Le marché iranien est à conquérir, mais il ne faut pas sous-estimer les difficultés et les incertitudes, au moins jusqu’à la levée complète des sanctions liées au dossier nucléaire, prévue par l’accord du 14 juillet conclu entre l’Iran et l’Occident (lire à ce propos l’article du Moci du 10 septembre). C’est en substance ce qu’a expliqué Yves Thibault de Silguy, en présentant, le 10 septembre, la mission de Medef International qu’il conduira du 21 au 23 septembre en Iran. La délégation forte de 130 entreprises -des groupes et des PME-, comprendra aussi le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et son collègue du gouvernement, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur Matthias Fekl.
Le vice-président de Medef International et du groupe Vinci a insisté sur le fait que l’opération menée « est très lourde au niveau logistique » et que « certaines entreprises n’avaient pu être acceptées ». Tout en refusant de divulguer la liste des partants, il a accepté de citer toute une série de secteurs représentés : transport, automobile, « tout ce qui est lié à l’urbanisation et la mobilité, car les villes croissent beaucoup et ont besoin de liaisons », ingénierie, énergie-hydrocarbures, santé-pharmacie-cosmétiques, télécommunications-sécurité, agriculture-agroalimentaire, distribution-grande distribution, « ces derniers secteurs pouvant démarrer vite en fonction des besoins de consommation de la population ». De façon générale, « les domaines liés à l’humanitaire, comme l’agroalimentaire et la santé, sont moins touchés par les sanctions que d’autres », a-t-il rappelé.
Graine de Pastel et Altereo, deux PME déjà actives
C’est ainsi que la société Graine de Pastel est entrée sur le marché des cosmétiques en juin. « Notre directeur Export, ancien chef de la zone Moyen-Orient pour un groupe pendant dix ans, avait identifié les trois distributeurs capables de développer la marque. Nous en avons choisi un, qui travaille déjà pour Guerlain et est bien implanté dans la zone », a relaté Carole Garcia (notre photo), cofondatrice en 2003 et présidente de cette société de cosmétiques avec des propriétés médicinales, réalisés à partir de plantes cultivées dans un champ de la région toulousaine. Graine de Pastel, qui a connu une croissance globale de ses ventes de 70 % en 2014, envisage de porter son taux d’export à 50 % en 2018. Pour Carole Garcia, l’Iran est une opportunité, car « il s’agit du septième pays au monde pour la consommation de cosmétiques », un pays où « les 38 millions de femmes soignent leur beauté, passant plus d’une heure par jour devant leur miroir ».
La PME toulousaine profitera de la mission de Medef International pour approfondir sa connaissance du marché. Tout comme Altereo, un spécialiste des réseaux d’eau potable et d’assainissement et, plus particulièrement, des études et des systèmes de cartographie. L’entreprise, dont un responsable est iranien, « a déjà identifié des partenaires », a indiqué le président de cette société de 150 salariés à Venelles (Aix-en-Provence), Christian Laplaud, également à la tête du Comité stratégique des éco-industries, créé en juillet 2008 par les ministres en charge du développement durable et de l’industrie, et vice-président du pôle de compétitivité à vocation mondiale Eau.
Une mission autrichienne, une concurrence allemande, turque…
De façon concrète, la délégation de Medef International s’envolera vers Téhéran le dimanche 20 septembre à 9 heures. Arrivée prévue en début d’après-midi. L’ambassadeur de France, Bruno Foucher, doit recevoir la délégation le soir même. Lundi 21 septembre, plusieurs opérations vont se succéder : d’abord, une réunion d’informations avec la communauté française sur place (conseillers du commerce extérieur de la France/CCEF, Service économique, etc.), ensuite, un forum d’affaires franco-iranien et, enfin, une série de rendez-vous avec les autorités iraniennes, dont des ministres.
A compter de lundi soir et toute la journée du 22 septembre, la délégation sera scindée, les entreprises de filière agroalimentaire suivant Stéphane Le Foll, les autres Matthias Fekl. Le mercredi 23 septembre, la délégation se rendra à Mashrad, deuxième ville d’Iran et hub régional. Les autorités iraniennes envisagent, d’ailleurs, la construction d’une ligne à grande vitesse entre Téhéran et cette ville sainte du chiisme.
La délégation française pourrait pendant son déplacement croiser une mission autrichienne. « Hormis les Allemands, les Autrichiens sont très présents, les Turcs très actifs, les Espagnols en veulent à l’export », confie au Moci un responsable d’entreprise, qui assistait à une réunion de préparation de la mission de Medef International, le . De cette réunion, qui se tenait à huis clos, ce dirigeant a retenu le fait que « les Chinois ne peuvent être concurrentiels que sur les produits à bas coût », que « les Britanniques ne sont pas bien placés, malgré l’ouverture d’une ambassade du Royaume-Uni à Téhéran » et que les Américains ne sont pas à craindre, « sauf dans les biens de consommation et de consommation courante ».
L’Administration Obama l’emporte sur le nucléaire
Bon signal pour la suite : le 10 septembre, à Washington, le Sénat, malgré la pression des Républicains, n’est pas parvenu à barrer la route à l’Administration Obama, partie prenante à l’accord du 14 juillet sur le nucléaire conclu entre l’Iran et l’Occident. Pour autant, « il n’y aura pas d’ambassade en Iran, car le souvenir de 1979, pendant laquelle les diplomates de l’ambassade à l’époque ont été maintenus prisonniers 444 jours, reste très présent », soulignait récemment Bruno Foucher. Donc, la relation entre Téhéran et Washington va demeurer difficile et, dans le secteur industriel, les patrons français craignent donc moins leurs concurrents américains.
En revanche, les participants à la réunion de Paris rapportaient l’inquiétude qui gagnait l’Administration iranienne. Elle est « peu habituée à gérer un tel flux de sollicitations », rapportait l’interlocuteur du Moci, et elle « n’a plus toute la capacité pour effectuer des choix pertinents et méthodiques entre les différents opérateurs industriels qui se proposent ». De quoi inciter les entreprises françaises à la prudence, et à soigner leurs approches argumentaires….
François Pargny
*France/Iran : en attendant la levée des sanctions, les entreprises françaises préparent leur retour