Pour faire face à l’hypothèse de plus en plus plausible d’un retrait « sans accord » du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) le 30 mars, la France a donc déclenché son plan d’action pour faire face à l’éventualité d’un casse-tête d’un « Brexit dur », autrement dit une sortie brutale et sans transition du voisin britannique de l’UE. Il s’accompagne de l’annonce d’un investissement de 50 millions d’euros pour adapter les points de passages aux frontières principaux.
Le ‘plan lié à un Brexit sans accord’, annoncé par le Premier ministre Édouard Philippe le 17 janvier, deux jours après le rejet, le 15 janvier, du projet d’accord par le Parlement britannique du projet d’accord, était en préparation depuis avril 2018. Son élaboration est le fruit d’un travail interministériel, l’ensemble des administrations ayant été chargées, dans leurs domaines respectifs, de plancher sur les mesures à prendre en cas de « Brexit dur ». Pour l’occasion, Matignon avait d’ailleurs réuni l’ensemble des ministres concernés*.
Le Moci a déjà évoqué à plusieurs reprises ces mesures, notamment à travers la loi d’habilitation soumise à l’automne dernier à l’Assemblée et au Sénat pour permettre au gouvernement d’agir par ordonnance. Nous revenons en détail sur les différentes composantes de ce plan ainsi que leur calendrier de mise en œuvre.
Un cadre visant à protéger les intérêts des concitoyens
Le plan du gouvernement comporte des mesures législatives et des mesures juridiques qui visent à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’interruption de droits et que les droits des concitoyens et des entreprises françaises soient protégés. Dans cet objectif, il a fait voté dès l’automne dernier par le Parlement une loi d’habilitation pour être habilité à prendre des ordonnances. Cette loi d’habilitation autorise donc le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation aux conséquences du Brexit sans accord. Elle a été adoptée le 17 janvier en lecture définitive par le Sénat et l’Assemblée nationale.
Sur le fondement de cette loi d’habilitation, cinq ordonnances seront présentées au conseil des ministres et publiées progressivement : la première sera présentée au conseil des ministres le mercredi 23 janvier tandis que les quatre autres s’échelonneront dans les trois semaines qui viennent, permettront d’avoir un cadre juridique qui répond aux enjeux d’un Brexit sans accord.
– La 1ère ordonnance régira les droits des citoyens britanniques en France.
– La 2ème ordonnance permettra la réalisation en urgence des infrastructures nécessaires au rétablissement des contrôles aux frontières (contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires, des marchandises et des personnes) ;
– La 3ème ordonnance permettra aux entreprises établies au Royaume-Uni de continuer à réaliser en France des opérations de transport routier ;
– La 4ème ordonnance permettra d’assurer la continuité de certaines activités financières, en particulier en matière d’assurances, après la perte du passeport financier du Royaume-Uni ;
– La 5ème ordonnance permettra la poursuite des transferts de matériels de défense entre la France et le Royaume-Uni.
50 millions d’euros pour faire face au rétablissement des frontières…
Un autre volet du plan concerne des mesures d’investissement et d’organisation d’urgence. Le gouvernement a annoncé le lancement d’un programme d’investissement d’environ 50 millions d’euros dans les ports et les aéroports français afin de les aider à se doter d’infrastructures (parkings…) et à installer de nouvelles installations de contrôle. Le Premier ministre a promis le 17 janvier une mise en œuvre rapide, « dans les jours qui viennent ».
Édouard Philippe a également annoncé que 600 recrutements d’agents publics seront réalisés dans les semaines qui viennent pour faire face à la montée en puissance des flux de marchandises et de personnes à contrôler, le Royaume-Uni redevenant, le 30 mars, un pays tiers : douaniers, inspecteurs vétérinaires, agents de l’État divers, etc. Ces nouveaux recrutements, qui avaient été anticipés dans la loi de finance 2019, « vont permettre d’être à la hauteur des contrôles nécessaires », a assuré le chef du gouvernement.
Rappelons que le rétablissement des contrôles douaniers et vétérinaires et phytosanitaires constitue un point sensible, en particulier pour les professionnels du transport routier de marchandises ainsi que les acteurs portuaires et économiques, en raison des risques d’allongement des délais de passage : selon une estimation britannique, un contrôle de 2 minutes supplémentaires par poids-lourd au port de Douvres entraînerait une file d’attente de 27 km sur l’autoroute M20 !
Préserver les intérêt de la filière produits marins
Autre sujet évoqué par le Premier ministre, la pêche et les industries de transformation des produits marins, des secteurs susceptibles d’être le plus durement impactés par les conséquences d’un « Brexit dur ».
« Nous voulons défendre les intérêts des pêcheurs français, défendre l’intérêt des lieux de pêche et des entreprises qui participent à ce secteur économique important », a assuré le locataire de Matignon le 17 janvier. Des dispositions spécifiques sont en préparation à cet effet, que le gouvernement précisera dans le courant du mois de février. Le ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, a été chargé de solliciter les partenaires européens et la Commission européenne pour pouvoir trouver des dispositions qui permettront aux pêcheurs français et aux entreprises du secteur de continuer à pratiquer leur activité dans les meilleures dispositions.
Desk Moci
*Nicole Belloubet, ministre de la Justice; Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé; Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances; Muriel Pénicaud, ministre du Travail; Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse; Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics; Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation; Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales; Annick Girardin, ministre des Outre-Mer; Franck Riester, ministre de la Culture; Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’alimentation; Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État; ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports; Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des Affaires européennes; Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur.