Intitulée « Le recouvrement d’impayés à l’export : mission impossible ? », la deuxième table-ronde de l’édition 2015 du Forum Moci des Risques et Opportunités à l’international, qui s’est tenue le 26 juin, à Paris, à l’Hôtel des Arts & Métiers, s’est intéressée au risque de défaut de paiement, situation à laquelle ont déjà été confrontées des entreprises dans le cadre de transactions commerciales à l’export.
Eva Sebban, responsable de l’agence de Recouvrement Export chez Euler Hermes France, a introduit cette table-ronde n° 2 en tentant de répondre à la question suivante « Bon et mauvais payeur : quel est la réalité du risque ? », posée par Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moci qui animait cette table-ronde.
Eva Sebban a illustré sa réponse avec une trilogie, pour le moins originale, qu’elle a elle-même défini pour qualifier les différents types de recouvrement de créances à l’international : « Le Bon, la Brute et le Truand ». Non s’en faire échos à un célèbre western de Sergio Leone, ces trois adjectifs ont été donnés par Eva Sebban pour illustrer trois cas pratiques. Explications.
Trois catégories de payeurs différents
– « Le Bon, explique-t-elle, c’est l’acheteur qui rencontre de réelles difficultés de trésorerie ».
Les retards de paiement sont en effet significatifs de difficultés financières sérieuses.
– « La Brute : c’est l’acheteur avec lequel on n’arrive pas à discuter ».
Il peut en effet s’avérer difficile dans certaines transactions commerciales à l’export de négocier avec l’autre partie au contrat.
– « Le Truand : c’est lorsque l’acheteur vous a donné une belle carte de visite, mais au moment de payer on s’aperçoit qu’il y a usurpation d’identité ou que l’acheteur a disparu ».
Les entreprises doivent vérifier si la partie au contrat est solvable.
Que faire en cas de retard de règlement
François Coulin, gérant de la société d’accompagnement à l’international (SAI) Marex et vice-président de l’OSCI (Opérateurs spécialistes du commerce international) a fait part de son expérience. Dans son parcours d’entrepreneur, gérant les services export de 35 PME, il a déjà été amené à rencontrer de mauvais payeurs. « Au Ghana et au Nigeria, explique-t-il, j’ai observé un plus grand nombre de tentatives de vol que d’insolvabilité ». Dans ces pays, il lui est ainsi arrivé de réceptionner de faux chèques.
Mais « avant de parler d’impayés, il faut d’abord se préoccuper du retard du règlement », a prévenu François Coulin. Pour inciter un créancier à payer plus rapidement ses dettes, François Coulin a sa méthode : elle consiste pour le créancier à menacer son client débiteur de faire une déclaration de sinistre auprès de son assureur-crédit, même si dans la réalité le créancier n’a pas souscrit à une assurance-crédit.
Et de rappeler au client débiteur, s’il ne les connaît pas déjà, « que les conséquences sont lourdes : elles signifient pour le débiteur être black listé, il ne pourra plus importer depuis l’Europe et les États-Unis. «Cette méthode, confiait François Coulin, ça marche souvent ». Du moins, celle-ci se révèle dans certains cas bien plus efficace que le simple fait « d’exercer une pression avec des relances par mail », a souligné le dirigeant.
Le mieux reste toutefois, pour éviter les démarches longues et onéreuses, d’être assuré auprès d’un assureur-crédit qui prendra en charge le recouvrement de créances étrangères pour son client.
Impayés : quand faut-il engager une procédure judiciaire ?
François Coulin a également recommandé aux entreprises qui réalisent des transactions commerciales à l’international de réfléchir aux démarches amiables ou judiciaires nécessaires en cas de litige. « Si en dernier ressort on va au tribunal, il y a deux solutions, on gagnera ou on perdra », a prévenu François Coulin.
« Quand est-ce qu’il faut aller au judiciaire en cas d’impayés ? », a alors interrogé Christine Gilguy qui animait le débat. « Il ne faut jamais aller au judiciaire, a affirmé François Coulin, car on ne gagnera pas plus ». Eva Sebban était sur la même ligne, estimant pour sa part que « la procédure judiciaire doit rester le moyen le plus efficace contre les débiteurs récalcitrants dans les situations extrêmes ». Si après plusieurs relances, le retard se transforme en impayé, alors la menace de saisir la justice reste un moyen pour faire pression sur son débiteur.
Dans ce cas, le créancier devra adapter ses opérations de recouvrement de créances étrangères au contexte local. Il devra opter pour les modalités de recouvrement les plus adaptées aux particularités juridiques du pays de son débiteur. « Je ne pense pas que l’on (le créancier) puisse faire l’économie des procédures judiciaires car on (il) perdrait de notre (sa) crédibilité », a conclu Eva Sebban.
Venice Affre