La visite d’État du président de la République François Hollande les 26 et 27 mars à Singapour, première étape de sa tournée en Asie du Sud-Est avant la Malaisie (28 mars) et l’Indonésie (29 mars), et qui sera son ultime tournée diplomatique à l’étranger, a été l’occasion de réaffirmer la coopération de « très haut niveau » en matière de défense avec la Cité-Etat, mais également dans les domaines de la cybersécurité, de l’économie, de l’éducation et de la recherche unissant les deux pays.
Ce déplacement, le premier d’un président français à Singapour depuis 13 ans et le dernier de François Hollande en Asie en tant que président de la République, a été l’occasion de donner une ultime impulsion au partenariat stratégique entre les deux pays. Ce dernier remonte au 18 octobre 2012, date à laquelle a été signée la déclaration conjointe sur un partenariat stratégique lors d’une visite officielle de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault dans la cité-État.
François Hollande a été reçu le 26 mars par son homologue Tony Tan au palais présidentiel de l’Istana (notre photo) pour un dîner d’État, avant d’enchaîner le lendemain allocutions et discours devant la communauté française de Singapour, au campus de l’Essec à Singapour, au Forum de l’innovation France Singapour, etc.
Des enjeux commerciaux importants
L’excellence des relations bilatérales se traduit dans les échanges commerciaux qui sont en progression constante, faisant de Singapour le 3ème excédent commercial de la France dans le monde (+4 milliards EUR en 2016, après 2,8 Mds en 2015). Les exportations françaises de biens y ont même connu une forte hausse : + 14,93 % l’an dernier, alors que les exportations totales marquaient le pas (-0,9 %). En 10 ans, la France a doublé ses échanges avec cet archipel devenu un hub majeur de commerce en Asie du Sud-Est. Singapour est le 13ème client de la France, derrière le Japon, avec des exportations de 6,14 milliards d’euros en 2016, d’après les statistiques de la douane française compilées par la base de données GTA-IHS.
Totalisant à elle seule 1,37 milliard d’euros d’achats, la filière française « navigation aérienne ou spatiale » constitue le premier poste à l’export (22, 3 % du total). Mais elles sont relativement diversifiées, des gros équipements aux biens de consommation, même si quelques grands produits dominent : avec l’aéronautique et le spatial, dépendant de grands contrats, les matériels électriques et électroniques (12,9 %) et les boisons -vins et spiritueux surtout- (12,9 %) représentent un top 3 récurrents. Alors que le premier a connu une hausse de 156 %, les deux derniers ont été en retrait, ralentissement oblige, de respectivement -15,2 et -3,3 % l’an dernier. Mais les produits de luxe restent dynamiques (+ 54,5 %), de même que les produits cosmétiques (+13,4 %).
La France est le 9ème pays fournisseur de la Cité Etat mais le deuxième de l’Union européenne, juste derrière l’Allemagne, 8ème mais devant l’Arabie Saoudite, 10 ème. Sa part de marché a plutôt eu tendance à progresser ces trois dernières années, passant de 2,21 % à 3,02 % entre 2014 et 2016.
Renforcement des liens dans les domaines des technologies spatiales
Au-delà des échanges commerciaux, le partenariat franco-singapourien présentent aussi des enjeux en termes de coopération et de R&D. La visite présidentielle a ainsi permis de concrétiser plusieurs accords.
Le Centre national d’études spatiales (Cnes) et l’
Le mémorandum va renforcer les relations spatiales franco-singapouriennes, qui sont déjà denses. Le Cnes a en effet déjà développé une coopération avec l’Université Technologique de Nanyang (NTU) sur les effets radiatifs induits par le rayonnement laser dans les composants microélectroniques, dans le cadre du programme franco-singapourien Merlion.
Nouvel accord dans les infrastructures portuaires
Par ailleurs, dans le deuxième port à conteneurs au monde derrière celui de Shanghai, l’armateur marseillais CMA CGM et l’Autorité des ports de Singapour (Port of Singapor Authority – PSA) ont lancé la deuxième phase de leur joint-venture pour le terminal à conteneurs à Singapour.
Le CMA CGM-PSA Lion Terminal (CPLT) a démarré ses activités avec deux quais pour méga-porte-conteneurs au terminal 5 de Pasir Panjang de PSA Singapor (PPT 5), dont la capacité annuelle initiale était de 2 millions d’EVP (équivalent vingt pieds) en juillet 2016. Avec l’ajout de deux quais supplémentaires au cours de la phase 2 de son développement, le CPLT est maintenant équipé d’une capacité opérationnelle totale de 4 millions d’EVP.
L’innovation, un axe prioritaire de la coopération
Au cours de sa visite d’État, François Hollande a aussi assisté au premier Forum de l’Innovation France-Singapour qui s’est tenu le 27 mars au sein de la Cité des Sciences de Biopolis. À cette occasion, le président français et le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong sont convenus d’intensifier la coopération en matière d’innovation entre les deux pays. La France et Singapour ont accordé la priorité au renforcement de leurs écosystèmes d’innovation respectifs, notamment aux programmes visant à promouvoir la recherche et le développement (R&D) ainsi qu’au soutien à l’entreprenariat dans des secteurs innovants.
À l’occasion de ce Forum, le groupe industriel français Schneider Electric, spécialiste mondial de la gestion de l’énergie et des automatismes, a signé un accord tripartite avec Engie Lab –le centre de recherche et d’expertise opérationnelle d’Engie dédié au gaz, aux nouvelles sources d’énergies et aux technologies émergentes– et la Nanyang Technological University (NTU) pour développer un démonstrateur de micro-réseau à énergies renouvelables en vue de relever le défi de l’accès à l’énergie dans les îles et les zones non connectées au réseau électrique.
Dans le cadre du Forum, l’institut de recherche technologique francilien SystemX, dédié à l’ingénierie numérique des systèmes du futur, a également signé un protocole d’accord (MoU) avec l‘Université technologique de Nanyang. Cette collaboration vient également soutenir l’ambition de SystemX d’ouvrir un centre de recherche et d’innovation partenariale à Singapour en 2018.
La communauté French Tech de Singapour, qui brigue depuis 2016 le label « French Tech Hub », en a aussi profité pour avancer ses pions. « Dans les prochains mois, nous allons mettre en place un programme d’échange de startups entre la France et Singapour (…). Nous allons créer ici à Singapour un French Tech Hub et j’en ai lancé hier les bases et les principes », a annoncé François Hollande lors de son discours au Forum Innovation France Singapour. Une fois lancé officiellement, le French Tech Hub de Singapour travaillera étroitement avec d’autres French Tech Hubs dans le monde et notamment en Asie.
Dans le domaine des Fintech, l’Autorité monétaire de Singapour (MAS), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont signé le 27 mars des accords de coopération afin d’accroître leur coopération en la matière. La MAS, l’ACPR et l’AMF échangeront des informations sur les tendances de l’innovation financière, sur les enjeux de régulation liés aux services financiers innovants ainsi que sur d’éventuels projets innovants communs. Ces accords de coopération permettent en outre aux Fintech agréées à Singapour et en France de disposer d’informations sur les cadres de régulation applicables, dans le but de favoriser les échanges entre les deux marchés.
Accompagné dans l’archipel par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, François Hollande a rappelé lors de son discours au Forum de l’innovation la coopération bilatérale sur le volet défense. « Nous avons là aussi conçu avec Singapour, un programme de coopération aussi bien avec le président qu’avec le Premier ministre, j’ai mis cette question de la cyberdéfense au cœur de nos discussions, parce que nous sommes des pays qui pouvons apporter, d’abord à nous-mêmes ces conditions de sécurité, mais aussi aux autres et proposer ces outils de cyberdéfense à l’ensemble des pays amis ».
François Hollande s’est envolé le 28 mars pour la Malaisie où il est notamment attendu sur le volet défense. Le Premier ministre malaisien, Najib Razak, a d’ailleurs confirmé ce jour l’intérêt de son pays pour l’avion de combat français Rafale, à l’issue d’un entretien avec le président François Hollande. Les discussions porteraient sur l’achat de 18 appareils.
Venice Affre