Un forum économique Maroc-France réunissant 300 chefs d’entreprises français et marocains, se tient le 26 avril à Rabat, le premier depuis 2019. Des annonces sont attendues du côté des pouvoirs publics français alors que Bruno Le Maire, accompagné d’une imposante délégation d’entreprises, ouvrira ce forum à l’occasion d’un déplacement de deux jours, et entend poser des jalons pour la nouvelle « feuille de route » bilatérale.
C’est le quatrième membre du gouvernement français à se rendre au Maroc en six mois, depuis qu’une volonté commune de relancer les relations économiques et de coopération intergouvernementales entre les deux pays a été scellée en marge des assemblées générales du Fmi et de la Banque mondiale, en octobre 2023 à Marrakech.
Après Gérard Darmanin (Intérieur), Stéphane Séjourné (Europe et Affaires étrangères), Franck Riester (Commerce extérieur, attractivité, francophonie, français de l’étranger), c’est au tour de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, de se rendre au Maroc, les 25 et 26 avril, avec un programme mêlant rencontres avec des hauts responsables gouvernementaux marocains – en premier lieu Aziz Akhannouch, chef du Gouvernement – et les milieux d’affaires marocains et français.
S’inscrivant dans « dans la dynamique de relance des relations franco-marocaines », l’objectif principal du patron de Bercy est « de poser les jalons de la nouvelle feuille de route économique franco-marocaine, aussi bien avec les autorités marocaines qu’avec la communauté d’affaires lors du forum Maroc-France du 26 avril pensé comme la contribution du secteur privé à cette feuille de route » souligne un communiqué de Bercy. C’est la raison pour laquelle non seulement le ministre participera à un déjeuner avec des dirigeants d’entreprises français et marocains le 26 avril, mais il ouvrira le forum économique Maroc-France qui suivra le même jour à Rabat.
Dans les faits, il s’agit surtout de contribuer à relancer le volet gouvernemental de ces relations économiques car malgré une brouille diplomatique qui a duré près de trois ans, « la dynamique des relations entre les entreprises ne s’est jamais démentie » souligne-t-on à Bercy.
Les échanges commerciaux ont doublé depuis 2015
Les relations économiques et commerciales entre les secteurs privés des deux pays n’ont cessé d’être florissantes, nourries par les filières industrielles telles que l’automobile (Renault, Stellantis…), l’aéronautique (Safran…) ou le ferroviaire (Sncf), qui ont conduit à la création de nouveaux clusters de sous-traitance industriels au Maroc ces 15 dernières années. Le Royaume, qui a développé tout un pôle de transport et logistique à Tanger Med pour accompagner ces développements, veut désormais diversifier ses pôles industriels, notamment en se positionnant comme un partenaire des Européens mais aussi des Africains, dans les énergies renouvelables.
Les échanges commerciaux ont même atteint un montant record de près de 14,1 milliards d’euros (Md EUR), en progression de +5 %) l’an dernier, après déjà une hausse de 25 % en 2022. C’est le double de ce qu’ils étaient en 2015. Les exportations françaises ont augmenté de 3,5 %, à 6,7 Md EUR, tandis que les importations depuis le Maroc ont atteint 7, 4 Md EUR, soit une hausse de 6,4 %, générant un déficit de 700 M EUR.
Ces échanges s’appuient sur des investissements importants : les entreprises françaises, qui totalisent un stock d’IDE de 8 Md EUR, comptent plus d’un millier de filiales au Maroc employant 150 000 emplois. Et les entreprises marocaines commencent à se montrer actives elles aussi dans les investissements en France : leur stock d’IDE dans l’Hexagone est passé de 370 millions à près d’1,8 Md EUR entre 2015 et 2022. « Le Maroc est devenu le premier investisseur africain en France » ne manque pas de rappeler Bercy.
Autre spécificité du Maroc en Afrique : c’est le seul pays du continent ou la très importante Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM), est concessionnaire du service public d’accompagnement de Business France, concession qui a d’ailleurs été renouvelée en novembre dernier. Un signe que la présence des entreprises est forte, et ancrée dans le tissu marocain.
Les projets fourmillent
Quelles annonces sont attendues à l’occasion de cette visite ?
L’agenda gouvernemental de Bruno Le Maire est chargé et fournit quelques pistes : reçu par le chef du gouvernement marocain le 25 avril Aziz Akhannouch, avant une intervention devant les étudiants de Polytechnique sur le « partenariat Maroc-France en matière d’énergie, un atout pour l’Afrique et l’Europe », le ministre français aura des entretiens le lendemain matin avec son homologue marocaine Nadia Fettah Aloui, ministre de l’Economie et des finances, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du commerce et enfin Faouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget et président du comité Coupe du Monde 2030.
Bercy confirme que la France, qui a pris position en faveur du projet marocain d’autonomie du Sahara occidental en 2022, est prête a aider le Maroc dans son projet de construction d’une ligne à haute tension (dite « autoroute électrique ») entre Rabat et Dakhla, principale agglomération sahraouie. Franck Riester, lors de son récent déplacement début avril, avait d’ailleurs annoncé que Proparco, filiale de l’Agence française de développement (AFD) dédiée au financement du secteur privé, était autorisée par le gouvernement français à se positionner sur le financement du projet.
Autre piste, les préparatifs de la coupe du Monde de football de 2030, coorganisée par le Maroc et le Portugal. Alors que le Maroc souhaite renforcer ses infrastructures de mobilité propre, notamment ferroviaires, la France, qui s’est lourdement investie dans le développement du réseau ferroviaire (ligne à grande vitesse, métro…) du pays est, là encore, prête a y apporter sa contribution, y compris sous la forme de financements. Une chose est certaine, Bercy est sur les starting-blocks : « nous avons de nombreuses pistes de travail positives » souligne-t-on.
Et côté entreprises ?
Plutôt ravie que les relations politiques se détendent enfin, elles ne devraient pas être en reste au vu du thème du Forum économique, le premier organisé depuis 2019 : « Ensemble vers un élan renouvelé des opportunités économiques et sociales ». Elles seront une centaine d’entreprises françaises, issues de divers secteurs (agriculture et agroalimentaire, énergie et décarbonation, ville durable, secteurs liés à la Coupe du Monde 2030), à faire le déplacement pour y participer, dans une délégation conduite par le président du Medef Philippe Martin.
Coorganisé par Medef International – et notamment son Club de chefs d’entreprises France-Maroc que préside Ross McInnes, le P-dg de Safran- et la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc), que préside Youssef Alaoui, ce Forum, qui attend un total de 300 participants français et marocains, pourrait également donner lieu à des annonces de la part des entreprises participantes.
Christine Gilguy