Moins de six mois après la visite d’État en Chine (8 au 10 janvier), du président de la République, le Premier ministre Édouard Philippe s’est rendu à son tour dans le pays, du 22 au 25 juin, dans le sillage d’Emmanuel Macron. Objectif de son déplacement : mettre en œuvre « sans tarder et dans les meilleures conditions », la feuille de route décidée en janvier dernier entre les présidents français et chinois Emmanuel Macron et Xi Jinping, autrement dit concrétiser les protocoles d’accords conclus par le président français lors de son déplacement.
Pour sa première visite officielle en Chine, le Premier ministre était accompagné de plusieurs membres du gouvernement à savoir le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports Elisabeth Borne, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, le secrétaire d’État en charge du Numérique, Mounir Mahjoubi, et Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances.
Dans le contexte international actuel, marqué par la montée des tensions commerciales avec les États-Unis et plus largement du protectionnisme, la visite de quatre jours d’Édouard Philippe, effectuée en trois étapes –Shenzhen, Shanghai et Pékin–, aura permis de réaffirmer l’intensité de la relation franco-chinoise. Le Premier ministre a ainsi fait part, lors de la conférence de presse conjointe donnée à Pékin avec son homologue Li Keqiang, de la conviction du gouvernement français « que le renforcement des échanges entre la France et la Chine peut utilement contribuer à la paix, au développement international ainsi qu’à la prospérité de nos deux pays dès lors que ce partenariat est équilibré, exigeant, fondé sur un esprit d’ouverture et de réciprocité ».
Levée de l’embargo sur la viande bovine française
S’agissant d’ouverture, une première victoire a été gagnée par Paris. Très attendue, la levée de l’embargo chinois sur le bœuf français annoncée six mois plus tôt, lors de la visite d’Emmanuel Macron, a été rendue effective par la signature, le 25 juin, d’un protocole sanitaire d’exportation de la viande bovine française vers la Chine. L’ouverture du marché chinois à la viande de bœuf tricolore est une très bonne nouvelle pour la France, dont les exportations de bœuf étaient interdites depuis la crise de la vache folle en 2001. En 2017, la France a exporté pour 200,4 millions d’euros de viandes et abats comestibles vers la Chine, d’après les chiffres de la base de données GTA-IHS Markit.
Cette ouverture et le résultat d’efforts soutenus depuis plusieurs années de la part des autorités françaises. L’ancien secrétaire d’État au Commerce extérieur Matthias Fekl (gouvernement Valls II) s’était rendu à Pékin et Canton en septembre 2015, à la tête d’une importante délégation de représentants des secteurs de l’élevage, de l’agriculture et de l’agroalimentaire (interprofessions bovine et porcine, producteurs vitivinicoles, entreprises laitières et céréalières) pour faire avancer les discussions (voir notre article). Une démarche qui s’inscrivait alors en droite ligne avec le volet international du Plan de soutien à l’élevage français adopté lors du conseil des ministres du 22 juillet 2015, visant à trouver des débouchés sur les marchés internationaux pour la filière, en proie à des difficultés sur le marché national.
Nucléaire, coopération spatiale… des accords enfin finalisés
Parmi les autres concrétisations figure la finalisation du protocole d’accord commercial noué entre Orano Projets, la filiale d’ingénierie du spécialiste du nucléaire Orano (ex-New Areva) et son partenaire chinois CNLA, filiale de la China National Nuclear Corporation (CNNC), pour les travaux préparatoires d’une usine de recyclage en Chine, signé en janvier, en présence des présidents chinois et français. Orano et CNNC, ont pu lancer dès le 25 juin les travaux préparatoires de l’usine chinoise de traitement et recyclage des combustibles usés, dont la réalisation s’étend jusqu’à la fin de l’année 2018.
Dans le domaine spatial, le mémorandum d’entente concernant la lutte contre le changement climatique et l’exploration spatiale, signé à Pékin pendant le séjour du président Macron, s’est concrétisé lors de la visite du Premier ministre par la signature d’un accord spécifique pour la mise en œuvre du Space Climate Observatory (SCO) conclu entre le Centre national d’études spatiales (Cnes) et son homologue la China National Space Administration (CNSA). Il renforce la coopération spatiale franco-chinoise et prévoit de nouvelles activités bilatérales autour du SCO dont la création a été annoncée lors du « One Planet Summit » de Paris, le 12 décembre 2017. Son but est de standardiser et de mutualiser les données climat obtenues depuis l’espace et de faciliter leur utilisation par l’ensemble de la communauté scientifique mondiale.
Aéronautique, ports…
S’agissant des acquisitions d’Airbus, l’autre dossier brûlant sur lequel une officialisation était attendue, la Chine a confirmé pendant la visite officielle d’Édouard Philippe « sa volonté forte » de concrétiser prochainement les engagements pris en janvier –Pékin avait passé commande de 184 Airbus A320 au dernier jour de la visite d’Emmanuel Macron–, et même d’envisager de nouvelles acquisitions.
Pour sa part, le port de Marseille-Fos, représenté par Christine Cabau-Woehrel, présidente du directoire du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM), a signé un partenariat avec le Shanghai International Port Group qui concrétise un projet préparé depuis plusieurs mois.
Le port français avait notamment organisé le 31 mai dernier dans la cité phocéenne une conférence sur le thème de « Marseille et son port sur les nouvelles routes de la soie ». En marge de ce forum, le GPMM et le port de Shanghai avaient signé un accord de coopération portant sur les sujets de réduction des impacts, d’écologie industrielle et de massification des flux de marchandises autour du report modal de longue distance. Marseille et son port souhaitent développer avec la Chine une coopération de projets industriels et logistiques pour participer au vaste projet des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initative), initié par l’administration chinoise, qui place la Méditerranée au centre d’une stratégie de flux maritimes entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique.
HEC Paris et GSE signent des partenariats
Dans le domaine de la formation, HEC Paris a signé deux accords de partenariat avec l’université publique SUSTech (Southern University of Science and Technology) à Shenzhen et avec l’Université de Tsinghua à Pékin. Le partenariat entre HEC Paris et SUSTech permettra de créer des diplômes et des programmes de formation de cadres qui se concentreront sur la haute technologie, l’industrie du numérique et les startups. Quant à l’accord passé avec l’Academy of Arts and Design de l’Université de Tsinghua, il permettra de lancer un nouveau double diplôme, Executive Master in Media, Arts and Creation, qui doit démarrer en Chine au cours de cette année.
Autre gagnant de la visite d’Édouard Philippe en Chine, le groupe français GSE, spécialisé dans l’immobilier d’entreprise, qui a signé avec les autorités de la zone économique de développement de Haining (province du Zhejiang) un accord de coopération pour le développement d’un parc industriel sino-français. Situé dans la zone de développement économique de Haining, à 1h30 de Shanghai, ce parc industriel s’étendra sur une surface d’environ 230 000 m², pour un investissement global de plus de 100 millions d’euros.
D’après les informations publiées par LeFigaro.fr, ce dernier contrat devrait rapporter environ 50 millions d’euros à GSE. Le groupe tricolore expert dans le développement de parcs industriels et logistiques en France vient de célébrer ses 22 ans d’activités en Chine, où il a déjà livré plus de 1 500 000 m² de bâtiments industriels et logistiques.
Sur le plan économique bilatéral, outre ces avancées dans les domaines phares des relations bilatérales, cette visite officielle du chef du gouvernement français aura également permis de dégager de nouveaux secteurs de coopération pour l’avenir, en particulier le développement durable et l’innovation. D’où la visite par Édouard Philippe de la ligne de métro PuJiang Line, première ligne de métro automatique de Chine, opérée par la filiale de la SNCF, Keolis. Cette ligne sans conducteur entrée en service le 31 mars dernier a été construite dans le cadre d’une joint-venture entre Shanghai Shentong Metro Group et l’entreprise française de transport public de voyageurs.
Le premier déplacement d’Édouard Philippe en Chine avait pour objectif d’installer un partenariat d’avenir entre les deux pays. Un objectif qui semble avoir été atteint.
Venice Affre
Pour prolonger :
France / Chine : E. Macron en chef de file de l’Europe et des intérêts français
Et aussi notre Fiche Chine