En cas de vente à l’international de marchandises avec l’Incoterm Ex Works (EXW – Départ usine ou départ entrepôt) *, le vendeur est totalement dépendant de l’acheteur en ce qui concerne les documents à présenter pour l’exonération de la TVA et de taxes parafiscales. Ce qui représente un risque important pour lui.
Le fait générateur de l’exonération de la TVA et d’éventuelles taxes parafiscales au titre d’une opération de vente internationale est la sortie physique des marchandises du territoire communautaire (exportation) ou national (livraison intracommunautaire).
Lorsque l’opération se déroule normalement, le vendeur reçoit en retour les documents requis par les textes :
1/ exemplaire n° 3 de la déclaration d’exportation visée par le bureau de douane de sortie, qui est généralement différent du Bureau d’exportation ou, dans le nouveau système ECS (Export Control System), certification de sortie adressée par informatique au Bureau de douane d’exportation par le Bureau de sortie ;
2/ mention du numéro d’identification TVA du vendeur sur la facture et souscription d’une déclaration d’échange de biens (DEB) pour les livraisons intracommunautaires.
Dans tous les cas où l’opérateur ne sera pas en mesure de lui produire ces documents, l’administration est en droit de revenir sur l’exonération de droits et taxes obtenue dans un délai de trois ans. En pratique, il peut arriver que l’opérateur ait égaré ces documents ou qu’il ne les ait jamais reçus : chauffeur qui oublie de faire tamponner l’exemplaire n° 3 de la déclaration ou préposé du bureau de douane qui omet de le tamponner, problème de connexion informatique qui perd la confirmation de la sortie, erreur dans la transcription du numéro d’identification TVA… Nombre d’opérateurs ont ainsi été tenus d’acquitter a posteriori la TVA et, le cas échéant, les taxes parafiscales, alors que l’exonération obtenue était parfaitement régulière.
Pour pallier ces difficultés récurrentes, les réglementations communautaire et nationale ont prévu le recours à des modes de preuve alternatifs : bon de livraison authentifié par le destinataire, documents de transport, déclaration d’importation dans le pays de destination, notamment.
La caractéristique commune de ces différents documents est que le vendeur ne peut les obtenir que du destinataire final des marchandises ou de l’un ou l’autre des prestataires qui sont intervenus dans la livraison : commissionnaire en douane, ou transporteur. Dans tous les Incoterms qui attribuent au vendeur la maîtrise du transport jusqu’à la sortie du territoire douanier et en tout cas celle des formalités d’exportation, il est assuré d’avoir accès à semblables documents.
En revanche, dans l’Incoterm Ex Works, le vendeur ne connaît rien du sort de la marchandise après son enlèvement dans ses locaux, de sorte qu’il est totalement dépendant de son acheteur :
1/ pour obtenir le retour des documents puisqu’il n’a aucun lien direct avec le transporteur chargé de la sortie physique des marchandises, ni avec le commissionnaire en douane qui souscrira néanmoins des déclarations en son nom qui n’ont de lien contractuel qu’avec l’acheteur ;
2/ a fortiori pour avoir accès a posteriori aux preuves alternatives prévues.
Il peut en conséquence se trouver dans la situation de ne connaître ni le bureau d’exportation, ni le bureau de sortie, ni la date de l’exportation, ni même l’identité du transporteur, ou a fortiori d’éventuelles circonstances venant compliquer le circuit, telle un placement temporaire en entrepôt.
Force est en outre d’observer qu’une part non négligeable des fraudes à la TVA intracommunautaire est réalisée par des acheteurs qui font enlever les marchandises dans les locaux du vendeur.
Pour protectrice qu’elle soit dans les relations avec le vendeur, la conclusion de contrats de vente « Ex Works » représente en conséquence un risque majeur sur le plan fiscal.
Cet Incoterm devrait être systématiquement exclu pour les ventes de produits soumis à accises. Pour les autres produits, il ne doit être utilisé qu’avec des acheteurs connus et sérieux et en s’entourant de toutes les précautions, la simple prise en note du nom du transporteur ou du numéro d’immatriculation du camion étant manifestement insuffisante.
L’évolution du paysage juridique n’apporte aucune amélioration à cette situation :
1/ la révision des Incoterms en 2010 n’a apporté aucune modification à la version 2000 de l’Incoterm « Ex Works » ;
2/ la mise en place d’un système de retour informatisé de la certification de sortie au bureau de douane de déclaration par le bureau de douane de sortie est une fausse sécurité, puisque l’administration n’est pas tenue d’informer l’exportateur d’un éventuel défaut dudit retour.
Mireille Famchon, avocat associé au cabinet Famchon
* Voir aussi : • « Le Guide des Incoterms 2010 », n° spécial du Moci, octobre 2010.
• « Le guide Moci de la logistique et des transports à l’international », Édition 2012, Le Moci n° 1910 du 15 mars 2012, ou sur notre site www.lemoci.com