Quatorze mois seulement après « la conférence économique pour un nouveau partenariat entre l’Afrique et la France », le 4 décembre 2013, Bercy a accueilli, le 6 février, une cinquantaine de ministres et plus de 500 dirigeants d’entreprises françaises et africaines à assister au « forum africain pour une croissance partagée ». Avec la présence de François Hollande et de trois de ses homologues africains (sur notre photo, à gauche Macky Sall et à droite Ali Bongo, présidents du Sénégal et du Gabon, entourent François Hollande), une manière de rappeler la priorité haute désormais donnée à l’Afrique en matière de diplomatie économique, de commerce extérieur, et d’investissement international, et de mobiliser les entreprises françaises.
Organisé également par le ministère de l’Économie et des finances et Medef International, ce nouvel évènement visant à renforcer les relations économiques des deux côtés de la Méditerranée a été ouvert par les trois ministres piliers de la mise en oeuvre de cette orientation stratégique, Laurent Fabius (Affaires étrangères et développement international), Michel Sapin (Finances et comptes publics) et Emmanuel Macron (Économie, industrie et numérique). « Le renforcement de la relation économique France-Afrique est prioritaire », a ainsi martelé Laurent Fabius, qui plaide pour « le développement de relations économiques plus dynamiques d’égal à égal avec l’ensemble de l’Afrique ».
Une banque de l’export pour les gros contrats
Entre deux déplacements à Kiev et Moscou, François Hollande avait choisi d’accueillir ses pairs africains, les présidents Macky Sall (Sénégal), Ali Bongo (Gabon) et Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire). Sécurité (au Sahel notamment…), climat (tenue de la conférence Cop 21 à Paris, 30 novembre-11 décembre), relations bilatérales étaient au menu de l’allocution du chef d’État français, dont la principale annonce a été la création d’une « banque d’exportation pour les grands contrats internationaux », un établissement qui devrait intervenir « d’ici fin mars » dans « tous les pays » et dans « tous les secteurs économiques » pour des projets « dépassant 200 millions d’euros ».
Un communiqué de presse des ministres de l’Économie et des Finances a précisé le même jour que « les exportateurs bénéficieront d’une offre de financement plus avantageuse sur leurs grands contrats, grâce à un opérateur public de refinancement des grands contrats à l’exportation, la banque publique Société de Financement Local (SFIL) ». C’est ainsi que « la SFIL refinancera les crédits exports de gros montant octroyés par les banques, ce qui fera baisser le coût de ces crédits pour les clients des entreprises exportatrices ».
Pour le président comme pour ses ministres, c’est le financement qui fait maintenant la différence entre les compétiteurs à l’international. « L’Afrique, avec une croissance économique de 5 % depuis 10 ans, est très convoitée et a beaucoup changé », expliquait Michel Sapin avant l’arrivée de François Hollande et des présidents africains à Bercy.
De nouveaux programmes de formations pour les managers et cadres
L’ancien ministre du Travail (mai 2012-mars 2014) a, toutefois, insisté aussi sur « l’enjeu, les défis, mais aussi la valeur ajoutée du capital humain ». Son ministère finance ainsi deux programmes de formation des jeunes talents africains : « Young Leaders (pour les jeunes entrepreneurs) et Lead Campus (pour des jeunes de 25-35 ans), dont l’école lauréate, Sciences Po, vient d’être désignée », a précisé Lionel Zinsou, président du fonds PAI Partners et de la fondation franco-africaine pour la croissance Africa France, inaugurée officiellement en juillet dernier.
Outre ces deux programmes de formation, RH-Excellence Afrique, coproduit avec le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian) et que soutiendra la Fondation franco-africaine pour la croissance, vise à labelliser et mettre à niveau des centres de formation répondant aux besoins des entreprises, à l’heure actuelle dans 19 établissements de 9 pays francophones au sud du Sahara (Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, RDC, Sénégal, Tchad, Togo). Rappelons que Michel Sapin a fait un chèque de 3 millions d’euros pour permettre la création de cette Fondation qui figurait parmi les recommandations du Rapport Védrine, remis à son prédécesseur au moment du Sommet Afrique-France de décembre 2013.
Infrastructures : privilégier les partenariats privé-public (PPP)
Pour Emmanuel Macron, la jeunesse est aussi une priorité. « 20 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. C’est une fantastique opportunité, mais aussi une responsabilité ». Par ailleurs, affirme-t-il, il faut explorer « les nouvelles voies du développement économique » dans « les infrastructures et le financement des infrastructures », « l’énergie, la sécurité », « le numérique et entrepreneuriat, qui doit faire l’objet de la coopération ».
Pour réaliser les infrastructures, Alassane Ouattara a souligné l’importance du partenariat privé-public (PPP). Et ce, parce que les États n’ont pas la capacité de financer des grands chantiers. Mais « c’est aussi complexe », a pointé le président de la République ivoirienne. Souvent, « l’Administration n’a pas la même expertise que les grands groupes » et donc doit appeler à l’aide la Banque mondiale et la Société financière internationale (SFI) pour « bien négocier ». En 1959, la Saur a été retenue dans le cadre de la privatisation de l’eau à Abidjan. « Dans deux ans, assure Alassane Ouattara, nous aurons de l’eau potable dans l’ensemble de la Côte d’Ivoire ».
Cependant, les projets qui émergent en Afrique peinent à trouver preneurs. Si les PPP, de façon générale, « ne marchent pas, c’est parce que çà prend sept ans et qu’il faudra donc à l’avenir être plus rapide », a estimé Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des Finances du Nigeria. « Ne rêvons pas, un PPP, ce sera toujours long. Nous ne pourrons pas éliminer totalement les 7 ans. On peut sans doute réduire de moitié », a pour sa part réagi Frédéric Oudéa, P-dg de la Société Générale.
La Côte d’Ivoire a engagé une dizaine de PPP. « Nous avons ainsi été le premier pays au monde à nous doter d’un pont à péage urbain », s’est félicité son président. Depuis son inauguration le 16 décembre dernier, le pont Henri Konan Bédié à Abidjan, construit par un consortium français, entre les quartiers de Cocody et Marcory vers l’aéroport, connaît un trafic journalier de 40 000 véhicules. Alassane Ouattara a invité les entreprises françaises à être plus agressives. Lors du forum franco-africain, il a ainsi dévoilé que pour le marché de la collecte et du traitement des déchets ménagers et solides à Abidjan, remporté par l’américain Wise Solutions, aucun des champions tricolores (Veolia…) n’avait soumissionné…
François Pargny
Pour prolonger :
Lire :
Afrique-France : les nouvelles pistes du rapport « Védrine » pour redynamiser les échanges franco-africains
Fondation franco-africaine/Cian : le programme RH Excellence cherche un opérateur et un certificateur
Fondation franco-africaine : le volet formation sera lancé le 12 décembre
Et aussi :
–Rapport CIAN 2015 – Les entreprises françaises & l’Afrique
–Forum Afrique 2015 : la France doit davantage coopérer avec les acteurs des pays émergents et… africains
-Forum Afrique : les nouveaux outils de diplomatie économique doivent désormais faire leurs preuves
-Forum Afrique : les patrons allemands rêvent d’un axe Paris-Berlin « gagnant-gag
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–Afrique du Nord-Moyen-Orient : la croissance va s’accélérer pour s’élever à 3,2 % en 2015 (Coface)
–Parution du Rapport Afrique Cian/Moci 2015 : les entreprises françaises et l’Afrique
-L’Agence française de développement et Bpifrance vont davantage coopérer en Afrique