Carence en matière d’infrastructures, insuffisance de financement, pénurie de main d’œuvre qualifiée, faible taux de bancarisation… Autant de freins qui retardent sinon entravent la révolution industrielle en Afrique, sans toutefois la bloquer tant la dynamique est vive, comme l’ont montrés les échanges en ouverture du Forum Afrique Moci/Cian, organisé le 3 février à la CCI de région Paris Ile-de-France, partenaire de l’événement*.
Dans ce contexte à la fois porteur mais difficile, quelles priorités établir pour accélérer la transformation du continent ? Tel était le sujet de la deuxième table ronde (notre photo) consacrée aux « domaines d’action prioritaires pour accélérer la transformation ».
La digitalisation du continent
Pour Noël Albertus, directeur général Advisory de PwC Maghreb et Afrique francophone, c’est avant tout « la révolution digitale » qui va impulser la prochaine transformation du continent, aussi bien dans l’agriculture que dans la santé. En Afrique, « l’amélioration de l’efficacité des entreprises et des pouvoirs publics » se fera grâce à la révolution digitale.
Citant l’étude de PwC intitulée « Disrupting Africa : Riding the wave of the digital revolution », parue le 10 janvier 2017, Noël Albertus, basé à Casablanca au Maroc, a mis en avant la transformation numérique du secteur agricole avec l’essor du smart farming. Des applications mobiles permettent en effet aux agriculteurs africains d’optimiser leur production agricole en leur permettant de recevoir par SMS les prévisions météorologiques et les prix réels des cours du marché agricole.
Le numérique bouleverse également le secteur de la santé, améliorant le service du patient. « Au Rwanda, les imprimantes 3D sont utilisées pour fabriquer des prothèses orthopédiques », expliquait ainsi le responsable de l’activité conseil de PwC pour les pays du Maghreb et les pays francophones d’Afrique.
Présent en Afrique depuis 1975, le cabinet d’audit PwC dispose de 9 000 collaborateurs dans 34 pays du continent dont 8 000 collaborateurs en Afrique anglophone et lusophone et 1 000 en Afrique francophone.
Favoriser l’accès au logement et développer les infrastructures
L’Afrique, « c’est le continent le plus jeune du monde et c’est une croissance démographique formidable ! » a signalépour sa part Fabrice Didier, directeur marketing de Saint-Gobain, qui a toutefois soulevé les faiblesses en matière d’accès au logement. « Le déficit en logement ne se réduit pas, il continue de s’aggraver », a-t-il averti. Présent en Afrique principalement au Maghreb, en Égypte et en Afrique du Sud, le spécialiste français de l’habitat durable, conçoit, produit et distribue des matériaux de construction adaptés aux besoins du continent.
La mission en Afrique du groupe Saint-Gobain, a confié son directeur marketing, est « de contribuer au développement de logements durables et confortables ».
Outre l’accès au logement, les infrastructures (routes, accès à l’eau et à l’électricité…) représentent un autre défi pour les pays d’Afrique. « Le développement des infrastructures reste une priorité, c’est une priorité pour notre institution », a affirmé Gregory Clemente, directeur général de Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD) dédiée aux financements du secteur privé. Car, assure-t-il, « sans infrastructures, il n’y aura pas de décollage ».
A cet égard, pour accompagner la transition du continent, Proparco intervient sur tous les secteurs d’activité, via des prises de participation au capital minoritaires ou des prêts. Ses financements ciblent en particulier le développement d’infrastructures considérées comme « essentielles » au désenclavement des territoires, à l’activité économique et à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Le développement des infrastructures est également vu comme un secteur prioritaire pour Casablanca Finance City Authority. Le groupe financier marocain vise à encourager les institutions et investisseurs internationaux à investir et mener leurs activités en Afrique du Nord, de l’Ouest et Centrale en choisissant Casablanca comme porte d’entrée vers ces régions. « On a mis en place un cadre dédié aux infrastructures. On a par exemple aujourd’hui le fonds Africa50 développé par la BAD (Banque africaine de développement), c’est le plus emblématique, et dont l’objectif est d’accélérer le développement des infrastructures en Afrique », a indiqué Lamia Merzouki, directrice générale adjointe de Casablanca Finance City Authority. En outre, du fait de l’urbanisation croissante du continent, pour Casablanca Finance City Authority, les infrastructures vertes représentent des opportunités pour les investisseurs étrangers.
Sécuriser les flux de paiement et améliorer l’accès au financement
La problématique clé de l’environnement financier -paiement et financements- a également était abordée lors de cette table ronde, dans le contexte de la montée en puissance des nouvelles technologies.
En Afrique, les entreprises clientes de Société Générale sont confrontées à l’éloignement géographique, le faible taux de bancarisation dans des zones moins peuplées, au manque de services digitaux… « Le premier enjeu pour nous, a indiqué Ingrid Bocris, directrice marketing du réseau International SG International Banking and Financial Services chez Société Générale, c’est d’augmenter l’efficacité opérationnelle de nos clients corporate et de sécuriser les transactions ».
Aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, nos clients corporate ont deux besoins, ils ont besoin de verser des salaires de manière sécurisée à des collaborateurs dispersés dans des zones urbaines et des zones non urbaines, et ils ont un deuxième besoin, qui est de sécuriser les flux de paiement et de dématérialiser les flux de paiement ».
Pour répondre aux besoins spécifiques de ses clients corporate, la banque a lancé une nouvelle offre de mobile banking, un « e.wallet », un portefeuille digital qui permet sans avoir un compte bancaire, de faire des transactions simples avec un téléphone portable. Cette solution, disponible depuis quelques jours en Côte d’Ivoire, sera déployée progressivement dans d’autres pays de la région. Courant 2017 et début 2018, elle sera active au Sénégal, Ghana, Cameroun, en Guinée et au Burkina Faso. « Ce sont nos plus gros pays de présence », précise Ingrid Bocris.
Mais outre le manque d’infrastructures, le second grand frein à la transformation de l’Afrique « c’est l’accès au financement », a estimé Gregory Clemente, rejoint sur ce point par Lamia Merzouki. « Le financement africain est majoritairement bancaire, aujourd’hui, on assiste à la montée en puissance de groupes bancaires africains à vocation panafricaine (exemple : Attijariwafa Bank, Banque populaire…) », a-t-elle fait remarquer. « Ces banques, aujourd’hui, sont présentes dans près de 30 pays en Afrique ». Lamia Merzouki constate également que les « marchés des capitaux sont en plein essor » sur le continent mais qu’« ils ne remplissent pas encore leur rôle de financement de l’économie ». Sans financements, l’Afrique pourra-t-elle financer les secteurs prioritaires à son développement ?
Former la main d’œuvre locale
Lors de la table ronde, la thématique de la formation a également été abordée. « Dans le domaine de la construction et des matériaux, il faut absolument être local ! » a ainsi indiqué Fabrice Didier. « Les matériaux de construction, ça ne se transporte pas sur de longues distances ». Dans les différents pays où il est présent, le groupe Saint-Gobain a recours à l’utilisation de matériels locaux et d’une logistique locale. Et « évidemment, il faut utiliser la main d’œuvre locale ! » a renchéri Fabrice Didier, dont le groupe se veut un acteur du développement local en Afrique.
Dans ce domaine, le groupe accompagne la montée en compétences des professionnels du bâtiment en Afrique en leur proposant de se former aux différentes techniques de la construction. À travers ses « Académies Saint-Gobain », il offre des formations aux métiers de plaquiste ou de poseur pour la pose des plaques de plâtre, des cloisons, des plafonds, des carrelages etc. « Nous avons formé près d’un millier de personnes dans notre centre de formation en Afrique du Sud », a relaté Fabrice Didier. Saint-Gobain va ouvrir une nouvelle académie au Kenya.
Une excellente transition vers la troisième table-ronde, consacrée aux ressources humaines !
Venice Affre
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