Le duel final entre François Fillon et Alain Juppé provoque des interrogations chez nos voisins. Estimant que l’un des deux sera peut-être le futur président français, donc un responsable influent au sein de l’Union européenne (UE), c’est leur vision européenne qui est aujourd’hui décortiquée dans certains médias étrangers, en particulier en Belgique, où l’on suit de très près les élections françaises. Mais la tâche n’est pas aisée, tant la campagne, menée jusqu’ici par les sept candidats à la primaire de la droite et du centre, a soigneusement évité les thèmes liés à l’Europe pour privilégier ceux relatifs à la politique intérieure française.
« Tant François Fillon qu’Alain Juppé se montrent critiques vis-à-vis de l’Union européenne, mais ils évitent toute forme de populisme, analyse Sergio Calderon, journaliste à la RTBF, média public belge francophone. Ce ne sont pas des candidats outranciers qui font de l’Europe un bouc émissaire malgré le vent d’euroscepticisme qui souffle sur l’Hexagone ». Pour ce spécialiste des questions européennes, les deux hommes partagent la même vision d’une Europe nécessaire malgré les réformes à entreprendre relatives, par exemple, à la protection des frontières, à la collaboration accrue en matière de terrorisme, ou encore à une meilleure gestion de l’euro.
Fonctionnement de l’UE : Juppé jugé plus « europhile »
Sur le fonctionnement de l’UE, en revanche, les deux finalistes cultivent leurs différences. Si elles sont subtiles à identifier pour les électeurs en France, les deux approches ne sont pas accueillies avec le même enthousiasme à Bruxelles. Les Français de la zone Benelux, inscrits à la primaire de la droite, jugent le maire de Bordeaux plus « europhile ». Ils ont d’ailleurs massivement voté pour lui dans la région, où il a recueilli 48 % des suffrages, contre 35 % pour François Fillon.
Plus proche de l’esprit des pères fondateurs, Alain Juppé semble aussi être le candidat préféré à la Commission européenne où Jean-Claude Juncker, son président, défend depuis le début de son mandat la méthode communautaire face à l’inter-gouvernementalisme, souvent résumée ici comme le « diktat des grands États membres ». S’il n’est pas favorable à la poursuite de l’élargissement, le maire de Bordeaux préconise plus d’intégration, notamment en matière de défense.
Quant à François Fillon, il propose en fait de poursuivre ce qu’avait fait avant lui Nicolas Sarkozy sur la scène européenne. Plutôt qu’une Europe fédérale, il favorise une Europe des nations souveraines. A l’instar de l’ancien président de la République, il souhaiterait lui aussi réduire les pouvoirs de l’exécutif à Bruxelles en le limitant à quelques domaines fondamentaux.
Relations avec la Russie : Fillon craint par les partisans d’une ligne dure
Mais c’est surtout la question des relations avec la Russie qui alimente les commentaires dans la capitale de l’UE. Alors que la question de la prolongation des sanctions économiques reste un sujet de division pour les 28, la posture de François Fillon fait craindre aux partisans d’une ligne dure vis-à-vis de Moscou un changement des rapports de force au sein de l’UE. S’ils sont aujourd’hui majoritaires, l’élection de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy « pourrait inverser les rapports de force au Conseil », s’inquiète un diplomate polonais, dont le pays défend bec et ongles une extension, voire un durcissement, des mesures restrictives contre la Russie.
Sur ce dossier, les deux candidats partagent des visions bien tranchées. Favorable au dialogue avec Moscou, Alain Juppé se montre beaucoup plus critique vis-à-vis de Vladimir Poutine et refuse tout rapprochement avec le président syrien Bachar Al-Assad, dont il est l’allié dans la lutte contre l’organisation État islamique.
François Fillon au contraire se prononce en faveur d’un rapprochement stratégique avec la Russie et la Syrie. Il souhaite une alliance avec Bachar Al-Assad, de même qu’une coalition avec Moscou pour anéantir l’organisation de l’État islamique. Il préconise, enfin, une levée des sanctions contre la Russie, un partenaire stratégique de l’UE. Selon lui, elles conduisent à une guerre froide qu’il juge « stupide et dangereuse ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles