A l’heure du « credit crunch », les pétrodollars font rêver. Et les pays du Golfe constituent une zone de prospection et d’investissements privilégiée pour les entreprises françaises. Certaines, et pas seulement les grands groupes cotés au CAC 40, montrent la voie. Panorama de la « French touch » dans le Golfe en dix secteurs.
7,8 milliards d’euros. C’est le montant des exportations françaises dans le Golfe en 2007. Ce n’est pas négligeable, mais encore loin du potentiel que la région recèle. Sachant que les livraisons d’Airbus tirent la tendance, tout comme les grands contrats. La crise financière actuelle, qui entraîne un ralentissement de la demande un peu partout dans le monde, rend les pays du Golfe d’autant plus intéressants que les cours du pétrole et du gaz restent élevés, que leurs investissements sont en forte augmentation et que leur pouvoir d’achat est proche des standards occidentaux : l’Arabie Saoudite et Oman affichent un PIB par habitant supérieur à 15 000 dollars, les Émirats Arabes Unis (EAU) sont proches de 45 000 dollars, le Koweït de 40 000 et le Qatar dépasse 81 000 dollars (France : 42 000 dollars). Leur population est réduite – de 25 millions pour l’Arabie Saoudite à moins de 4 millions pour le Koweït ou le Qatar – mais les opportunités sont nombreuses pour les produits de niche et les offres à forte valeur ajoutée.
La zone du Conseil de coopération du Golfe a une certaine unité par le fait qu’elle regroupe six pétromonarchies arabes : l’Arabie Saoudite, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, les Émirats Arabes Unis, et Oman. Les ressortissants de ces pays peuvent d’ailleurs librement investir dans un autre pays et bénéficier de droits de douane réduits. L’avantage pour les produits étrangers est que les modes de consommation sont assez identiques d’un pays à l’autre, du moins pour la population locale. Cependant, chaque pays a ses particularités et ces marchés ne sont pas d’un abord facile. Quelques conseils ne sont pas superflus.
> Conseil n° 1
Choisir son pays d´entrée
S’il ne s’agit que de vendre, une implantation dans le Émirats Arabes Unis se justifie. En s’établissant dans une des très nombreuses zones franches des émirats du Nord, on peut desservir, via des agents, les clients du Moyen-Orient, voire d’Iran et des pays du sous-continent indien. En revanche, l’implantation d’une filiale sur place implique de faire un choix : soit en zone franche soit, de plus en plus souvent, directement dans un des pays. Sachant dans ce cas qu’il faut une structure dans chaque pays, ne serait-ce que parce que le « sponsor » (partenaire obligatoire) est local et qu’il doit être ressortissant du pays où la filiale est implantée. La suppression prochaine du « sponsor » est souvent annoncée, aux Émirats, en Arabie ou à Oman, mais il demeure obligatoire pour le moment. Par ailleurs, il est impossible de traiter le vaste marché saoudien depuis Dubaï, sauf s’il s’agit de vendre. Un relais local est indispensable, que ce soit un agent ou un partenaire.
> Conseil n° 2
Se méfier des apparences
Les EAU représentent presque la moitié des ventes françaises dans le Golfe. Mais pour une raison sectorielle : les énormes livraisons aéronautiques depuis Toulouse, à la fois à Émirats et à Etihad. On peut penser que cette part va s’accroître dans les années à venir, avant de décliner après 2020, ramenant le marché émirien à celui d’un pays de 12 millions d’habitants, dont seulement 10 % à fort pouvoir d’achat.
Dubaï, de son côté, sera toujours un point d’accès au marché iranien, confortant son rôle de plaque tournante régionale. Bien que, dans l’immédiat, inflation à deux chiffres, envolée du cours des matières premières, renchérissement des importations dont dépend totalement la ville, risque d’éclatement de la bulle immobilière, ralentissement de l’arrivée de touristes sont autant de menaces sur la prospérité de la ville-émirat. Selon l’IATA, les compagnies aériennes du Moyen-Orient ont vu leur trafic passagers ne s’accroître que de 4,3% en août dernier, contre 5,3% en juillet et 10,6 % durant les six premiers mois de l’année.
> Conseil n° 3
Ne pas oublier l´Arabie Saoudite
Quelle que soit la santé économique des EAU, le grand marché d’avenir régional est l’Arabie Saoudite. Les chiffres de la démographie parlent d’eux-mêmes. Actuellement, le pays compte environ 25 millions d’habitants, dont 18 millions de Saoudiens. Mais 40 % d’entre eux ont moins de 15 ans et 73 % moins de 29 ans. Car le pays possède un taux de croissance démographique rare sur la planète : 3,27 %. Le pays devrait atteindre 32,7 millions d’habitants en 2015 et 48 millions en 2025.
Contrairement à une idée reçue, tous les Saoudiens ne sont pas riches. Cependant, ne payant aucun impôt ou taxe, et bénéficiant de prix subventionnés pour l’eau, l’électricité et l’essence, avec des systèmes de santé et d’éducation gratuits, leur niveau de vie est supérieur à celui de bien des Occidentaux. Dans un pays où les distractions sont rares, ce sont des consommateurs compulsifs quand ils en ont les moyens.
> Conseil n° 4
S´intéresser aux 10 secteurs où le savoir-faire français apporte un plus
Le Moci, pour cette enquête, a sélectionné une dizaine de secteurs où le savoir-faire français fait ses preuves : luxe, franchise, grande distribution, parapétrolier, bâtiment et travaux publics, infrastructures de transport, eau, transports urbains, services et aéronautique. Ils sont en plein boum.
Le luxe, la franchise (surtout dans l’habillement et la restauration rapide) et la grande distribution surfent actuellement sur l’appétit de ces marchés à fort pouvoir d’achat. Dubaï continue à s’affirmer comme une plateforme incontournable de vente des produits de luxe made in France vers le monde entier. Les Français percent dans la distribution en nouant des partenariats locaux, à l’instar de Carrefour, Casino et Auchan dans la grande distribution.
Par ailleurs, les Français occupent les premières places dans le parapétrolier. En outre, alors que la région se couvre de plus en plus de béton, les entreprises de l’Hexagone peuvent se placer dans les grands projets d’infrastructures de transport, à condition de posséder les savoir-faire adaptés aux besoins locaux.
Les services ont également pris leur envol, que ce soit pour JC Decaux, désormais actif dans toute la région, la société de matériels de stockage informatique LaCie, ou encore Oberthur Technologies qui a créé une coentreprise à Dubaï. Enfin, l’aéronautique, dans le sillon des grands contrats d’Airbus et de Boeing, devient incontournable. Et Dubaï et Abou Dhabi affichent de grandes ambitions dans le domaine de la maintenance et de la sous-traitance.
Au final, comme le dit un expatrié de longue date dans la région : « Si un concept a déjà fait ses preuves, notamment à l’étranger, il n’y a pas de raison qu’il ne fonctionne pas ici. »
Jean-François Tournoud