Une plateforme BtoB en ligne spécialisée dans les produits agroalimentaires français premium à destination des acheteurs chinois, offrant traçabilité et transparence grâce à la blockchain : telle est la promesse de Fooodgates. L’entreprise a inauguré sa plateforme et signé un partenariat avec les Maîtres laitiers du Cotentin le 9 novembre, lors de l’Exposition internationale d’importation de la Chine (CIIE) qui vient de s’achever à Shanghai.
Développé à Shanghai au sein du groupe logistique français ASI, Foodgates permet aux acheteurs chinois d’importer directement du bœuf du limousin, des huîtres normandes et bretonnes ou encore des produits laitiers sans multiplier le nombre d’intermédiaires, toujours nombreux en Chine.
Grâce à la technologie blockchain, la plateforme regroupe toutes les informations sur le produit (conditions de production, numéro du lot, conformité réglementaire, certification chinoise) et son acheminement vers l’Empire du milieu (date de l’enlèvement de la marchandise, itinéraire…). Des données accessibles grâce à un simple code QR apposé sur l’emballage. De quoi rassurer les consommateurs en Chine.
La transparence et la sécurité alimentaire : deux arguments de poids sur le marché chinois
Alors que l’économie mondiale et les entreprises nagent actuellement en pleine incertitude, Mathieu Borgé, cofondateur de Foodgates, déborde de confiance. « L’alignement des astres est parfait et nous arrivons au bon moment. Notre solution, qui est à ma connaissance une première mondiale, permet, pour les producteurs français, d’avoir une visibilité alors qu’il est impossible de faire de la prospection commerciale et, pour les acheteurs chinois, de garantir transparence et traçabilité alors que la question de l’approvisionnement et de la sécurité agroalimentaires est très vivace dans ce pays. »
Autre avantage : Foodgates, qui bénéficie de la licence d’importation (obligatoire pour importer en Chine) de ASI, prend en charge la conversion renminbis/euros. Concrètement le distributeur, le restaurateur ou l’hôtelier chinois sont facturés en renminbis et le producteur est payé en euros.
En outre, Foodgates travaille avec cinq transporteurs (deux maritimes et trois aériens) pour proposer une solution de fret qui se veut avantageuse pour les clients. « Grâce à cette diminution du nombre d’intermédiaires et à ces partenariats dans la logistique, nous sommes 30 % à 60 % moins chers, en fonction du produit, qu’en suivant un circuit classique », assure Mathieu Borgé.
Les Maîtres laitiers du Cotentin veulent accélérer leur conquête du marché chinois
Du côté des producteurs, ce nouvel outil arrive à point nommé pour Guillaume Billard, directeur international des Maîtres laitiers du Cotentin : « En Chine, les produits laitiers ont plutôt profité du Covid car les autorités ont recommandé leur consommation pour renforcer le système immunitaire de la population. Même si cela ne repose sur aucune réalité scientifique, l’idée est que ce sont des produits sains, bons pour la santé » estime-t-il.
Echaudée par leur aventure avec le groupe chinois Synutra (les Maitres laitiers avaient construit une usine pour ce partenaire avant que celui-ci ne rompe le contrat en 2018
), la coopérative normande travaille pourtant toujours avec la Chine. « C’est un marché incontournable où nous exportons notre production en MDD mais où nous souhaitons aussi nous faire connaître », confirme Guillaume Billard.
Pour ce faire, la coopérative normande a lancé une marque, « Normandie 1905 », en référence à l’année de sa création, et a choisi de proposer 10 références sur Foodgates, dont des briquettes de 200 ml de lait infantile (notre photo). « Cette plateforme va nous donner une visibilité et mettre en valeur les qualités de notre produit tout en rassurant l’acheteur chinois sur les questions de traçabilité et de sécurité alimentaire », espère le directeur export.
Si les Maîtres laitiers du Cotentin exporte pour l’instant moins de 15 % de leur production hors Europe, ils tablent sur de nouveaux gros contrats et deux nouvelles marques pour faire véritablement décoller leur chiffre d’affaires en Chine dès 2021.
Atteindre 500 produits et 50 producteur d’ici trois mois
En ces temps de pandémie, Foodgates propose donc une vitrine à des producteurs dans l’impossibilité de prospecter de nouveaux marchés et désireux de trouver des relais de croissance en Chine. « Nous ne souhaitons pas pour autant devenir une plateforme de trading classique, précise Mathieu Borgé. Nous voulons vraiment, en partant des besoins des Chinois, proposer les meilleurs produits de l’excellence à la française ».
Pour dénicher des pépites, il se tourne vers diverses structures de quatre régions : Anaa en Nouvelle Aquitaine, FoodLoire dans les Pays de la Loire, Ad’Occ en Occitanie et la Région en Normandie. A son lancement, la plateforme compte 200 produits de 15 producteurs et a pour objectif d’en totaliser 500 (pour 50 producteurs) d’ici trois mois.
Des produits moins chers pour l’acheteur chinois
Comment Foodgates se remunère-t-il ? Pour 1 à 10 produits mis en ligne, il en coûte pour le producteur un abonnement mensuel de 599 euros. Ensuite, l’acheteur chinois verse une commission de 10 % à 15 % du montant de la commande.
Pour Mathieu Borgé, « c’est beaucoup moins que les 20 % ou 30 % demandés par un importateur chinois qui, de plus, n’est que l’un des intermédiaires ». L’occasion donc de rendre compétitifs des produits premium dont les consommateurs chinois aisés sont particulièrement friands tout en étant très regardant sur la traçabilité. « Une étude australienne a par exemple montré que 50 % de la viande bœuf australienne commercialisée en Chine n’était ni australienne ni même du bœuf », rappelle Mathieu Borgé.
C’est donc grâce à la technologie de la blockchain mise à disposition des PME et ETI que les Maîtres laitiers du Cotentin, malgré leur mésaventure avec Synutra, vont pouvoir renforcer la légitimité du lait infantile d’excellente qualité dans un pays où, 12 ans plus tard, le scandale du lait contaminé à la mélamine est encore très vif.
Sophie Creusillet