C’est en 1895 à Munster, petit village de Moselle, que sont créés les Établissements Geyer Frères. Pour réaliser sa limonade, Victor Geyer choisit d’utiliser les produits du terroir : de l’eau des Vosges, du sucre de betterave d’un village voisin, du citron de Grasse et du gaz extrait des forêts de pins alentour. À cette époque, chaque artisan limonadier a sa propre recette, tenue secrète évidemment.
De boisson de labeur pour rafraîchir ceux qui travaillent aux champs, la limonade devient aussi boisson de fête dans les années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale et les bouteilles de limonade trônent sur toutes les tables. En 1946, la limonade de Maître Victor change de nom et prend celui de Lorina, un steamer anglais qui avait sauvé des milliers de soldats. La limonade Lorina circule en France dans les bagages des libérateurs du pays et, dans les années 60, elle devient même une des boissons des stars du show-business en villégiature sur la Riviera. Dans le même temps, la limonade traditionnelle se diversifie et incorpore des fruits pour varier ses recettes, toujours au naturel…
En 1996, Jean-Pierre Barjon, alors directeur général d’une filiale de GEC-Alsthom, décide de reprendre l’entreprise qui compte alors deux salariés, produit 500 000 bouteilles et réalise quelque 150 000 euros de chiffre d’affaires. Très vite, une chaîne d’amitié et d’expertise se noue tant au niveau artistique, marketing, financier que commercial. Tous sont quasiment bénévoles et travaillent au développement de la société sur leur temps libre. Ils définissent une véritable stratégie de marque, plaçant Lorina en France dans le mass-market, comme le produit de la rétro-innovation, rappelant à beaucoup les fêtes d’un temps passé, et à l’étranger comme une véritable icône d’un art de vivre à la française, dans une approche gourmet…
En 1997, Geyer Frères présente Lorina au Salon mondial des produits gourmets à New York et obtient l’Oscar du meilleur soda… En France comme aux États-Unis, Jean-Pierre Barjon, désormais à temps plein sur l’entreprise, et son équipe démarchent les distributeurs, cherchent à étendre leur visibilité. Les bouteilles, les étiquettes, les recettes, le message… rien n’est laissé au hasard. Geyer Frères compte cinq personnes pour l’aspect commercial, dont une dédiée à l’export. Aux États-Unis, Lorina profite des services d’un distributeur qui place ses bouteilles dans quelque 2 000 magasins.
Entre 1998 et 1999, Lorina est présente dans 60 % de la distribution sur le territoire national et dans une dizaine de pays : États-Unis, Grande-Bretagne, Espagne, Japon… L’international représente, comme aujourd’hui, la moitié de l’activité. En 2000, une filiale est créée aux États-Unis pour être plus proche des distributeurs. Le film américain de Robert Luketic, La Revanche d’une blonde (2001), dans lequel l’héroïne incarnée par Elle Woods boit de la Pink Limonade Lorina, fait décoller la marque outre-atlantique et la bouteille rose y reste la meilleure vente.
Aujourd’hui, Lorina est référencée par 8 des 10 plus gros distributeurs mondiaux et plus de 30 millions de bouteilles sont produites annuellement, toujours à Munster, dont la moitié est convoyée vers une quarantaine de pays, tous désireux de partager cette French experience…
Nathalie Bloch-Sitbon