Deux mois après l’accord historique conclu entre les Occidentaux et l’Iran sur le nucléaire (14 juillet), Medef International prépare du 21 au 23 septembre une mission comprenant 130 entreprises françaises en Iran.
« Ce voyage de prospection, le plus important pour l’Europe jusqu’à présent », selon son vice-président, Yves Thibault de Silguy (notre photo), qui conduira la délégation, viendra ainsi après la visite de Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères et du développement international, le 29 juillet dernier, et un premier voyage réalisé par l’organisation patronale en février 2014, qui « avait permis une prise de contact, d’amorcer une série de visites à Paris (ministres de l’Agriculture, des Transports, etc.) et une prise de conscience » du potentiel d’un grand pays de 80 millions d’habitants qui doit se reconstruire, a précisé le dirigeant de Medef International, également vice-président et administrateur référent de Vinci, lors d’un point de presse au siège du Medef, le 10 septembre.
Une levée des sanctions « progressive et conditionnelle »
La future mission, à laquelle participeront également le ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Stéphane Le Foll, et le secrétaire d’État au Commerce extérieur, à la Promotion du tourisme et aux Français de l’étranger, Matthias Fekl, « doit servir à préparer l’avenir, tout en restant prudent », a répété à plusieurs reprises Yves Thibault de Silguy, rappelant, que « la levée des sanctions économiques à l’encontre de Téhéran sera progressive et conditionnelle ».
De façon concrète, il faut encore que l’accord du 14 juillet soit définitivement adopté à Washington comme à Téhéran. « Cà va se faire », a lâché le vice-président de Medef International. D’ici la fin de l’année, les Iraniens devront aussi mettre en place un certain nombres de mesures et, de son côté, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) remettra un rapport sur le respect des engagements par Téhéran. Ce n’est pas qu’à partir de ce moment, si le rapport est positif, que le processus de démantèlement des sanctions pourra être lancé, la levée définitive demandant au moins six mois.
Au premier semestre 2016, « on saura peut-être mieux dans quelles conditions Coface peut couvrir, la Berd, la BEI ou l’AFD veulent être présents », ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, alors même que « le secteur bancaire iranien est à reconstruire », a insisté Yves Thibault de Silguy. Autre motif d’incertitude, de quels moyens financiers disposent Téhéran, alors que les prix du pétrole brut ont chuté.
« Les Allemands, les Italiens, les Autrichiens ne sont pas mieux placés »
Faute de statistiques fiables, le montant des avoirs iraniens gelés à l’étranger reste à déterminer et, surtout, à ce stade aucun projet n’est sur la table. Certes, le gouvernement a présenté quelques grandes lignes : acquisition de 400 aéronefs, construction de 4 000 kilomètres de voies ferrées, réalisation d’un TGV, modernisation des aéroports, etc. Mais rien de précis, ce qui fait dire au vice-président de Medef International que « tout le monde est sur la même ligne et qu’il ne faut pas surestimer la concurrence.
Les Allemands, les Italiens, les Autrichiens, confrontés aux mêmes incertitudes que nous, ne sont pas mieux placés » et « pas mieux lotis, car les Iraniens sont intelligents, et ce qui les intéresse, c’est la concurrence», a-t-il affirmé. Toutefois, « il est grand temps, a-t-il reconnu, de faire notre retour, de repartir à la conquête » au regard du recul de la France en Iran (part de marché tombé de 7 à 1 % et échanges commerciaux, soit de 4 milliards à 500 millions de dollars entre 2004 et 2013). Ce qui est certain, selon lui, c’est que « les besoins industriels sont considérables » et que « la concurrence sera essentiellement européenne ». D’ailleurs, a-t-il ajouté, « on ne voit pas de rush américain ».
Faute de statistiques fiables également en matière de production d’hydrocarbures, il faut se contenter de constater. « Les installations sont endommagées et, pour toutes les infrastructures, les Français pour remporter les appels d’offres devront se rassembler dans des consortiums avec les groupes et les PME », a souligné le vice-président de Medef International, qui a alerté aussi sur deux autres aspects : d’abord, le contenu local –« il sera fort, car il y a un chômage élevé et un savoir-faire d’ingénieurs en Iran à utiliser » et la compétitivité prix – « c’est souvent notre difficulté, il ne faut pas vouloir proposer une Rolls alors qu’on vous demande une 2 Chevaux ».
Enfin, dernière incertitude : quel sera le résultat des élections législatives en février 2016 ? Est-ce que le camp réformateur du président Hassan Rohani, invité à se rendre en France en novembre 2015, en sortira conforté ? Ou, à l’inverse, le courant conservateur l’emportera-t-il ? Du résultat dépendra peut-être l’évolution du régime : soit vers un modèle à la chinoise, contrôlant totalement la sphère politique et économique -à ce jour, le secteur privé ne représente que 15 % du tissu économique-, soit, au contraire, l’Iran s’orientera vers une normalisation politique et économique et vers un rapprochement avec l’Occident. Sur les principaux motifs d’incertitude, on devrait ainsi être fixé au terme du premier semestre 2016.
François Pargny