De la robotique à la construction navale, les contre-mesures chinoises aux hausses de droits de douane américains sur les importations chinoises produisent leurs premiers effets négatifs sur la production américaine. Donald Trump a annoncé leur probable baisse. En attendant que la situation se clarifie, le bras de fer continue.
Malaise sur la ligne. Mardi 22 avril, lors d’une conférence téléphonique sur les résultats de Tesla, Elon Musk a assuré que les restrictions chinoises sur les exportations de terres rares affectaient la production de ses robots humanoïdes Optimus, certaines d’entre elles étant utilisées dans la fabrication d’aimants miniaturisés. Le dirigeant (et conseiller de Donald Trump) a déclaré que la société travaillait sur le problème avec Pékin et espérait obtenir un feu vert pour accéder à ces minerais.
L’annonce de surtaxes douanières « réciproques » par Donald Trump le 2 avril, a donné lieu à une surenchère de mesures et contre-mesures ayant conduit Washington à augmenter les droits de douane sur les produits chinois de 34 % à 54 %, puis 104 %, 125 % et enfin 145 %.
Risque de pénuries
A l’inverse de l’Union européenne, la Chine a choisi de riposter pied à pied, bien décidée à ne pas courber l’échine : augmentation des droits de douane jusqu’à 125 % sur les marchandises américaines, sanctions contre des entreprises (Boeing) et, le 4 avril, une nouvelle liste de terres rares faisant désormais l’objet de licences d’exportation auprès du ministère du Commerce (samarium, gadolinium, terbium, dysprosium, lutetium, scandium et yttrium).
Les robots d’Elon Musk ne sont pas les seuls à faire les frais de cette guerre commerciale. Par crainte de pénurie (et de l’opinion publique), l’administration Trump a déclaré le 10 avril exclure les ordinateurs, les téléphones portables et d’autres appareils électroniques de la liste des produits frappés de surtaxes à leur entrée aux États-Unis.
Dans le secteur automobile, taxé à 25 % (véhicules et pièces détachées), les entreprises américaines ont déjà tiré la sonnette d’alarme. Le 21 avril, constructeurs, équipementiers et concessionnaires ont adressé une lettre à l’administration Trump l’alertant de conséquences économiques désastreuse sur l’activité de la filière. Ford a d’ores et déjà annoncé qu’elle augmenterait ses prix de vente en juillet, en raison des droits de douane.
Une stratégie américaine contre-productive
Une baisse des importations de puces pourrait par ailleurs ralentir le développement de l’intelligence artificielle, domaine dans lequel les États-Unis souhaitent conserver leur leadership. Les grandes entreprises de semi-conducteurs sont en effet fortement exposées à la Chine. « De plus, ajoute une note d’Allianz-Trade, la politique isolationniste des États-Unis pourrait accélérer les investissements publics dans les semi-conducteurs en Chine, ouvrant la voie à un écosystème innovant et moins coûteux qui pourrait être préféré à celui des États-Unis à l’avenir.
Quel que soit le secteur, les pénuries d’intrants risquent de se multiplier. « Ma prédiction est que d’ici à deux semaines, les arrivées vont chuter de 35 %, car toutes les expéditions depuis la Chine pour les grands distributeurs et producteurs ont cessé », a affirmé, jeudi 24 avril, le directeur du port de Los Angeles, cité parLe Monde.
En raison de la hausse des prix provoquée par ces nouvelles barrières douanières, l’inflation pourrait par ailleurs conduire à une forte baisse de la consommation des ménages américains.
La nouvelle politique commerciale américaine, pourtant censée préserver la production et les emplois sur le sol national, pourrait ainsi, si elle est maintenue, revenir à se tirer une balle dans le pied. En attendant, la Chine répond pied à pied, loin de la stratégie des petits pas de l’Union européenne. Hausse des droits de douane, restrictions sur les exportations, sanctions ciblées contre des entreprises, Pékin ne baisse pas la garde.
Signes de désescalade ?
Mais ériger des barrières tarifaires aussi élevées équivaut à interrompre les flux commerciaux entre ces deux piliers du commerce international. Aussi, après la surenchère à la surtaxe douanière, des signes de désescalade sont récemment apparus. Du moins en parole.
Mercredi 23 mai, Donald Trump a évoqué une possible baisse des droits de douane sur les biens chinois. « Nous allons être très gentils, ils vont être très gentils et nous verrons bien ce qui se passe », a déclaré le président américain estimant que, « au bout du compte, il faudra qu’ils arrivent à un accord, parce que sans ça, ils ne pourront plus commercer avec les États-Unis ». « C’est nous qui fixerons les termes de l’accord et ce sera un accord équitable. Je pense que c’est un processus qui va aller assez vite », a ajouté le président américain.
Le même jour, le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, a déclaré que des droits de douane élevés entre les États-Unis et la Chine n’étaient pas viables.
Pékin a eu beau démentir de manière cinglante l’existence même de négociations entre Pékin et Washington, tout en laissant la porte ouverte au dialogue, des signes d’accalmie pointent également en Chine.
Réorientation des exportations chinoises
Le 25 avril, Pékin a annoncé de futures exemptions de surtaxes douanières sur des biens américains sans donner de détails. Une équipe spéciale du ministère du Commerce a pour tâche de recueillir des listes d’articles susceptibles d’être exemptés et demande aux entreprises de présenter leurs propres demandes, selon une source citée par Reuters.
En attendant que la situation se clarifie, cette guerre commerciale prive la Chine d’un important débouché.
Aussi des initiatives pour recentrer les entreprises locales sur le marché domestique sont en train d’apparaître. Le géant l’e-commerce JD.com a par exemple lancé le 25 avril un fonds de 27,35 milliards de dollars pour aider les exportateurs à se réorienter vers le marché national. Leur production se réorientera également à destination de l’Europe, ce qui ne serait pas sans conséquence sur ses efforts de réindustrialisation. En France, le gouvernement sonne d’ores et déjà le branle-bas de combat contre l’afflux de colis issus des grandes plateformes d’E-Commerce chinoise comme Shein et temu.
La dernière édition des Perspectives de l’économie mondiale du FMI, parue le 16 avril dernier, indique que le découplage des économies chinoise et américaine entraînerait une chute de 81 % des échanges de marchandises entre les deux pays en 2025. Et anticipe une augmentation de 6 % des exportations chinoises vers l’Europe…
Sophie Creusillet