Crise économique oblige, quand on évoque la francophonie, on parle plus aujourd’hui d’économie et de promotion des start-ups du numérique que de culture. Tel a été le cas le 7 octobre au soir, à Paris, lors de la conférence sur « le numérique, une opportunité pour diffuser la francophonie dans le monde ? » organisée à l’occasion de la première session de l’Assemblée des Français à l’étranger.
« Le plus notable, est que ce n’est pas la culture mais c’est l’économie qui a dominé les débats, l’offre de formation en français, la diffusion de la francophonie et l’influence qu’elle peut exercer dans la vente de nos produits », confirme à la Lettre confidentielle un opérateur économique, qui assistait à cette conférence.
Certains étaient venus pour entendre Jacques Attali, dont la mission qu’il dirigeait sur la francophonie a remis un rapport au président Hollande le 26 août dernier*; d’autres étaient venus pour écouter Axelle Lemaire et Annick Girardin, secrétaires d’Etat en charge la première du Numérique (à Bercy) et la seconde du Développement et de la francophonie (au Quai d’Orsay) dans le gouvernement de Manuel Valls. Si les deux secrétaires d’État étaient bien présentes, en revanche, l’ancien conseiller de François Mitterrand était absent, remplacé par les deux rapporteurs qui l’accompagnaient dans la mission sur la francophonie, l’inspectrice des Finances Adrienne Brotons et l’auditrice au conseil d’État Angélique Delorme.
Si certains participants sollicités par la LC qualifient cette conférence « d’intéressante », d’autres, en revanche, ne cachent pas leur déception.
Parmi les déçus, cet ancien formateur en Afrique, qui estime avoir assisté « à de simples monologues de la part de responsables qui ne veulent pas regarder ce que fait la concurrence et qui s’agitent alors qu’il n’y a pas d’argent placé dans le numérique et peu d’action efficace ». « Les entreprises, nos startups, nos pépites, se sentent-elles soutenues ? Pas vraiment », affirme-t-il.
Et de citer l’intervention pendant la conférence d’un éditeur de formations en ligne pour les enfants, expliquant que faute de pouvoir lever des fonds, il avait pris du retard sur ses concurrents américains, alors qu’au départ il bénéficiait d’une avance technologique. Selon notre interlocuteur, « les sociétés numériques françaises sont sous-capitalisées ». Quand lui dispose de 7 millions d’euros, ses concurrents des États-Unis présentent une capitalisation supérieure à 100 millions de dollars.
De Stromae aux formations en ligne (MOOC)
Parmi les « optimistes », figurent les participants qui ont entendu les messages « positifs » d’Olivier Nusse, directeur de Mercury, filiale d’Universal qui produit le chanteur belgo-rwandais Stromae, de Clara Danon, directrice de la Mission numérique pour l’enseignement supérieur (Mines), et d’Hélène Farnaud-Defromont, directrice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Également à la tête du bureau Export French Music, Oliver Nusse a dévoilé que son organisation projetait d’implanter une antenne en Afrique. « C’est le seul continent où nous ne sommes pas établis. Or, c’est un formidable marché pour la musique française, quand on voit le retentissement dans ce continent de nos chanteurs grâce aux réseaux sociaux ».
Pour sa part, Clara Danon a évoqué la plateforme de cours en ligne (MOOC) France Université Numérique (Fun), lancée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche le 2 octobre dernier. Selon la directrice de la Mines, Fun propose aujourd’hui « des formations ouvertes et gratuites en français » et « des milliers de personnes s’y inscrivent ».
Enfin, s’agissant de l’AEFE, sa directrice a mis en avant les bonnes pratiques des lycées français à l’étranger en matière numérique. Hélène Farnaud-Defromont a ainsi confié que 80 % des copies des élèves au Bac « sont corrigées par la voie électronique », l’objectif « étant aujourd’hui d’arriver à 100 % ».
Récemment, en raison de la fièvre Ebola présente au Nigeria, ce pays anglophone avait décidé de retarder la rentrée scolaire. Le lycée français a alors mis en place une plateforme numérique pour permettre aux élèves de commencer à travailler à domicile. Un dispositif comparable avait déjà été établi au Mali, durant le conflit qui a déchiré cet État francophone.
Enfin, Annick Girardin a rappelé que la France avait lancé cette année le programme «100 000 professeurs pour l’Afrique » de formation à distance et de mise en réseau des enseignants. Deux dispositifs novateurs développés doivent, par ailleurs, être présentés à Dakar à l’occasion du XVe Sommet de la Francophonie, les 29 et 30 novembre : une banque de donnée numérique pour la formation au français professionnel et le réseau social des professeurs de français « IF-Profs ».
François Pargny
*Relire : Francophonie : la mission Attali propose une union économique