Les hausses de droits de douane annoncées par Donald Trump, même limitées pendant trois mois pourraient faire entrer la première économie du monde en récession et engager un découplage avec la Chine sur fond de baisse des échanges commerciaux internationaux.
Avis de tempête sur le commerce international. Selon les projections publiées le 16 avril par l’OMC, le volume des échanges internationaux devrait se contracter d’entre 0,2 % et 1,5 % cette année. Une baisse inédite, provoquée par la nouvelle politique commerciale ultra protectionniste des États-Unis. « On se rend compte que la solidité du commerce international et du système monétaire international peut être remise en cause », constate Marcos Carias, économiste en charge de l’Amérique du Nord chez Coface.
Imposer des droits de douane allant jusqu’à 145 % sur des marchandises chinoises (certes avec des exception pour certains produits high Tech comme les ordinateurs, les smartphones et les écrans) ne va pas sans conséquence. Cette mesure équivaut en effet à couper les ponts avec le plus grand atelier du monde.
Or, la Chine, à l’inverse de l’Union européenne, a opté pour la manière forte dans sa riposte en imposant des droits de 125 % aux importation en provenance des États-Unis et en prenant quelques autres mesures telles que recommander aux compagnies aériennes chinoises de renoncer à leurs commandes d’avions Boeing.
Menace sur les chaînes de valeur
L’OMC prévoit d’ailleurs que les livraisons de la Chine aux États-Unis plongeront de 77 % cette année et l’industrie manufacturière américaine risque de manquer d’intrants et de composants, loin d’être toujours substituables.
Dans certains secteurs, produire aux États-Unis sans approvisionnement chinois va s’avérer particulièrement acrobatique. Un iPhone 16 compte ainsi 387 pièces et un avion quelque 3 millions. Les exportations nord-américaines devraient dégringoler, en volume, de 12,6 % cette année et les importations de 9,6 %.
Conséquence : le PIB des États-Unis est appelé à reculer. Nomura a revu ses prévisions à la baisse, passant de 2 % à 1,4 % pour cette année, tandis que la Cnuced table sur une croissance de 1 % seulement (contre – 2,3 % au niveau mondial). « Le risque d’une récession aux États-Unis devient central, estime Marcos Carias. Il n’est pas sûr qu’elle ait lieu mais nous sommes face aux signes d’une forte dégradation de la balance commerciale et d’un net ralentissement de l’économie ».
Possible retour de l’inflation
Si ce découplage, amorcé dès avant le retour de Donald Trump au pouvoir, risque de coûter cher à l’industrie américaine, quid de la Chine ?
Nomura et Coface ont maintenu leur prévision de croissance à 4,5 % pour la Chine cette année. « L’augmentation des droits de douane est gérable par la Chine, explique Junyu Tan, l’économiste responsable de la zone Asie du Nord chez Coface. Les exportations vers les États-Unis ne représentent que 3 % du PIB chinois. De plus, la Chine a l’intention de se tourner vers sa consommation domestique et met actuellement des aides en plus pour stimuler la consommation des ménages. »
Si le spectre d’une récession plane au-dessus de l’économie américaine, l’inflation pourrait également repartir à la hausse. Jerome Powell, le patron de la Fed, a déclaré le 16 avril que « les droits de douane vont très certainement entraîner au moins une hausse temporaire de l’inflation », avec la possibilité que « les effets inflationnistes soient également persistants », rapporte Libération.
Pour l’heure, les hostilités douanières sont suspendues pour 90 jours et il faudrait être devin pour savoir si de nouvelles mesures douanières seront prises par les États-Unis, la Chine et l’Union européenne. Une chose est sûre : les exportateurs devront composer avec un haut niveau d’incertitude très élevé dans les mois à venir.
Sophie Creusillet