chinoises qui les produisent. »
Sophie Creusillet
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