Lors de sa visite d’État de deux jours en Tunisie, les 31 janvier et 1er février, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté de relancer la coopération franco-tunisienne dans des domaines jugés prioritaires pour la relance de l’économie tunisienne à savoir l’entreprenariat, la sécurité (lutte contre le terrorisme), l’enseignement supérieur et la recherche, et la francophonie. Le volet économique de cette visite a été conséquent, axé sur la volonté de stimuler les partenariats et les investissements des entreprises françaises dans le pays.
À son arrivée, Emmanuel Macron a été reçu au palais présidentiel de Carthage par son homologue, le président Béji Caïd Essebsi (notre photo), qu’il avait reçu à Paris le 11 décembre, à la veille du Sommet pour le climat « One Planet Summit ». Le chef d’État français était attendu, le lendemain, au Palais des congrès de Tunis pour participer au premier Forum économique franco-tunisien sur le thème « Réussir ensemble aujourd’hui et demain », programmé à l’occasion de sa visite et coorganisé par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) et le comité Tunisie des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).
Un plan d’aide d’urgence de 50 millions d’euros
En clôture de ce forum, le président français a redit la volonté de la France d’aider la Tunisie à « construire » son « cadre macroéconomique », en vue de rassurer les investisseurs. Car sept ans après sa révolution, le pays, qui s’est engagé dans un processus de réformes structurelles et économiques profond dans un contexte politique et socio-économique difficile, n’a d’autre choix que de tenir bon le cap qu’il s’est fixé.
La croissance du PIB tunisien devrait s’améliorer progressivement, passant de 2,3 % en 2017 à 3 % en 2018, d’après les projections du Fonds monétaire international (FMI), mais les défis subsistent. Le pays continue d’afficher un taux de chômage élevé, principalement chez les jeunes diplômés. D’après les données mensuelles (janvier 2018) de la société d’assurance-crédit belge Credendo, le taux de chômage demeure stable à 12,5 %, après le pic de 18,3 % atteint en 2011.
Emmanuel Macron a annoncé « un plan d’urgence » de 50 millions d’euros pour accélérer les projets entrepreneuriaux et permettre notamment aux jeunes Tunisiens de porter leurs projets et d’avoir un accès au marché.
La part de marché de la France en Tunisie recule
La France, de son côté, doit prendre garde à ne pas négliger ses relations économiques. La Tunisie est le 29ème client de la France à l’export. En 2016, les exportations françaises vers cette destination ont atteint les 3,2 milliards d’euros, en recul de -9,84 % par rapport à 2015 (données IHS Markit-Global Trade Atlas). « La France, ces dernières années, a observé un recul de ses parts de marché », a regretté Emmanuel Macron. « Et, a-t-il dit, nous avons perdu notre place de premier fournisseur au profit de l’Italie en 2017 ».
Pour reconquérir ses parts de marché, « six priorités sectorielles » ont été définies dans la feuille de route franco-tunisienne pour le développement économique, signée par les présidents français et tunisien : la santé, l’éducation, l’agriculture, le tourisme, le numérique, l’énergie.
E. Macron encourage la « co-localisation »
Comme l’a rappelé Emmanuel Macron, 1 400 entreprises françaises opèrent en Tunisie et génèrent 140 000 emplois. « La France, a-t-il précisé, reste le premier investisseur étranger en Tunisie à travers des secteurs clés : l’aéronautique, l’automobile, l’électronique, les industries du textile et de l’habillement, le service des secteurs, la téléphonie, les services financiers…».
Reprenant à son compte une ligne fixée sous son prédécesseur François Hollande, alors qu’il était son conseiller, le président français a défendu le concept de « co-localisation » en Tunisie non pas pour « aller chercher du moindre coût, aller chercher de la moindre qualification, mais chercher un marché où il y a des compétences », a-t-il insisté.
« Pour réussir, il faut être dans une logique de co-localisation », a-t-il encore soutenu, rappelant que « cette logique s’est illustrée, ces dernières années, dans l’automobile ». Le président Macron a également cité l’exemple de l’aéronautique, « qui est une formidable réussite de notre relation ». L’industrie aéronautique en Tunisie, c’est 13 000 emplois, une cinquantaine d’entreprises, « en majorité françaises, embauchant des Tunisiennes et des Tunisiens », a encore souligné le président. Et de citer en exemple Stelia, filiale détenue à 100 % par Airbus, spécialisée dans la fabrication de pièces d’avions, qui dispose d’une unité de fabrication en Tunisie.
Le président français a également salué la création du fonds de co-localisation franco-tunisien, souscrit à parts égales entre Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations de Tunisie. Lancé en février 2016, ce fonds a pour objectif de développer l’activité des PME en France et en Tunisie, promouvoir l’innovation, développer les ventes à l’export et promouvoir les emplois stables et à valeur ajoutée dans les deux pays.
Doubler les investissements en Tunisie
Emmanuel Macron a annoncé qu’il souhaitait doubler dans les cinq ans le montant des investissements français en Tunisie, qui s’élève actuellement à 1,4 milliard d’euros. Pour atteindre cet objectif, il attend la « pleine mobilisation » de l’ensemble des grands acteurs industriels français. « Je pense qu’en matière de tourisme, de services, d’agroalimentaire, d’industrie, et bien évidemment de numérique, nous avons beaucoup à faire », a-t-il déclaré.
Plusieurs chefs d’entreprise accompagnaient le président pendant sa visite d’État, dont Stéphane Richard, le P-dg du groupe Orange, et Xavier Niel, le fondateur de l’École 42 et patron de Free. Ce dernier « portera des projets ambitieux pour le numérique, la formation et l’entreprenariat sur le sol tunisien », a notamment révélé Emmanuel Macron la veille du forum devant la communauté française de Tunis.
De son côté, Business France a conduit, en marge de la visite d’État du président de la République, une délégation de vingt entreprises françaises, issues de l’industrie, l’énergie, les infrastructures, l’environnement, les services, la santé et l’agriculture, et souhaitant développer et renforcer leur activité en Tunisie. Les entreprises qui ont participé à cette mission sont : Calystene, Cmd Gears, ER2i, Euromac2, Freelance.com, Goavec Engineering, Groupe Maisonneuve, Ingeteam, M2I, Mupro, Mytilimer (La Cancalaise), Nextprotein, Sifaris, Sim For Health, Steam France, Sterela, Tav Airports Holding (groupe ADP), Toutenkamion, Visio Green et VSB Energies Nouvelles.
Elles ont bénéficié d’un programme de rendez-vous d’affaires personnalisé organisé par le bureau de Business France implanté à Tunis. « Dans un contexte de retour de la croissance durable dans les pays européens et de redressement progressif des économies de la région du Maghreb et d’Afrique, le potentiel de l’économie tunisienne peut se retrouver renforcé », estime Olivier Pradet, directeur du bureau Business France de Tunis, cité dans un communiqué de l’opérateur public.
Enfin, en matière de francophonie, Emmanuel Macron, qui a inauguré l’Alliance française de Tunis, première d’une série de six antennes que la France doit ouvrir cette année dans le pays, a exprimé son souhait de faire de l’enseignement du français en Tunisie une des priorités de son action diplomatique, avec en ligne de mire le sommet de la Francophonie que la Tunisie pourrait accueillir en 2020.
Venice Affre
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