Exporter le Made in France ? « Mon message, c’est que ce n’est pas facile : la barre est très haute, il y a un travail énorme pour dynamiser notre tissu industriel. En outre, nous partons d’un diagnostic qui n’est pas le bon : une fiscalité favorable à l’innovation mais défavorable à la production ». Bruno Grandjean, le président de la Fédération des industries mécaniques (FIM), n’est pas homme à mâcher ses mots lorsqu’il parle d’industrie et d’exportation. Ceux qui l’on écouté lors des dernières Assises du produire en France, à Reims, où il est intervenu le 15 septembre, le savent. Car selon lui, le problème n’est pas pris à sa juste valeur.
« Le problème derrière est culturel »
Pour le président d’une fédération dont les membres sont pour la plupart très exportateurs, il va de soi que la clé du redressement du commerce extérieur est dans celui de l’industrie, qui représente plus de 90 % des exportations. Dans ce domaine, Bruno Grandjean, qui est proche de Frédéric Sanchez, président de Medef International et dirigeant du groupe Fives, un fleuron tricolore, est encore en attente de l’annonce d’une véritable stratégie. Les « guichets uniques » de l’export que souhaite créer le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ne sont pas une réponse suffisante : « on en parle depuis des années », ironise-t-il.
Pour celui qui est aussi président du directoire de Redex, une PME industrielle qu’il a su internationaliser jusqu’au Japon, si les soutiens des pouvoirs publics à l’export sont certes utiles et doivent exister, la clé n’est pas dans les aides. « Le problème derrière est culturel », estime Bruno Grandjean, dans le manque d’ouverture et de culture de l’international du pays. « Il faudrait que les exportateurs soient valorisés car ce sont les véritables champions de l’économie, or, la société française ne le fait pas » déplore-t-il.
La prise de conscience progresse-t-elle ? Le fait que le président des Hauts de France, Xavier Bertrand, « a repris mot pour mot» son analyse lors des Assises du produire en France, lui semble plutôt encourageant. « On est condamné à l’optimisme », dit encore Bruno Grandjean, qui considère comme un autre signal positif le fait que la France ait choisi, lors des dernières élections, de tenter « une sorte d’union nationale à l’allemande ». Pour lui, « les conditions sont réunies » pour avancer, la loi travail récemment adoptée en étant la preuve.
L’euro « nous a anesthésiés »
Pour sa part, Bruno Grandjean a son idée pour contribuer à changer les mentalités : ramener au souvenir des Français certains repères perdus avec l’arrivée de l’euro, la monnaie européenne, qui « nous a anesthésiés ». « Autrefois, il y avait la dévaluation du franc qui sanctionnait les déséquilibres, avec l’euro, nous avons perdu ce repère », poursuit l’industriel.
Le président de la FIM a donc lancé avec l’Institut COE-Rexecode et ses économistes phares Michel Didier et Denis Ferrand, une étude sur ce sujet en vue de publier une tribune qui, espèrent-ils, contribuera à une prise de conscience plus large. « Il faut vraiment que les Français comprennent la gravité des conséquences du déséquilibre extérieur : on est obligé de combler le trou avec des capitaux étrangers ce qui est dangereux pour notre indépendance à terme ».
A suivre …
Christine Gilguy
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