Le ministère français de l’Économie et des finances et le ministère allemand des Affaires économiques et de l’énergie ont publié, le 19 février, un document commun de quatre pages, intitulé « Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée du XXIe siècle » (voir en fichier joint en jpg). Une initiative qui tombe à pic après l’échec du projet de fusion Alstom-Siemens dans le Rail, retoqué par la Commission européenne, ce qui a provoqué une levée de critiques des deux côtés du Rhin contre la politique de la concurrence européenne, jugée inadaptée au nouvel environnement de la concurrence mondiale.
D’entrée, prônant une politique pragmatique tenant compte de la compétition planétaire toujours croissante, les deux ministres, Bruno Le Maire et Peter Altmaier (notre photo), y annoncent la couleur.
Selon eux, « le pouvoir économique de l’Europe dans les décennies à venir dépendra fortement de notre capacité à rester une puissance industrielle et manufacturière mondiale ». Et donc, « si l’Europe veut rester une puissance industrielle en 2030, nous avons besoin d’une politique industrielle européenne ».
Rallier d’autres pays
Un seul mot d’ordre à Paris comme à Berlin : « unir nos forces ». Des « discussions » sont entamées « avec d’autres pays », ce qui sous-entend que le moteur franco-allemand espère gagner en puissance en ralliant le plus possible d’États membres de l’Union européenne (UE).
Déjà, si possible avant les élections européennes de mai, peut-on penser, les deux signataires du manifeste estimant que « cette stratégie devrait également être une priorité majeure pour la prochaine Commission européenne ».
Le manifeste* repose sur « trois piliers » :
1/- Investir massivement dans l’innovation
Le premier pilier doit permettre de créer, développer et produire de nouvelles technologies. Cinq propositions sont avancées :
– Créer une stratégie européenne pour le financement de la technologie,
– S’engager dans l’innovation de rupture, avec « des projets deep tech à très haut risque » dans divers secteurs : santé, énergie, etc.
– Devenir des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle, ce qui doit amener à la constitution d’un « réseau commun de recherche et d’innovation », compétent aussi en matière de « transfert », notamment dans la santé, les transports et la robotique,
– Se donner les moyens de produire des technologies de rupture en développant des programmes type microélectronique dans d’autres domaines, notamment la nouvelle génération de batteries,
– Veiller à ce que les marchés financiers soutiennent l’innovation.
Un cadre pour faire émerger des champions européens
2/- Adapter notre cadre règlementaire
Le deuxième pilier doit assurer aux entreprises européennes « d’être concurrentielles à l’échelle mondiale ». Or, parmi les 40 plus grandes entreprises du monde, cinq seulement seraient européennes. Un constat que l’on peut juger inquiétant.
Le fait que le manifeste paraît aux lendemains du refus par la Commission européenne de la fusion Siemens-Alstom, au nom de la stricte application des règles de concurrence, n’est certainement pas le hasard, même si le cas n’est pas nommément cité. C’est pourquoi Bruno Le Maire et Peter Altmaier souhaitent « des modifications des règles européennes de concurrence existante ». Cinq options sont ainsi présentées :
– La prise en compte accru du contrôle de l’État et des subventions accordées aux entreprises dans le cadre du contrôle des concentrations,
– La mise à jour « des lignes directrices actuelles en matière de concentrations », ce qui signifie de la par de la Commission européenne « plus de flexibilité dans son appréciation des marchés pertinents »,
– « Examiner si un droit de recours du Conseil, qui pourrait revenir sur des décisions de la Commission, pourrait être approprié dans des cas bien définis, sous réserve de conditions strictes »,
– Considérer les règles en matière d’aides d’État avec une certaine flexibilité s’il s’agit « de grands projets de recherche et d’innovation »,
– Explorer d’autres options, comme l’intervention d’acteurs publics dans des secteurs spécifiques.
Défendre les grands principes de la politique commerciale
3/- Des mesures efficaces pour nous protéger
Quant au troisième pilier, c’est un rappel des principes et des pratiques susceptibles de défendre les technologies, les entreprises et les marchés européens : filtrage des investissements étrangers, réciprocité dans les marchés publics, défense du multilatéralisme et modernisation de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
F.P
* Pour plus de détails, consulter le document attaché à cet article.