Le premier ministre indien, Narendra Modi, participera au sommet Union européenne (UE) /Inde, le 30 mars prochain, le premier organisé depuis 2012 ! « Cette visite devrait revigorer les liens bilatéraux et donner un nouvel élan à notre partenariat », a commenté Manjeev Singh Puri, l’ambassadeur de l’Inde auprès de l’UE. Principal défi de cette réunion ? Trouver un terrain d’entente pour relancer les négociations de libre-échange entamées en 2007, mais interrompues en 2013. S’il existe désormais une volonté politique dans les deux camps pour remettre le processus sur les rails, les obstacles restent nombreux. Les dernières rencontres entre les négociateurs en chef, en janvier puis le 22 février dernier, à Bruxelles, n’ont toujours pas permis de rapprocher les positions.
Première pomme de discorde, l’exigence européenne de réduire les taxes indiennes à l’importation dans les secteurs de l’automobile, des vins et des spiritueux. Sur les voitures, par exemple, les taxes imposées sont comprises dans une échelle entre 60 et 120 %, alors qu’elles ne sont que de 10 % à l’importation en Europe.
Les Indiens, « qui n’étaient pas prêts à faire la moindre concession dans ces domaines », précise un proche du dossier à Bruxelles, espéraient quant à eux obtenir plus en termes de mobilité des travailleurs et d’accès au marché de l’UE pour leurs produits agricoles, pharmaceutiques et textiles. Autre ligne rouge pour New-Dehli : bénéficier du statut de pays protecteur des données (data security status), afin de faciliter l’exportation des produits informatiques « made in India ».
Jugés « inflexibles » à Bruxelles sur ces volets spécifiques des discussions, les négociateurs indiens mettent en avant les récents efforts consentis par le gouvernement pour ouvrir certains domaines de leur économie. Depuis 2013, des réformes en Inde ont, en effet, permis la hausse – de 26 % à 49 % – du seuil d’investissements étrangers dans les secteurs des assurances et des pensions. La réglementation relative aux investissements directs étrangers (IDE) a également été assouplie « de façon unilatérale » dans les secteurs ferroviaires, bancaires et de la défense, fait-on valoir à New Dehli.
Le ralentissement des échanges entre les deux partenaires inquiète tant à New Dehli qu’à Bruxelles.
Mais ces désaccords persistants n’occultent pas les avantages globaux d’un éventuel accord de libre-échange. « Il ne faut pas oublier que l’UE est notre principal partenaire commercial et le plus grand marché pour nos exportations », indiquait fin février Manjeev Singh Puri, cité par le quotidien The Hindu. Le ralentissement des échanges entre les deux partenaires, ces dernières années, inquiète donc tant à New Dehli qu’à Bruxelles.
Entre 2014 et 2015, les exportations indiennes vers l’UE ont en effet chuté de 4,4 %. Les importations d’origines européennes en Inde ont elle aussi diminué de 1,5 % sur la même période. « Avec un taux de croissance estimé à 7,5 % par la Banque mondiale, l’Inde a désormais une économie plus dynamique que celle de la Chine », souligne un proche de ces négociations à la Commission européenne. L’UE n’abandonne donc pas la possibilité d’exporter et d’investir davantage dans ce pays émergent. « Les Européens bénéficient de la technologie dont l’Inde a besoin pour moderniser son économie », indique l’ambassadeur indien auprès de l’UE.
Mais le sommet UE/Inde devra aussi viser à renforcer les liens bilatéraux « au delà de l’agenda commercial », insiste Shada Islam, directrice au sein du think-tank Friends of Europeet spécialiste de l’Inde. Dans une analyse publiée en prévision du sommet et qui s’adresse essentiellement aux dirigeant européens, elle préconise un rapprochement dans une large gamme de domaines où les deux parties « ont des intérêts économiques forts », comme les investissements dans les infrastructures, les énergies renouvelables, l’innovation et les synergies possibles entre le programme ‘Digital India’ et l’agenda européen pour un marché unique du numérique.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles