C’est officiel, les États-Unis et la Chine ont signé le 15 janvier à midi heure de Washington, à la Maison Blanche, un accord préliminaire en vue de mettre un terme à la guerre commerciale qu’ils se livrent depuis deux ans. Comme nous l’avions annoncé le 16 décembre, cet accord économique et commercial dit de « phase 1 » a été signé officiellement par le président américain Donald Trump et le vice-Premier ministre chinois Liu He, négociateur pour Pékin.
Il aura donc fallu attendre quatre semaines supplémentaires pour que les deux premières puissances économiques mondiales arrivent à s’entendre sur un accord qui fait davantage office de traité de paix que d’accord économique bilatéral. En sont en effet exclus des sujets stratégiques comme les subventions chinoises ou l’accès des fabricants chinois au marché américain de la 5G. Et il doit être suivi d’une deuxième phase de négociations dont on ne connaît pas encore bien les contours.
Ce qui n’a pas empêché le président américain de qualifier d’« incroyable pour les États-Unis » cet accord lors de la cérémonie, affirmant qu’il va « également conduire à une paix encore plus stable dans le monde ». « La Chine nous aide avec la Corée du Nord. La Chine nous aide avec beaucoup de choses avec lesquelles elle peut nous aider – ce que vous ne voyez pas dans un accord, mais ils ont été très, très utiles en ce qui concerne Kim Jong Un, qui a un grand respect pour le président Xi » a assuré le président américain.
Précédemment annoncé pour fin 2019, cet accord est un texte de 94 pages rendu public par le département du Commerce américain sur son portail web. L’objectif pour les deux parties à l’accord est de cesser l’escalade en matière de droits de douane et, pour les États-Unis, de réduire leur déficit commercial avec la Chine.
Conformément aux informations que nous avions livrées le 16 décembre, cet accord de « phase 1 » couvre deux volets phares : les engagements de Pékin en matière d’achats de produits américains et de respect de la propriété intellectuelle.
200 milliards de dollars d’achats chinois sur deux ans
Concrètement, dans le cadre de cet accord, la Chine de Xi Jinping veillera à ce qu’au cours d’une période de deux ans courant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021, la Chine procèdera à 200 milliards de dollars d’achats supplémentaires de produits manufacturés, agricoles, hydrocarbures et de services américains.
Voici les engagements commerciaux de Pékin, nous renvoyons au texte de l’accord pour le détail par produit :
– La Chine s’engage à acheter et à importer pour « pas moins de 32,9 milliards de dollars » de produits manufacturés au cours de 2020, et pour « pas moins de 44,8 milliards de dollars » en 2021. Soit un total de 77,7 milliards de dollars d’importations supplémentaires chinoises pour l’industrie américaine au cours des deux prochaines années (machines, équipements électriques, produits pharmaceutiques, aéronautique, automobile, instruments optiques et médicaux…).
– Pékin devra également acheter pour un minimum de 12,5 milliards de dollars de produits agricoles en 2020 et 19,5 milliards l’année suivante, soit 32 milliards de dollars d’achats chinois supplémentaires pour l’agriculture américaine.
– Dans l’énergie, l’accord prévoit des achats et importations d’un montant de 18,5 et 33,9 milliards de dollars respectivement en 2020 et 2021.
– Enfin, la Chine s’engage à acheter pour 12,8 milliards de dollars de services cette année et 25,1 milliards l’an prochain.
Des engagements généraux en matière de propriété intellectuelle
L’accord contient « des dispositions révolutionnaires dans un domaine d’une importance cruciale pour les États-Unis : la protection de la propriété intellectuelle », a souligné Donald Trump. La Chine, a-t-il déclaré, « a donc pris des engagements substantiels et exécutoires concernant la protection des idées américaines, des secrets commerciaux, des brevets et des marques ».
Le texte comporte en effet des engagements mutuels généraux en matière de respect de la propriété intellectuelle et de transferts de technologies qui doivent être consentis (et non forcés). La Chine a aussi promis de prendre des mesures fermes pour lutter contre les produits piratés et contrefaits, « ce qui est un gros problème pour de nombreuses personnes dans la salle – la contrefaçon », a commenté le locataire de la Maison Blanche, s’adressant aux nombreux représentants d’entreprises américaines présents lors de la cérémonie.
Dans l’audience, étaient présents des dirigeants d’AIG, Blackstone, Honeywell, Mastercard, Visa, JPMorgan, Citibank, eBay, UPS, Boeing, Fitch, Moody’s, Carlyle, Jeep, Ford, ConocoPhillips, des sociétés opérant dans les secteurs directement intéressés par l’accord, et notamment en matière d’achats chinois.
Les engagements tarifaires américains
En contre partie, les États-Unis s’engagent à réduire à 7,5 % le taux de droits de douane imposés sur 300 milliards de dollars de biens chinois, fixé à 10 %.
En revanche, les droits de douane de 25 % imposés sur 250 milliards de dollars de marchandises chinoises sont maintenus. La négociation concernant ces droits de douane se fera dans la phase 2. D’évidence, Washington veut avoir cette carte en main pour peser dans les futures négociations.
En marge de la signature de la phase 1 de l’accord, le Trésor américain a annoncé le 13 janvier avoir retiré la Chine de la liste des pays manipulant leur devise estimant que Pékin a pris des engagements ayant force exécutoire pour s’abstenir de recourir à la dévaluation de sa monnaie à des fins compétitives.
Dans ce contexte, le Trésor a déterminé que la Chine ne devrait plus être désignée comme un pays « manipulateur de devises », statut qu’il lui avait attribué en août dernier.
Candidat à sa réélection, Donald Trump est en campagne électorale dans la course à la présidentielle 2020. Et la cérémonie de signature de cet accord a pris la tournure d’un meeting électoral. Le président américain a ainsi profité de son allocution pour rappeler qu’en juin 2016, alors en campagne dans l’État de Pennsylvanie, il avait promis « d’utiliser tous les pouvoirs présidentiels légaux pour protéger les Américains contre le commerce déloyal et les pratiques commerciales déloyales ». Et d’ajouter : « Contrairement à ceux qui m’ont précédé, j’ai tenu ma promesse ».
W. Ross : « Cet accord est une victoire historique pour les entreprises américaines »
La signature de la première phase de l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine « est le reflet de l’engagement ferme du président Donald Trump en faveur d’un commerce libre et équitable », a renchéri pour sa part dans un tweet le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross. « Cet accord est une victoire historique pour les entreprises américaines, les fabricants et les travailleurs américains à travers le pays. Promesses faites promesses tenues ».
Selon le texte signé, l’accord entrera en vigueur dans les 30 jours suivant sa signature par les deux parties ou à la date à laquelle les parties auront notifié par écrit l’accomplissement de leurs procédures nationales respectives applicables.
Reste maintenant la phase 2, dont la négociation s’est enclenchée avec la signature de ce premier accord, comme l’a souhaité Donald Trump.
À suivre.
Desk Moci