Où se situe le potentiel d’affaires des entreprises françaises en Afrique, quelle y est la réalité du risque et de la concurrence ? Pour répondre à ces trois questions, le consultant Thierry Apoteker a présenté le 31 janvier une cartographie que le cabinet TAC (Thierry Apoteker Consulting) a réalisée en exclusivité pour le 3e Forum Afrique, organisé le 31 janvier par Le Moci en partenariat avec le Cian (Conseil français des investisseurs en Afrique) et la CCI Paris Ile-de-France, devant une audience record de 750 personnes.
De façon très précise, TAC a distingué trois régions : le nord – du Maroc à l’Égypte – la zone, selon lui, la plus homogène en terme de développement et la plus intéressante aujourd’hui ; l’ouest et le centre, la zone la plus traditionnelle pour les entreprises de l’Hexagone, mais qui n’est plus homogène (crises au Mali et en Centrafrique, redressement en Côte d’Ivoire…) et dont le développement se situe plutôt à long terme ; et la région qui s’étend de l’Afrique du Sud à l’Éthiopie, bien notée et presque homogène.
« C’est la zone la plus nouvelle et donc la plus difficile de défrichage pour nous », a commenté Thierry Apoteker. Et pourtant, a-t-il ajouté, « regardez l’Éthiopie, notamment, dont le produit intérieur brut a doublé, sa population dépasse aujourd’hui celle de l’Égypte et sa croissance économique, selon les FMI, va passer de 7 % en 2013 à 7,5 % cette année ».
Potentiel d’affaires : l’Afrique du Sud la mieux notée
Le potentiel d’affaires en Afrique s’étage ainsi entre 5,7 pour la Centrafrique et 14,5 pour l’Afrique du Sud sur un indice global de l00. Des notes qui peuvent paraître faibles, mais qui doivent être relativisées. En effet, si la Chine dispose du potentiel le plus élevé avec une note de 87, l’Inde arrive en seconde position avec 32 et seuls sept pays sur 75 au total évalués se hissent au-dessus de la barre de 20.
Derrière la patrie de Nelson Mandela, deux autres pays dépassant la barre de 10 sont encore anglophones – Nigeria (11) et Ghana (10,3) – et deux francophones – Maroc (12,1) et Rwanda (10,1), qui est une ancienne colonie belge. Avec 9,9 et 9,8 points sur 100, sont classés, juste derrière, le Mozambique et la Tanzanie, l’un lusophone, l’autre anglophone.
« Les marchés anglophones sont les plus dynamiques », confirme Alix Camus, adjointe du secrétaire général du Cian, dont le Rapport 2014 sur « les entreprises françaises et l’Afrique » vient de paraître (publié par Le MOCI). Autre enseignement du rapport, les sociétés tricolores implantées sur place y augmentent leurs gains et leurs investissements. Une bonne nouvelle, car depuis longtemps la France a injecté des capitaux importants en Afrique.
La France, première en matière d’IDE devant les Etats-Unis
D’après la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced), la France était le premier investisseur étranger en 2011 en Afrique, avec une part de 17,9 %, devançant légèrement les États-Unis, avec 17,5 %, et plus largement le Royaume-Uni, avec 14,6 %, ces trois pays représentant ensemble 50 % du total des investissements directs étrangers (IDE).
« Alors que les IDE en Afrique sont estimés à 56,6 milliards de dollars en 2013, dont 81 % au sud du Sahara, les entreprises françaises ont encore la possibilité de se mobiliser dans des pays où elles sont peu présentes », assure Richard Arlove, président de la compagnie de gestion financière Abax à Maurice. Et de rappeler que 42 % des IDE ont profité à cinq pays : Nigeria, Mozambique, Afrique du Sud, République démocratique du Congo (RDC) et Ghana. Aucun ne figure parmi les anciennes colonies françaises, trois sont anglophones, un lusophone (Mozambique), un francophone (RDC, ancienne colonie belge).
Aujourd’hui, à l’exception du Soudan, de la RDC et du Zimbabwe, il n’y a « pas de risque majeur en Afrique », estime Thierry Apoteker, qui précise, toutefois, que si « le risque économique, financier est devenu acceptable », en revanche, « pour le risque politique, ce n’est pas le cas », car il y a toujours « le risque que les règles du jeu soient changées ».
La RDC, un risque majeur, avec 67,2 points sur 100
Ainsi, d’après la carte de notation du risque économique et politique de TAC, la RDC présente un risque de 67,2 points sur 100, alors que la même note tombe à 27,6 pour le Botswana. Parmi les risques élevés, figurent encore le Cameroun, avec 54,2 points (69 rien que pour le risque politique), la Tanzanie, avec 53 ou encore la Côte d’Ivoire, avec 52,9 (70 rien que pour le risque politique).
La Chine semble peu sensible à un environnement des affaires, qui se serait encore dégradé l’an dernier d’après le rapport 2014 du Cian. « Cet État développe une diplomatie économique très active, tout azimuts, ce qui lui a permis, par exemple, de gagner 16,4 points de part de marché à 18,8 % en 2012 au Cameroun », expose Thierry Apoteker. Selon lui, il y a « une déferlante concurrentielle dont on n’a pas pris la mesure, parce que les marchés étaient toujours en croissance » et le résultat est que « la France perd de façon massive des parts de marché et pour l’essentiel de la part de nouveaux concurrents ».
Car la Chine n’est pas seule à émerger sur la scène africaine. Il y aussi l’Inde, qui, contrairement à l’ex-Empire du Milieu, concentre ses efforts sur quelques pays uniquement (sources Cnuced et TAC), comme Maurice (22,5 % de part de marché en 2012), le Swaziland (21,3 %), l’Ouganda (14,6 %) et le Mozambique (11,8 %).
La Chine, premier fournisseur devant la France, l’Inde cinquième
D’après les mêmes sources, l’Inde a depuis quelques années dépassé le Royaume-Uni comme cinquième pays fournisseur étranger du continent, avec une part de marché (PDM) de 4,3 % en 2012. Ce pays, qui a connu une progression de 2,6 % depuis 2000, rattrape ainsi un peu de son retard sur trois pays, partenaires traditionnels, qui ont perdu entre 2,6 % (États-Unis et Allemagne) et 5,5 % de PDM (France).
La Chine, qui a enregistré une ascension fulgurante (+ 9,2 %), est dorénavant largement en tête, avec une part de marché de 12,7 %, devant la France, avec 6,1 %, les États-Unis, avec 6 %, et l’Allemagne, avec 4,8 %. En dix ans, la France n’aura affiché des gains qu’au Niger, en Guinée Équatoriale et au Malawi.
François Pargny