Il ne sera pas dit que la Mission de coopération industrielle et technologique franco-algérienne sera un énième comité Théodule dans la nébuleuse des relations franco-algériennes : elle est au travail, dans l’ombre, et les premiers projets de partenariat prennent forme, avancées discrètes mais concrètes.
C’est en substance le message que souhaitait faire passer Jean-Louis Levet, Haut responsable à la coopération industrielle et technologique franco-algérienne, qui est à sa tête depuis le printemps 2013, lors d’un point de presse organisé le 22 mai, en présence de plusieurs représentants d’organismes et sociétés français d’ores et déjà engagés dans des partenariats concrets avec des homologues algériens.
Ce point de presse, que le Haut responsable souhaite renouveler tous les quatre mois, visait en l’occurrence à démontrer que « nous cherchons à mettre en place une vraie dynamique, au-delà des discours ». Bref, mettre un peu de lumière sur ce travail effectué dans l’ombre des ministères et des rencontres intergouvernementales. Côté discours, l’action de cette Mission rattachée à la Délégation interministérielle à la Méditerranée (DiMed), placée auprès du Premier ministre, s’inscrit dans le projet présidentiel de « développer une Méditerranée de projets », en rupture avec celui de son prédécesseur. La Conférence intergouvernementale de haut niveau tenue le 16 décembre 2013, puis les engagements présidentiels pour un partenariat industriel entre les deux pays renouvelés le 19 décembre à Alger, ont stimulé les avancées au plan politique.
Côté méthodologie, cet économiste spécialiste des politiques publiques en matière industrielle, marqué à gauche, a procédé en partant des »besoins et des attentes » algériennes pour définir des « priorités communes. Une entrée en matière d’autant plus facilitée que, côté algérien, un interlocuteur a été désigné : Bachir Halimi, le patron de la holding d’État SGP Equipag (Société de gestion des Participations de l’État, Equipements Industriels et Agricoles), avec lequel « on s’appelle tous les jours ». En l’occurrence, trois priorités communes ont été dégagées au fil des échanges avec les interlocuteurs algériens : la « montée en qualité de la formation professionnelle » en Algérie, le « développement des infrastructures techniques et normatives » , et la « métrologie ».
Résultats de ce travail dans l’ombre : une douzaine de protocoles d’accords d’ores et déjà signés depuis la conférence intergouvernementale du 16 décembre, dans des domaines très divers, et pour lesquels la Mission estime avoir rempli son rôle. Ils impliquent des organismes tout aussi divers, côté français, que la FIM (Fédération des industries mécaniques), l’Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires), l’Afnor (Association française de normalisation), l’Orse (Observatoire de la RSE), le LNE (Laboratoire national d’essai), le CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), Bull, la Fondation Schneider Electric…Détail important, pour chacun, « un chef de projet a été désigné au ministère algérien de l’Industrie » courant mars 2014.
« On sent que les Algériens ont envie de rétablir les liens avec la France »
Pour ne citer que quelques exemples, le CNAM a ainsi un projet en cours avec le holding d’État SGP IM (Société de gestion des Participations d’État Industrie Manufacturière), pour l’établissement d’un centre de formation professionnelle : « le protocole a été signé le 23 avril pour une étude de faisabilité d’un centre de formation dédié à l’entreprise », et il pourrait déboucher sur les premières formations fin 2014, a précisé Laurent Pérez, directeur des Relations européennes et internationales du CNAM.
Le LNE travaille à la création d’un laboratoire national de référence en métrologie. L’Afnor et l’Ianor algérienne coopèrent dans le domaine de la normalisation et de l’évaluation de la conformité, un enjeu important alors que le marché algérien est envahi par les contrefaçons. La Fédération des industries mécaniques (FIM), qui a relayé auprès de ses membres une vingtaine de projets de partenariat en matière d’équipements mécaniques pour divers secteurs : « On sent que les Algériens ont envie de rétablir les liens avec la France », a commenté Evelyne Cholet, directrice des Relations internationales de la FIM, ajoutant : « C’est extrêmement encourageant, je trouve que c’est allé vite en quelques mois ».
Des projets impliquent aussi des sociétés françaises avec une vision internationale des objectifs. En janvier 2014, à l’occasion d’un forum franco-algérien, a été signé un projet de création d’un centre de calcul intensif -l’un des tout premier monté en Afrique-, qui associe Bull, l’Inria et le ministère algérien de la Recherche. Un projet jugé stratégique des deux côtés de la Méditerranée : « on joue la quatrième révolution industrielle avec eux », a souligné Luc Saint Jeannet, directeur international de la société française.
D’après Jean-Louis Levet, rien ne saurait entraver cette dynamique : « pendant la dernière campagne présidentielle (algérienne), les travaux ont continué ». Un signal encourageant…
Christine Gilguy