L’influence française à Bruxelles est en perte de vitesse. Le constat n’est pas nouveau, le plus inquiétant tient surtout à l’absence d’améliorations notables ces dernières années. Dans un nouveau rapport parlementaire consacré à la question et présenté la semaine passée à Paris, deux députés – le socialiste Christophe Caresche et Pierre Lequiller, membre des Républicains, spécialiste des questions européennes – sont revenus sur les principales causes à l’origine de ce recul.
Premier facteur : les vagues successives d’élargissement à l’est qui ont contribué à éloigner la France du centre de gravité de l’Europe. Les difficultés pour moderniser son économie et respecter ses engagements budgétaires ont aussi diminué la crédibilité du pays à Bruxelles. La faiblesse française au Parlement européen est la troisième cause identifiée par les auteurs du texte. Alors qu’une légère amélioration avait été constatée sous la précédente législature, l’arrivée massive de députés du FN en 2014 a mécaniquement réduit le nombre de Français au sein des grands groupes (PPE et S&D) où les compromis sont trouvés et les décisions actées. Enfin, faute de « lisibilité de la vision que porte la France pour l’Europe de demain », son influence s’est graduellement érodée.
Résultats : la part des textes rédigés en français, à la Commission européenne, n’a cessé de diminuer, passant de 16,5 % en 2005 à 5 % aujourd’hui. Aucun Français non plus pour occuper les postes les plus influents au sein des grandes instances communautaires. Christophe Caresche et Pierre Lequiller s’inquiètent aussi du départ programmé à la retraite, d’ici 2020, de 400 à 500 Français fonctionnaires à la Commission. « Un vivier à renouveler au travers de mesures concrètes », pour améliorer notamment les résultats aux concours européens « très décevants pour la France ».
Des remèdes pour renverser progressivement la tendance
Les deux auteurs préconisent une série de remèdes pour renverser progressivement la tendance. Sans envisager la création de nouveaux instruments, ils proposent un meilleur usage de ceux existant.
La Représentation permanente de la France auprès de l’UE, par exemple, jouit d’une excellente réputation dans les milieux diplomatiques à Bruxelles. Mais elle reste trop fermée aux représentants des industries et aux acteurs de la société civile. « Je n’y ai quasiment jamais été reçu », déplorait Henri Malosse, alors qu’il était président du Comité économique et social européen. Dans l’univers des lobbyistes, les Français ont aussi des cartes à jouer. Malgré des améliorations récentes, ils doivent continuer à accroître leur influence dans un univers largement dominé par la langue anglaise et la culture anglo-saxonne.
D’autres changement devront aussi venir de Paris. Ne plus proposer deux candidats français pour le même poste; rattacher le secrétaire d’État aux Affaires européennes – trop souvent marginalisé- aux services du Premier ministre et non à ceux du Quai d’Orsay ; créer un Conseil stratégique sur l’Europe autour du président, du Premier ministre, des ministres des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances et des Affaires européennes, pour définir des orientations européennes à moyen terme.
Se gardant de tout défaitisme, les deux députés espèrent voir leurs proposition se concrétiser et surtout, s’inscrire dans la durée, seule façon de rendre à la France l’influence dont elle a longtemps bénéficié en Europe. Ils suggèrent donc de remettre le dossier sur la table tous les six mois pour faire le point sur l’évolution de la situation.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
–Union européenne : nouveau recul de l’influence française à Bruxelles