Alors que la deuxième édition du salon Global Industrie (5-8 mars), un des fers de lance de la promotion des savoir-faire français, a été inaugurée à Lyon par le ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire et sa secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher, les chiffres sont là pour rappeler aux Cassandre que la France est bien encore une nation industrielle, et qu’elle reste un pilier de son commerce extérieur, peut-être même sa planche de salut…
Certes, elle ne l’est pas autant que l’Allemagne, mais le secteur secondaire comptait quand même pour 12,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017. Preuve en est encore : quelque 3,1 millions de salariés (hors intérim) y étaient employés l’an dernier, et plus des deux tiers – 67,9 % exactement en 2017 – des produits de l’industrie ont fait l’objet d’une exportation par la France !
De là à affirmer que la désindustrialisation a contribué au déficit commercial de la France, une analyse de plus en plus en vogue, il n’y a qu’un pas qu’ont franchi sans hésiter les partenaires publics et privés* qui ont lancé l’opération « 2019, année de l’industrie », le 4 mars à Bercy, la veille de l’ouverture de Global Industrie. Mais fort heureusement, s’est empressée de souligner Agnès Pannier-Runacher, « si, pendant une trentaine d’années, l’emploi industriel a reculé, depuis deux ans, il y a une inversion. Nous créons plus que nous détruisons, nous ouvrons plus qu’on ferme, et ce ne sont pas seulement des extensions ».
Une bonne politique économique et des IDE
Pour la secrétaire d’État, qui consacre actuellement une bonne partie de son temps à la mise en place concrète de l’initiative « Territoires d’industrie », lancée par le gouvernement en novembre sous l’égide du Conseil national de l’industrie afin de redynamiser l’industrie dans 124 territoires, « ce n’est pas le fruit du hasard ». Au contraire, selon elle, c’est le résultat « d’une politique favorable à l’économie », donnant au secteur privé « de la compétitivité en convergeant sur la fiscalité de nos compétiteurs européens » ainsi que « de l’agilité en réformant notre marché du travail ».
Parallèlement, la France attire plus d’investissements directs étrangers (IDE). « Nous sommes le pays d’Europe continentale avec le plus d’IDE depuis deux ans », s’est réjouie la secrétaire d’Etat. « Depuis deux-trois ans, nous sommes numéro un pour les investissements industriels en Europe. Notre compétitivité relative est jugée suffisante et le premier investisseur étranger, c’est l’Allemagne, ce qui est un signe puissant », a confirmé Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, qui, outre de l’accompagnement à l’export, et chargé d’attirer des IDE en France.
« Réaliser la révolution culturelle de l’image de l’industrie »
Parrainé par le spationaute Thomas Pesquet, l’initiative « 2009, année de l’industrie » – ou année de la French Fab, la marque au coq bleu que le gouvernement veut promouvoir dans le monde entier – s’adresse au grand public et aux investisseurs internationaux.
Plusieurs temps forts sont ainsi prévus dans les prochains mois, comme la Semaine de l’industrie du 18 au 24 mars, pour laquelle près de 2 000 évènements ont été labellisés pour un public estimé à 485 000 participants. Citons encore le French Fab Tour, « une grande tournée de 60 étapes pour toucher un demi million de Français à travers toute le pays pour promouvoir l’industrie et susciter des vocations chez les jeunes », a indiqué Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. « Nous devons réaliser la révolution culturelle de l’image de l’industrie, a assuré ce dernier, qui estime que « sans capital humain derrière le capital financier », l’industrie ne saurait se développer.
Selon le dirigeant de la banque publique, il y a urgence, car « sur les 250 000 recrutements annuels que l’on va proposer, essentiellement en CDI, 50 000 ne seraient pas pourvus, faute de candidats ». Ces emplois « doivent permettre de gagner des parts de marché. Aujourd’hui, l’absence de candidats oblige à refuser des commandes », a renchéri Agnès Pannier-Runacher.
La French Fab, seule bannière à la Foire de Hanovre
A l’international, Business France va organiser la présence tricolore au salon Digital Industry de la Foire de Hanovre, du 1er au 5 avril. Pour la première fois, y seront réunis, sous la même bannière French Fab et son logo du coq bleu, l’association France Industrie, les fédérations industrielles et professionnelles, Bpifrance, l’association Alliance pour l’industrie du futur et les Régions.
« Nous avons des labels qui existent dans la dimension Creative Industry** – que Business France, d’ailleurs, a développé – et d’autres comme les entreprises du patrimoine français [NDLR, label Entreprise du patrimoine vivant (EPV)], pour lequel il faut sans doute faire plus à l’international pour le valoriser », a affirmé Agnès Pannier-Runacher. Selon elle, « une opération comme la Foire de Hanovre permet déjà d’embarquer des entreprises de taille moins importante et qui n’auraient pas forcément les moyens de participer à un tel évènement. C’est un sujet sur lequel nous allons travailler avec des annonces en avril ».
A côté de la compétitivité, qui « est notre obsession », et de la montée en gamme, l’internationalisation est aussi une nécessité, a insisté Philippe Varin, qui préside France Industrie. « Nous n’avons pas assez de PME. Les grandes entreprises doivent les soutenir, avec l’aide de Bpifrance et de Business France », a souligné l’ancien patron de PSA, également vice-président du Conseil national de l’industrie (CNI). Rappelons que le CNI, organisme présidé par le Premier ministre,a mis en place des comités stratégiques de filière (CSF) – 18 à ce jour – pour favoriser l’organisation et l’effort collectif dans les secteurs d’activité et a créé en juillet 2018 le CNI International pour essayer de canaliser et coordonner les efforts en matière de promotion à l’export.
Un programme international de 32 événements, dont 13 pavillons France
Toujours sous la bannière unique French Fab, Business France va piloter 32 évènements en 2019, dont 13 Pavillons France. « Il y aura des salons en Allemagne, en Allemagne, toujours en Allemagne, mais aussi en Suisse, aux États-Unis, en Chine », a détaillé Christophe Lecourtier, qui s’est attardé sur le cas du géant asiatique. « L’industrie chinoise, a-t-il évoqué, a pour projet stratégique de monter en qualité et en innovation. Nous pouvons lui offrir des solutions extrêmement intéressantes, par exemple en matière d’efficacité énergétique, si on sait préserver les brevets et éviter que ces solutions soient dévoyées ». Selon lui, on ne peut oublier que « le marché y est considérable pour les années à venir ».
Le baromètre du succès sera l’évolution du déficit commercial, à peine stabilisé mais à un niveau abyssal tout juste inférieur à 60 milliards d’euros. Mais cela prendra du temps.
« La route sera longue pour rebâtir la compétitivité totale dans la zone euro où on ne peut plus dévaluer» a averti Nicolas Dufourcq. Car selon lui, « la compétitivité prix, ce n’est pas terminé » et « la compétitivité qualité, inventivité, la compétitivité objet, le chemin est encore long aussi. On a énormément d’entreprises françaises qui font beaucoup de produits corrects, nous devons encore travailler pour que le rapport qualité-prix soit considéré comme acceptable pour nos acheteurs étrangers potentiels ». La bataille de l’industrie est ainsi « une bataille du prix et de l’innovation ».
François Pargny
*Étaient présents : Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, Philippe Varin, président de France Industrie, Bruno Grandjean, président de l’Alliance industrie du futur, Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, et Philippe Darmayan, président de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie).
**Creative Industry est une déclinaison de la campagne Créative France, label de promotion de l’image et de l’attractivité économique de la France, qui est déployée à l’étranger, notamment en Allemagne.
Pour prolonger : Bercy France Export 2019 : une politique de financement export volontariste au service de l’industrie