« On aime bien les choses compliquées », prévient Christophe Besset, directeur général du Groupe BBL, spécialiste de l’organisation de la logistique et des transports à l’international, qui emploie aujourd’hui 650 personnes et a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 195 millions d’euros. Autant dire que ce n’est pas une crise sanitaire, fut elle mondiale, qui arrêtera son expansion internationale.
Ce commissionnaire, qui se présente comme une « manufacture de solutions logistiques », fédère une trentaine de filiales réparties dans 8 pays, chacune opérant sous sa propre marque tandis que BBL prend en charge les fonctions supports. Il possède également en son nom propre une petite flotte d’une centaine de camions. L’entreprise a été désignée par Le Moci, en 2018, Exportateur de services de l’année.
De fait, Kaci Kébaïli, le fondateur et actuel président de cette entreprise basée à Bussy Saint Georges, en Seine et Marne, n’a pas choisi la facilité lorsqu’il décide en 1997 de quitter le logisticien pour lequel il travaille afin de voler de ses propres ailes. Cette même année, il décide de se positionner sur un marché complexe, celui de l’axe Balkans-Bosphore qui donnera son nom au groupe (BBL, pour Balkans Bosphore Logistique). L’idée étant d’aller là où les autres ne vont pas.
Défricher des marchés géographiques où personne ne va
En 1997, deux ans après la fin des guerres de Bosnie et de Croatie et un an avant que ne commence celle du Kossovo, cette zone était un terrain vierge de tout logisticien. Une démarche payante pour l’homme d’affaires, auquel sont souvent attribuées des origines turques alors qu’il est né d’une mère normande et d’un père kabyle. Cela ne l’empêche pas, en 2001, d’ouvrir une agence à Istanbul.
Jusqu’en 2005, la croissance de l’entreprise est exclusivement organique. BBL étend son réseau en Europe occidentale, mais aussi en Europe de l’Est (Pologne, Roumanie, Russie, Kazakhstan…) autant de marchés considérés comme compliqués par les transporteurs. Changement de braquet en 2005 avec la première étape d’une stratégie de croissance externe et le rachat du lyonnais All Transports qui ouvre à BBL les portes de l’Europe du Sud grâce à une présence dans 30 pays européens, du Portugal à la Turquie et de l’Estonie à la Turquie.
Aujourd’hui, le commissionnaire en douanes veut encore procéder à des acquisitions, à l’international cette fois, grâce à une levée de 15 millions d’euros auprès de Geneo Capital Entrepreneur, société d’accompagnement et d’investissement qui appuie ETI et PME dans leurs projets de capital développement et de transmission. Où ? « En Europe au sens large », répond Christophe Besset, directeur général du groupe. « Et peut-être un jour en Chine et aux Etats-Unis ! »
Parallèlement, cette entreprise qui vient du transport routier développe ses activités d’entreposage (120 000 m² en France à ce jour), mais aussi de fret maritime et aérien. Une activité renforcée par l’acquisition, en 2019, de Galax, spécialiste du freight forwarding aérien et maritime, et de SAT qui vient renforcer sa présence dans la zone franco-suisse (notamment dans le secteur du luxe) et ses compétences dans les métiers de la douane.
La relation humaine et la confiance, piliers de la relation client
BBL est agréé OEA (opérateur économique agréé) depuis plus de dix ans. « Nous nous sommes très tôt saisis des problématiques douanières, avance Christophe Besset. 60 personnes, soit 10 % des effectifs, sont des déclarants en douane expérimentés ».
Sur certains marchés « exotiques », cette spécificité pèse favorablement dans la relation commerciale avec les clients : « Ils font appel à nous uniquement pour l’aspect douanier et de fil en aiguille, lorsqu’ils sont en confiance, nous confient le transport ».
C’est ce sentiment de confiance qui a conduit les clients de la fin des années 1990 présents sur l’axe Balkans-Bosphore à poursuivre la collaboration avec BBL pour des transports dans les Pays de l’Est. Pour Christophe Besset, « être capable d’organiser des opérations complexes dans des zones réputées difficiles nous a rendu très crédibles, ça et le fait que nos agences sont de petites structures, de la taille d’une PME ou d’une ETI, ce qui les rend plus proches du client ».
Une ETI polyglotte
Autre particularité de cette fédération de PME la distinguant des grands groupes de logistique intégrés : une politique de ressources humaines qui fait la part belle à la maîtrise de langues dites rares (turc, albanais, lituanien…). « Lorsque vous avez un camion retenu à la frontière entre la Russie et la Biélorussie après un contrôle, la situation se débloque beaucoup plus rapidement si vous avez quelqu’un dans l’équipe qui parle la langue », justifie le directeur général.
Qu’il s’agisse d’un document manquant ou d’une crise de zèle administratif, un coup de téléphone dans un anglais approximatif risque de tomber à plat. Au total, une trentaine de langues sont parlées chez BBL.
Des compétences linguistiques que l’entreprise trouve auprès de diplômés de l’Inalco (l’Institut national des langues et civilisations orientales, anciennement les « Langues’O »), de binationaux, de Français d’origine étrangère ou d’étrangers installés en France. En dehors de l’aspect pratique, « ce côté très international, nous a aidé à constituer un réseau d’affréteurs sur les marchés étrangers », témoigne Christophe Besset.
Quant à la crise qui bouleverse actuellement le commerce international et le monde du transport, elle ne devrait pas perturber la croissance du chiffre d’affaires de Groupe BBL qui table sur 200 millions pour l’année 2020, certes en grande partie grâce aux acquisitions réalisées en 2019. Reste que la diversification des marchés géographiques et sectoriels (du transport d’œuvres d’art aux pièces industrielles hors gabarit en passant par le déménagement de sites industriels et bientôt le transport de produits pharmaceutiques) constitue une stratégie payante.
Sophie Creusillet