En affirmant d’emblée qu’il « n’y a plus de politique africaine de la France », Emmanuel Macron aura marqué les esprits dans un discours très attendu, notamment par les milieux d’affaires franco-africains. S’exprimant, le 28 novembre à l’université d’Ouagadougou au Burkina Faso, première étape de son voyage en Afrique subsaharienne, avant la Côte d’ Ivoire pour le Sommet Union européenne-Union africaine (UE-UA) et le Ghana, le président a proposé ainsi à la jeunesse une nouvelle vision des relations entre la France et l’Afrique.
« Je suis d’une génération où on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire » et « je suis d’une génération profondément européenne », a encore souligné le président de la République, qui a défendu une approche de partenariat ouverte sur l’UE. Pour nombre de raisons, lesquelles n’ont pas été éludées (proximité géographique, francophonie, histoire, développement et migrations, terrorisme), la France a un rôle à jouer aux côtés des autres États membres.
La France, « coordinateur de l’action européenne »
Le chef de l’État, qui a déclaré que « l’Afrique est tout simplement le continent central, global, incontournable », estime que « la France ne peut pas tout faire seule, mais elle peut être un chef de file, un intermédiaire, un coordinateur de l’action européenne », résume un fin connaisseur de la politique française en Afrique, présent à Ouagadougou.
Pas question, pour autant, d’abandonner la diplomatie économique, mais celle-ci doit être vertueuse. D’abord, en finançant de grands projets structurants, comme le train urbain de Dakar, le métro d’Abidjan ou celui de Casablanca. Lors du passage du chef d’État en Côte d’Ivoire, un nouveau contrat de développement et désendettement (CDD) devait être signé, d’un montant global de deux milliards d’euros, dont 1,4 milliard pour le métro de la capitale économique – la première pierre a été posée, le 30 novembre, par Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara (notre photo). Paris a aussi créé un fonds d’investissement dans les infrastructures de 300 millions d’euros.
Ensuite, il faut que « les entreprises françaises soient porteuses d’un partenariat exemplaire, un partenariat exemplaire qui refuse la corruption, qui se plie aux appels d’offres, qui se plie aux règles édictées par les institutions africaines, qui comme l’Ohada* font progresser la bonne gouvernance », a insisté Emmanuel Macron.
Accroître le nombre de VIE et VIA
Pour que le secteur privé tricolore s’engage dans la voie de l’exemplarité, le président lui demande « d’investir dans la formation professionnelle », de « s’engager dans la durée », de « financer des bourses », « s’engager à développer des offres répondant aux besoins de formation et enfin privilégier l’emploi ».
Au passage, Emmanuel Macron engage les PME à investir plus en Afrique. Elles devraient, d’ailleurs, être les bénéficiaires de la sa volonté d’augmenter « dès 2018 le nombre des jeunes volontaires français travaillant dans des entreprises en Afrique ». Business France devrait donc être appelé à multiplier le nombre de Volontaires internationaux en entreprises (VIE) ainsi que de Volontaires internationaux en administration (VIA) dans les ambassades de France « parlant une langue africaine ».
S’adressant à la jeunesse dans un continent dont 70 % de la population est âgée de moins de 30 ans, le président a mis l’accent sur la mobilité, avec également la création d’un visa facilitant les déplacements des jeunes volontaires français, l’augmentation jusqu’à 1 000 nouveaux talents africains accueillis dans l’Hexagone chaque année dans divers domaines (création d’entreprises, sport, culture, recherche et innovation), l’allongement de la durée des visas de circulation, limitée aujourd’hui à cinq mois.
Il a également demandé aux ministres de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, et de l’Enseignement, la recherche et l’innovation, Frédérique Vidal, « de travailler au doublement des partenariats universitaires ». Emmanuel Macron a encore annoncé l’ouverture avant le 14 juillet d’une Maison de la jeunesse à Ouagadougou, rassemblant Campus France, France Volontaires, des instituts de recherche, un incubateur pour les jeunes créateurs d’entreprises.
Pour apporter les 450 millions d’emplois dont l’Afrique aurait besoin En 2050, un fonds d’un milliard d’euros permettrait à l’Agence française de développement (AFD) et Bprifrance de soutenir des PME du continent dans le numérique ou l’agriculture.
APD : une stratégie « dans les prochains mois »
En matière d’aide publique au développement (APD), l’engagement du président de parvenir à 0,55 % du revenu national brut (RNB) d’ici 2022 a été confirmé. Jean-Yves Le Drian, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, devra ainsi présenter « dans les prochains mois une stratégie détaillée » et « année après année ». A cet égard, l’AFD devra intervenir plus en matière de formation des enseignants et de scolarisation des jeunes filles et les ambassades devront « attribuer des bourses d’études en France en priorité à des jeunes filles ».
La démographie, la santé, le changement climatique (le président a invité ses homologues africains au Sommet du 12 décembre et la ville durable sera le thème du prochain Sommet Afrique France à Paris en 2020) ont été également des thèmes abordés.
Emmanuel Macron a clôturé son discours avec le sport, qui fera l’objet d’une initiative dans les prochaines semaines pour encourager l’investissement dans les équipements, et la francophonie, avec notamment la création d’un dictionnaire de la francophonie « plus riche, plus large que le français de France, mais qui est ce français de la francophonie ». Une tache confiée à sa représentante personnelle pour la francophonie, l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, en lien avec l’Académie française.
François Pargny
* Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (Ohada)
Pour prolonger :
-France / Afrique : E. Macron et R. Kaboré inaugurent la plus grande centrale solaire ouest-africaine
–Afrique / Sommet UE-UA : Medef International veut une Europe plus “pro-business”
–Sommet UE-UA : les Européens peuvent se relancer en Afrique face aux Chinois
–Afrique / Export : une dépendance à la Chine essentiellement commerciale
–Afrique / French Tech : le French Tech Hub du Cap veut piloter une caravane high tech sur le continent
–France / Maroc : un partenaire au carrefour de l’Europe et de l’Afrique